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Le yuan et Pékin sous pression

par Akram Belkaid, Paris

Cela a beau se reproduire de manière régulière, il est encore difficile de ne pas être impressionné. En février dernier, la Chine a enregistré un excédent commercial de 7,6 milliards de dollars, soit un bond de 46% par rapport au même mois en 2009. Il est encore trop tôt pour l’affirmer mais il est fort probable que le montant de 198 milliards de dollars d’excédent commercial réalisé l’année dernière par les exportateurs chinois sera dépassé cette année. Cela devrait conforter la place de premier exportateur mondial qu’occupe l’Empire du Milieu après avoir délogé l’Allemagne de cette position en 2009.

Des soucis en perspective

 Des économistes pensent même que c’est en 2010 que la Chine va dépasser le Japon en tant que seconde économie mondiale derrière les Etats-Unis. Cela risque d’autant de se vérifier que les autorités chinoises n’ont pas l’intention de freiner la machine économique au prétexte qu’elle serait menacée de surchauffe. Le Premier ministre Wen Jiabao a même affirmé en début de semaine que le plan de relance économique - «stimulus plan» - serait maintenu, l’état de l’économie mondial demeurant incertain. Pour mémoire, depuis 2008, Pékin injecte près de 400 milliards de dollars dans son économie pour la soutenir.
 Mais ce n’est pas la possible apparition d’une forte inflation qui menace la Chine mais bien le retour en force des critiques internationales à l’encontre de sa monnaie. Avec l’annonce de l’excédent commercial réalisé en février dernier, Pékin a provoqué de nombreux commentaires acerbes sur le fait que cette performance n’est due qu’à la sous-évaluation du yuan ou renminbi. On sait qu’une monnaie faible privilégie les exportations, or les contempteurs de Pékin l’accusent de maintenir sa devise à un niveau artificiellement faible, certains élus américains avançant même un taux de sous-évaluation de près de 40% par rapport au dollar américain !
 Bien entendu, la Chine ne semble pas vouloir donner prise à ces accusations et s’en prend même aux Etats-Unis et à l’Europe, les accusant d’ingérence dans ses affaires intérieures. Ainsi, certains journaux chinois n’hésitent plus à moquer le Congrès américain dont certains élus encouragent la Chine à continuer d’acheter des bons du Trésor américain - opération qui contribue à augmenter la valeur du dollar par rapport au yuan - et qui dénoncent dans le même temps la faiblesse de la devise chinoise vis-à-vis du billet vert.
 Et la polémique risque de s’aggraver au mois d’avril prochain lorsque le Trésor américain va publier son rapport semestriel. L’administration américaine pourrait alors accuser officiellement la Chine de manipulation de sa monnaie ce qui ouvrirait la voie à des sanctions commerciales lesquelles, bien entendu, provoqueraient des représailles chinoises en retour. Une perspective qui n’apaise pas les tensions sino-américaines actuelles.

Un redéploiement géographique

 Mais la faiblesse du yuan n’est pas la seule raison de la colère des Etats-Unis et de l’Europe. A regarder de près les statistiques du commerce extérieur publiées par Pékin on se rend compte que les importations chinoises augmentent elles aussi ( 44% en février dernier). Seul problème pour Washington et les Vingt-Sept : c’est d’abord en provenance de l’Asie du Sud-Est mais aussi de l’Amérique du Sud que ce réalise cette augmentation tandis que les importations en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord tendent à diminuer. En clair, la Chine diversifie de plus en plus ses approvisionnements mais continue plus que jamais de s’imposer sur les marchés étasuniens et européens. La question qui se pose alors est simple : jusqu’à quand cela va-t-il durer ?