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Le Maroc et l’Union européenne

par Akram Belkaid, Paris

 A l’heure où l’Union pour la Méditerranée (UPM) n’en finit pas de redémarrer (son Secrétaire Général vient à peine d’être installé à Barcelone), il n’est pas inintéressant de s’attarder sur la stratégie européenne du Maroc, ce pays étant souvent accusé de «jouer perso» dans le concert euro-méditerranéen. Dimanche dernier, les représentants de ce pays et ceux de l’Union européenne (UE) se sont en effet retrouvés à Grenade pour le premier sommet bilatéral UE-Maroc. Une rencontre officielle due au fait que le Royaume chérifien est le seul pays de la rive sud de la Méditerranée à bénéficier d’un «statut avancé», lequel lui a été octroyé par l’Union européenne en octobre 2008.

L’adhésion à l’UE aux oubliettes

 Dans les faits, les deux parties ont convenu à Grenade de poursuivre leurs négociations pour la libéralisation des services, un dossier jusqu’à présent bloqué en raison des reports successifs de l’entrée en vigueur d’un accord conclu en 2009 sur les produits agricoles. De même, Rabat et l’UE entendent poursuivre leurs discussions sur la coopération énergétique, notamment pour ce qui concerne les réseaux interconnectés d’électricité. Autant d’engagements qui, ajoutés à la tenue très médiatisée de cette rencontre, peuvent conforter l’opinion selon laquelle le Maroc est, pour l’Union européenne, un partenaire vraiment à part parmi les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (Psem). C’est d’ailleurs ce que laisse entendre la formule habituelle qui caractérise le statut avancé puisqu’elle stipule que ce dernier est «plus que l’association, moins que l’adhésion» (avec l’Union européenne). Une formule qui devrait être pourtant réécrite ainsi : «plus que l’association mais moins que l’adhésion»…
 Car il fut un temps où le Maroc de Hassan II ambitionnait d’adhérer à l’Union européenne (candidature refusée par l’UE en 1987). Une démarche finalement abandonnée mais qui, à bien y regarder, faisait sens. Certes, il ne sert à rien de bâtir des scénarios fictifs en imaginant ce qu’aurait été aujourd’hui un Maroc ayant bénéficié des fonds structurels européens (dont le montant annuel aurait certainement été supérieur aux 650 millions d’euros d’aide européenne actuelle) et, surtout, ayant été tiré vers le haut par les critères d’adhésion imposant l’acquis communautaire dans tous les domaines y compris celui de la gouvernance politique et du respect des droits de la personne humaine…
 Qu’apporte finalement le statut avancé au Maroc ? A dire vrai, pas grand-chose concrètement si ce n’est le fait que le Royaume tire encore mieux son épingle du jeu en matière de captation des crédits européens. Pour le reste… Prenons, par exemple, la question du Sahara Occidental. Statut avancé ou pas, le Maroc n’arrive pas à convaincre l’UE de soutenir sa position, l’Europe continuant (pour l’instant) de défendre une solution qui contenterait «toutes les parties». De même, le statut avancé ne signifie pas encore que tous les produits agricoles marocains, à commencer par la tomate et les agrumes, accèderont librement au marché européen.

Une difficile convergence

 Plus préoccupant encore, de nombreux économistes, y compris marocains, jugent que les montants de l’aide européenne ne suffiront jamais pour permettre une convergence de l’économie marocaine avec celles des pays européens. Du coup, le statut avancé apparaît pour ce qu’il est : une solution compensatrice trouvée par l’Europe pour contenter, faute de mieux, les pays auxquels est refusée l’adhésion. Quant au Maroc, il y trouve tout de même un avantage majeur : celui du renforcement de sa légitimité politique que cela soit vis-à-vis de l’extérieur ou de l’intérieur.