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L'Etat d'Israël sert-il encore à quelque chose ?

par Mohamed Iqbal*

«On ne peut pas tout le temps tromper tout le monde» A. Lincoln

Foyer national juif», «poste avancé de l'Occident», «bras armé de la lutte anti-terroriste», «seule démocratie du Moyen Orient». Voilà en substance, les «missions» qui reviennent tour à tour dans la phraséologie pour ne pas dire le matraquage idéologique utilisé sans retenue par la plupart des médias et des personnalités politiques occidentaux lorsque l'entité sioniste est dans l'actualité. Mieux encore ; lorsque l'Etat d'Israël agit, comme il le fait le plus souvent, en dehors de toute légalité et contrairement à toute morale politique et humaine, l'ensemble des médias d'information et d'animation occidentaux programment des reportages ou des films sur la persécution des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale quand ce n'est pas sur «l'extrémisme arabo-musulman». Ceci est d'ailleurs facilement vérifiable à partir de la lecture historique des programmes en relation avec les évènements politiques et militaires qui marquent l'actualité de cet état.

 Les gens à travers le monde, c'est-à-dire la véritable opinion mondiale, ne s'y trompent plus. Comme le montrent de nombreux sondages, l'état d'Israël est aujourd'hui perçu comme le principal danger pesant sur la paix dans le monde. Cette perception n'est pas propre aux pays arabes et musulmans, comme s'évertuent à nous le faire croire ces mêmes médias mais a commencé, voilà un certain temps, à prendre de plus en plus d'importance dans les opinions occidentales. Et cela bien avant l'encerclement, le massacre systématique et le blocus des populations civiles palestiniennes de Ghaza qui portera un coup fatal à une image d'Epinal construite depuis six décennies. L'Etat d'Israël apparaît aujourd'hui sous son véritable aspect décrit voilà plus de quarante ans par le général De Gaulle : un état arrogant, dominateur et surarmé. Avec aujourd'hui des caractéristiques bien plus aggravantes comme une discrimination au dépens des Israéliens originaires des pays arabes ou africains et un racisme anti-arabe israélien et anti-palestinien institutionnalisé, le tout instrumentalisé par un personnel politique corrompu et sans envergure.

 La situation a atteint un point tel que même les «opinion-maker» traditionnellement complaisants à l'égard d'Israël en sont réduits à «ne pas comprendre» ou à «regretter» les nombreuses et permanentes actions illégales notamment la colonisation sauvage, la judaïsation forcée de Jérusalem-Est, l'élimination physique des Palestiniens, la destruction des habitations, la dépossession des terres, le sabotage des cultures et la distribution des eaux. Pire que cela, la complaisance va jusqu'à considérer que la domination de l'actuel gouvernement par l'extrême droite raciste comme un «aléa de la démocratie» oubliant trop rapidement que c'est ce même «aléa» qui a amené au pouvoir, dans les années 30, ce 3ème Reich dont a si souffert le peuple juif. C'est ce même «aléa» qui a réussi à la droite populiste autrichienne, aux néoconservateurs américains et qui a failli réussir en France en 2002.

 Paradoxalement, ce seront surtout des intellectuels juifs européens et américains indépendants ou bien des personnalités éminentes des élites politique, intellectuelle, culturelle et associative israéliennes qui vont se dresser en véritables objecteurs de conscience devant les graves dérives morales et éthiques d'un système politique militarisé à l'extrême ayant érigé l'amoralisme comme méthode de gouvernance. Ces dérives sont d'autant plus préoccupantes qu'elles se drapent d'une religiosité de plus en plus active aussi bien politiquement, militairement que socialement. C'est ainsi que l'échiquier politique est complètement investi par les partis religieux, l'action militaire est ritualisée, la pratique religieuse est ostentatoire et l'ostracisme social vise les non-pratiquants. Ce qui fait dire à certains observateurs avertis qu'à l'instar des pays arabes, Israël est en train de connaitre les mêmes transformations à savoir l'intrusion fracassante du religieux dans le politique.

 Mais ce qui est le plus préoccupant, ce sont les perspectives presque nulles en matière de solution politique d'un conflit qui empêche toute la région et le reste du monde par voie de conséquence d'ouvrir une page d'histoire nouvelle qui serait bénéfique pour tous. Au-delà des aspects tragiques si coûteux en vies humaines et ressources dispendieuses, il y a un côté à la limite du ridicule dans ce conflit que résume parfaitement cette réponse de Shimon Pérès à Marek Halter qui le questionnait sur la propension d'Israël à utiliser de manière démesurée sa puissance militaire «nous sommes surarmés et nous n'avons pas de guerre» ! Lorsqu'on observe la carte actuelle de ce qui devrait constituer l'Etat de Palestine, on est frappé par la prolifération des colonies illégalement construites depuis 1967. Mais on est d'autant scandalisé par le travail de destruction systématique du patrimoine islamo-chrétien de Palestine et particulièrement de Jérusalem dont la valeur est inestimable sous le prétexte fallacieux de recherche de «l'arche perdue» qui serait enfouie sous la mosquée d'El Aqsa, ce que même les moyens modernes de l'archéologie n'ont pu démontrer. Ainsi, plus de soixante ans après sa création dans les conditions que tout le monde connaît aujourd'hui, et après avoir fui le ghetto, l'Etat d'Israël ressemble à un ghetto. Un grand ghetto ! Le ghetto de Massada en somme ! Une catastrophe ou pour reprendre une expression galvaudée, une shoah ! Pour tout le monde. Tout ça pour ça est-on tenté de dire !

* Journaliste Indépendant