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La culture à Tlemcen : état des lieux

par Amine Fethi Benabadji

Le savoir et la culture et le passé historique de la ville de Tlemcen ont pris un chemin sinueux et hasardeux plein d'embûches. Visiblement balisé et signalé «chemin dangereux», ne pas s'aventurer, sans issue. Les vertus et la noblesse de Tlemcen s'évanouissent sûrement et lentement, semblables à la flamme d'un feu de cheminée perdant sa luminosité et son intensité, par le fait de ne pas l'avoir ravitaillé en bûches de bois. La faute n'incombe pas à la cheminée, mais le fait de ne pas l'avoir entretenue (inadvertance ou oubli).

 Aucune excuse ne pourra démentir le comportement actuel de la société tlemcénienne. Les hommes de cette ville, qui ont tant fait pour préserver le symbole et la noblesse, ses expressions dialectales et littéraires.

 Le monde culturel de Tlemcen est désarmé face à cette situation désastreuse qui ne cesse de gangrener et de détruire les cellules du savoir faute d'intervention. Pour l'avenir de notre jeunesse, il y a lieu de renouer le combat pour déloger cette lacune pleine d'ignorance dont les conséquences sont graves. Actuellement, c'est la traversée d'un désert de sable mouvant, qu'il faut éviter et contourner. Nos aînés n'ont pas cessé de nous mettre en garde contre les passivités qui détruisent les bonnes volontés. Nombre d'historiens et de chercheurs prennent de l'âge et leur nombre ne cesse de décroître.

 Le constat qui nous a mis en alerte : nous avons remarqué dans les salles de conférences et les amphithéâtres l'absence d'auditeurs (ceci décourage le conférencier national ou étranger). Les sujets et thèmes de grande valeur et d'actualité programmés en traitant en détail les propos, les causes et les raisons exposés sur ce trésor du savoir revêtent un riche caractère. L'élite, les notables ne manquent pas à Tlemcen. Il suffit de les inviter ou de les convier aux différentes manifestations. Ils se rabattent sur les lieux publics stériles (cafés), à défaut d'affectation de lieux ou de cercles qui ont depuis longtemps été désaffectés ou fermés. De ce fait, cet intellectuel se sent évincé, mis à l'écart, marginalisé systématiquement lors des cérémonies ou représentations. Peut-être est-ce dû a l'oubli ? De la part des organisateurs, Tlemcen dispose d'une radio locale d'information, mais il y a d'autres moyens d'informer.

 Tout est là ! Il faut y remédier, messieurs. Nos bibliothèques méritent d'être citées, car il a été constaté que peu des lecteurs les fréquentent. Celles-ci sont dépourvues et dépossédés de nombreux ouvrages nécessaires pour les chercheurs et les universitaires, avides de savoir et d'approfondir leurs connaissances, ne trouvent pas facilement les ouvrages ou la documentation complémentaires. Ils sont dans l'obligation de faire appel à l'Internet, mais tout le monde ne dispose pas de ce précieux avantage.



 En 1962, on ne s'est pas inquiété de nos archives et des manuscrits originaux pour les préserver de la destruction. Certes, ce n'était que le début, on s'occupait d'autres tâches. La protection du patrimoine était de l'inconnu. L'armée coloniale, avertie, a eu toutes les facultés et les facilités pour faire main basse sur les bibliothèques d'Algérie afin d'effacer toute trace de notre histoire et de nos repères. Le même procédé a été employé en Espagne (époque médiévale) par des roitelets chrétiens en chassant les Arabes andalous vers l'Afrique. Ils ont saccagé les mosquées, brûlé les archives. Les Algériens n'ont pas oublié l'incendie criminel de la bibliothèque d'Alger.

 Feu Mahmoud Agha Bouayed (premier directeur de la Bibliothèque nationale d'Alger) a commencé à reconstituer le précieux patrimoine du savoir disparu, qui se trouve frauduleusement éparpillé dans des bibliothèques à l'étranger. Les éditeurs et les directeurs de publication n'ont rien fait pour contribuer à la reconstitution de nos bibliothèques, devenues banques du savoir et de la culture.

 M. Fagnan (historien) fait ressortir dans un manuscrit une liste importante d'ouvrages authentiques mais disparus figurant dans le catalogue de la Bibliothèque nationale d'Alger (p. 450). Leur disparition a été causée par des troubles internes certainement, mais aussi la corruption et autres parasites qui ont parachevé l'œuvre destructive de l'individu. A l'origine de cette situation, le manque de cadres, d'hommes en mesure de prendre en main ce précieux domaine par les intellectuels disponibles qui sont la cause de la turbulence actuelle.

 Les quartiers populeux et les localités doivent être dotés de centres culturels. Cet établissement revêt un caractère important pour la culture et la formation de nos lycéens et universitaires. A titre d'exemple, le centre culturel d'Abou-Tachfine qui a ressuscité grâce à l'initiative d'une militante de la culture (fonctionnaire de l'APC) avec une équipes de jeunes volontaires. Ce centre abrite et anime de nombreuses activités (sports, jeux d'échecs, théâtre, chorale, classe préscolaire, cours d'alphabétisation, bibliothèque, etc.). Mais d'autres zones des quartiers populeux de la commune doivent disposer d'un établissement culturel similaire (El-Eubbad, Agadir, El-Kalâa, Kiffane, etc.).

 Un nouvel élan dans le domaine culturel est devenu une nécessité absolue afin d'éviter que le grand Tlemcen ne sombre et ne se ternisse davantage. Nous saluons et encouragerons toutes les bonnes volontés et initiatives pour rehausser le blason. Cette ville au riche passé a enfanté de nombreux savants, chercheurs et écrivains, et aussi de par sa fonction religieuse. Tlemcen, ville et temple du savoir, fut la pépinière des gens instruits et la capitale du Maghreb central.