Elle devait certainement faire un gros effort moral au moment où elle
confrontait à la barre son violeur. Se présenter devant le tribunal, dans une
audience publique, comme victime de viol, n'est guère une chose aisée,
notamment dans une société telle que la nôtre. Aziza, la trentaine, tombée sous
les griffes d'une bande de truands sans foi ni loi, alors qu'elle se rendait à
son travail, s'est surpassée hier à l'occasion de son procès qu'elle attendait
avec impatience depuis cette cauchemardesque journée estivale du vendredi 26
juin 2009. Elle aurait pu, certes, rester chez-elle et se faire représenter par
un conseil comme il en arrive très souvent dans pareils cas. Mais sa non
présence, du reste compréhensible, aurait été, d'une manière ou d'une autre,
profitable aux accusés. La défense aurait, à coup sûr, exploité la défaillance
de la victime pour semer encore davantage le doute sur la véracité des faits
consignés dans l'acte d'accusation et brouiller ainsi les cartes. Voilà l'une
des raisons qui ont poussé la jeune femme à répondre présente à la convocation
de la justice, malgré l'extrême délicatesse de la situation. Ses droits au plan
civil, la victime s'en est désistée. L'acte sexuel en soi est reconnu sans
détour par le principal accusé, S.T. Celui-ci dit, cependant, que c'était «avec
son consentement». La victime, soutient avoir été violée, sous la menace, par
S.T, dans une vallée sèche, alors que ses trois compères, dont son petit frère,
faisaient les «anges gardiens» à un jet de pierre. Ce jour-là, vers 15h, soit
près d'une heure après la prière du vendredi, Aziza se rendait à son boulot,
dans une usine dans la zone industrielle de Hassi Ameur, où elle travaillait
comme agent de sécurité. Débarquant d'un Karsan, il lui restait près d'un
kilomètre à parcourir à pied pour rallier la Z.I. Arrivée à hauteur du chemin
de fer qui passe à côté du bourg, elle remarque un individu faire l'œil à ses
copains. Elle comprend vite qu'elle en est l'objet. Ses doutes se transforment
en certitude après que S.T l'intercepte et l'apostrophe. Il veut savoir qu'est
ce qu'une jeune femme, étrangère, fait ici par un vendredi. Elle lui répond
qu'elle allait à son travail, en lui montrant son badge d'agent de sécurité en
guise de preuve. Cela ne dissuade pas pour autant l'agresseur, qui veut aller
au bout de ses intentions bestiales. En la menaçant violemment, il la met dans
un dilemme : soit accepter d'accomplir l'acte avec lui et se mettre ainsi hors
de la portée de ses trois copains forcenés, soit refuser et subir dans ce cas
là un viol collectif. N'ayant plus le choix, la malheureuse opte pour le
moindre mal, si tant est qu'il existe un moindre mal dans cette situation
critique. S.T assouvit son désir bestial, sous la surveillance indiscrète de
ses acolytes. Aziza, qui ne croit pas à ce qui lui est arrivé, arrive à son
travail et relate d'emblée sa mésaventure dans le poste de police de l'usine,
amorçant aussitôt une expédition punitive menée par les collègues du travail.
S.T et «consorts» seront arrêtés dans la même journée. Le P.G a requis 8 ans
fermes contre le premier pour viol, 6 ans fermes contre les trois autres pour
association de malfaiteurs et complicité de viol.