Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Insertion des détenus Leur rééducation et leur réhabilitation

par M. Guermersli Bey *

La lecture récente d'un article de presse dans une publication étrangère par un journal national (le Quotidien d'Oran

du 28/01/2010) a interpellé ma conscience de citoyen et d'ancien magistrat chargé de l'application des peines.

Ce qui est décrit par cette publication n'est pas loin de la réalité que vivent les détenus dans les différents établissements pénitentiaires du territoire national.

 Que peut alors constater tout ministre ou toute institution lors de la visite d'un établissement pénitentiaire. L'Algérie, pour sa part, n'est pas loin des standards en ce domaine où les précurseurs, à savoir les pays nordiques, ont sensiblement amélioré les conditions de vie de leurs détenus lorsqu'ils subissent leur peine en milieu fermé.

 Ne peut-on faire de même en Algérie en sauvegardant cette force vive en lui permettant d'acquérir une formation professionnelle, le respect en elle-même et leurs familles sans compter les avantages matériels.

Chapitre I: L'insertion des détenus

 L'insertion des détenus a toujours posé un problème assez difficile à résoudre. En effet, comment expliquer la récidive d'anciens condamnés aussitôt libérés aussitôt auteurs de délit ou crime.

 Les anciens condamnés estiment avoir payé leur dette à la société et de ce fait exempts de reproches.

 Il y a lieu de conclure que le système en place a fait ses preuves et qu'il n'y a rien à en tirer. Il convient de réfléchir à une nouvelle approche en vue de ramener les brebis égarées au sein du troupeau.

 L'Algérien n'est pas plus qu'un autre citoyen d'un pays différent irrécupérable et cette force vive qui végète au sein des établissements pénitentiaires et dans les coins de rues dans leurs quartiers respectifs sont enclins à toutes les transgressions et tous les défis vis-à-vis de la société à laquelle ils ont le sentiment de ne plus appartenir, car cette société les a condamnés et rejetés.

 Les autres ruminent leur rancœur. Ils se comportent de manière agressive. S'est-on interrogé sur le nombre de jeunes qui s'adonnent à l'alcool, le «zambretto» dans un passé récent, la drogue et dans le meilleur des cas la cigarette ou la prostitution?

 Le pays offre, cependant, de grandes possibilités pour peu que l'on offre des solutions à des jeunes et criminels potentiels.

 Parlons-en de l'ANSEJ, et les 100 locaux à usage commercial dans chaque commune à l'attention des jeunes sans travail. Les deux formules ont-elles arrêté, voire freiné la délinquance. A l'évidence non

 Il convient, après ce constat, d'envisager une solution avec à l'esprit la stabilité par des encouragements, voire des facilités d'installation.

Section 1: La stabilité

 Les pouvoirs publics se doivent de repêcher les délinquants après qu'ils aient purgé tout ou partie de la peine à laquelle ils ont été condamnés.

 Il se pose, alors, la question de savoir: quelles sont les motivations des personnes auteurs des infractions qui leur sont imputées?

 La malvie sous toutes ses formes, le désoeuvrement, la promiscuité dans le logement familial, l'absence des débouchés professionnels, la formation, l'exclusion de l'école, l' exclusion de tout confort auquel peut légitimement prétendre un jeune, l'absence de loisirs sains et la liste ne peut que s'allonger. Notre pays dont la majorité des citoyens est jeune et pleine de force, de vitalité et d'initiatives positives ne demande qu'à être canalisée et ne plus être des atomes libres.

 Faire admettre le bien-fondé de toute initiative de l'Etat, sans paternalisme, ni démagogie; voilà le secret de la réussite quel que soit le programme.

 L'Etat a modifié, voire abrogé l'ordonnance 72.2 du 10.02.1972 portant code de l'organisation pénitentiaire et de la rééducation et remplacé par la loi 05.04 du 06.02.2005 portant code de l'organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus.

 Par ce nouveau texte, l'Etat met l'accent sur le côté social de la réinsertion des détenus. Comme cité plus haut, l'emprisonnement doit servir à la réinsertion du détenu et non pas en faire un délinquant pour l'avenir.

 Car un détenu réinséré socialement est un citoyen que le pays aura gagné et qui pourra, par son action future, apporter un gain consistant à la société au sein de laquelle il évoluera.

 Se posera alors la question de savoir par quels moyens un détenu pourra être réinséré socialement et par la même devenir un citoyen utile à son pays?

 Aussi, il est permis de considérer l'espace géographique du pays, les moyens dont dispose l'Etat en vue de rentabiliser un investissement humain.

Section 2: L'investissement humain

 De vastes étendues du pays restent désertes de toute présence humaine et absentes de rentabilité. Pour palier à ces insuffisances n'est-il pas judicieux de créer des centres de peuplements autosuffisants?

 Le constat actuel est l'utilisation de la main-d'œuvre pénitentiaire pour les besoins des établissements pénitentiaires et des juridictions ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi et va dans le sens de l'utilité pour l'administration pénitentiaire d'une main-d'œuvre gratuite.

 Pour le détenu, une illusion de liberté et ne pas se morfondre dans une cour ou une salle de détention après le moment passé dans un autre cadre.

 Cependant, le retour en milieu carcéral anéanti cette illusion momentanée de liberté.

 Les solutions de replâtrage ne pourront en aucune façon être durables et le gain pour le pays en général et pour les anciens détenus en particulier reste aléatoire. Il est temps de réfléchir à une solution durable

 Ce qui a précédé jusqu'alors a donné les résultats que tout un chacun connaît: la récidive et maintenant les harraga. Cela ne veut pas, forcément, dire que tous les harraga soient des anciens détenus.

 Stabiliser les gens, les citoyens, doit rester une préoccupation constante à l'effet de canaliser cette force vive de la nation et par la même redonner espoir aux citoyens en créant des centres de vie avec tout ce que cela peut comporter comme infrastructures.

Chapitre II: Les centres de vie

 Les exemples ne manquent pas dans l'histoire, en particulier en Algérie et de par le nombre où des territoires font et on fait l'objet d'un peuplement par les autochtones et par des étrangers pouvant bénéficier de la nationalité du pays d'accueil (Algérie, USA et Australie) pour ne citer que ces pays. L'Algérie pourra dans ce cas être découpée en zones d'installation et d'édification de centres de vie.Ces centres seront équipés par des infrastructures de services publics; route, électricité, gaz, poste, téléphone, assainissement, eau, etc. sans omettre le logement.

 Section 1: Les infrastructures

 Chaque service de l'Etat pourra installer un établissement et y affecter le personnel nécessaire à son bon fonctionnement. Le gestionnaire de chaque service public pourra, de ce fait, avoir un plus large éventail de postes à aménager et pouvoir en personnel.

Section 2: Lieux d'implantation des centres

 Comme cité plus haut, le pays sera découpé en zones de peuplements spécifiques. Cela permettra à chaque spécialiste, aménagiste, urbaniste, sociologue, anthropologue, paysagiste et à tous les corps de métier d' y trouver matière à réflexion, enfin, aboutir au droit de cité et de s'y installer à demeure et le cas échéant en famille. Il apparaîtra en fonction des éléments à déterminer par une commission de spécialistes cités plus haut, de situer l'emplacement géographique, les besoins en infrastructures, la composante humaine du cadre de vie et le statut juridique de ces centres. Les citoyens demeurant dans ces centres

 Les raisons de s'installer dans ces centres seront personnelles pour les citoyens et obéiront à d'autres considérations pour les gestionnaires des services publics. Il faut entendre par-là, la qualité des citoyens devant y vivre à l'effet d'aboutir à une harmonie entre eux.

 L'Etat peut consentir cet effort en raison de ses moyens matériels, humains et financiers, présents et futurs. Cette modeste réflexion est livrée aux différentes autorités et se veut être non exhaustive à l'effet de mettre en place une véritable politique d'insertion et de formation à la vie citoyenne.

 D'aucuns rétorqueront qu'il s'agira là d'une forme de relégation. La réponse est négative dans la mesure où pourront s'installer dans ces centres toutes les personnes désireuses de le faire sans aucune contrainte, que le respect des lois de la République et surtout par la présence de leur famille.

 L'ancien détenu aura, à la fin de sa peine, la satisfaction morale d'avoir été utile à la société qui ne l'a pas rejeté, mieux encore contribuer à l'entretien de sa famille (ce qui existe dans les textes) à travers un pécule à sa libération pour un nouveau départ dans la vie et innovation en ce qui concerne son casier judiciaire n°3, l'effacement de sa condamnation antérieure Peut-il, à ce moment-là, douter de lui, de son pays et de la société qui l'a réhabilité. Il s'agit-là d'une simple approche du problème de la rééducation et de la réinsertion des citoyens ayant fauté et transgressé les règles.

* Ancien magistrat chargé de l'application des sentences pénales