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Après Chinafrica, Indiafrica ?

par Akram Belkaid, Paris


Souvent, l’évolution mondiale de l’économie est résumée par de nouveaux sigles ou acronymes tels que G2 (sommet entre les Etats-Unis et la Chine) ou « Chinamerica», la signification de cette expression étant légèrement différente de celle du sigle précédent puisqu’elle sous-entend une alliance stratégique de raison entre ces deux puissances. Il y a aussi les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine, quatuor de tête des pays émergents) et les PIIGS (Portugal, Irlande, Islande, Grèce et Espagne : pays européens dont la santé financière et économique est inquiétante). Mais il y a aussi «Chinafrica», qui résume la montée en puissance, surtout économique, de la Chine en Afrique et, pour bientôt, peut-être, «Indiafrica» qui signifie la même chose pour l’Inde.

Un retard à combler sur le continent

Pour l’heure, dans sa lutte discrète avec la Chine pour contrôler une partie des ressources pétrolières du monde - les deux pays sont importateurs net d’or noir - l’Inde demeure distancée et de loin. C’est notamment le cas en Afrique où Pékin n’en finit pas de déployer une politique volontariste qui lui garantit l’accès privilégié à des réserves d’or noir ou d’autres matières premières. Un seul chiffre résume cette dynamique : on compte aujourd’hui près de cinq cent mille travailleurs chinois sur le Continent soit cinquante fois plus que le contingent indien. Mais la situation commence à évoluer. Ces derniers jours, une délégation indienne de haut niveau s’est rendue successivement au Soudan, au Nigeria, en Angola et en Ouganda. A chaque fois, Murli Deora, le ministre indien du Pétrole, a pu obtenir de ses interlocuteurs la promesse d’un renforcement de la présence indienne. Au Nigeria, la Compagnie pétrolière indienne étatique Oil and Natural Gas Corporation (ONGC) va investir pour 359 millions de dollars en recherche et exploration. En Angola, la même compagnie devrait se voir attribuer un important contrat d’exploration. Au Soudan, c’est avant tout de l’apurement d’anciens contentieux financiers entre les deux pays qui a été discuté, préalable indispensable pour que ONCG mais aussi le gazier indien GAIL puissent accéder aux hydrocarbures locaux. A cela s’ajoute la possibilité pour les deux compagnies de contrats d’exploration en Ouganda. Plus important encore, l’Inde propose d’investir plusieurs milliards de dollars pour rénover et moderniser les raffineries en Angola et au Nigeria. Un mouvement stratégique qui pourrait permettre à ses compagnies de décrocher des contrats d’exploitation de champs pétroliers notamment en Angola où une mise aux enchères de nouveaux blocs est prévue pour cette année. Jusqu’à présent, en Angola comme au Nigeria, ONCG et GAIL ont presque toujours vu les majors chinoises remporter la mise à leur détriment. La question est donc de savoir si la donne va changer.

Rivalité ou coopération ?

 Sans préjuger de l’évolution de la compétition sino-indienne pour l’approvisionnement en hydrocarbures, des experts s’attendent toutefois à ce que ces deux acteurs évitent le plus possible la confrontation directe. Depuis 2007, New Delhi et Pékin, discutent coopération en matière d’énergie et cherchent à trouver un accord pour s’associer lors d’appels d’offres pour l’exploration et l’exploitation de nouveaux champs. C’est le cas notamment en Amérique du Nord ou en Asie où la compétition est très sévère mais cette association, encore timide, n’a jamais été testée en Afrique. Il est vrai que la Chine y a des arguments de poids pour s’imposer, allant jusqu’à offrir gratuitement des infrastructures aux pays concernés afin de remporter les contrats. Une stratégie que l’Inde, moins riche, ne peut se permettre.