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Quand Pékin ravive le nationalisme économique

par Akram Belkaid, Paris


 Les récents démêlés de Google avec le gouvernement chinois ne doivent pas être pris à la légère ou mis sur le compte d’une simple péripétie dans la vie de la multinationale américaine. Les menaces du moteur de recherche de se retirer de Chine si les attaques de pirates informatiques contre ses installations techniques ne cessent pas et si la censure imposée par Pékin n’est pas levée traduisent à la fois l’existence d’un véritable bras de fer à connotation politique entre ces deux acteurs de même qu’une nette évolution dans le comportement des dirigeants de l’Empire du Milieu.

Un géant plus sûr de lui

 «Les Chinois sont de plus en plus sûrs d’eux.» Cette constatation est celle d’un homme d’affaires français qui passe la moitié de son temps en Chine depuis le début des années 1990. Pour lui, plusieurs facteurs expliquent cette assurance qui confine parfois à l’arrogance. Il y a respectivement la réussite économique de ce pays quand tant d’autres restent enlisés dans la crise (la croissance chinoise frise encore les 10%), les impressionnantes réserves financières qu’il accumule (près de 2.400 milliards de dollars) sans oublier que la mutation progressive de son industrie qui ne constitue plus uniquement le support d’un simple «atelier du monde » mais bien celui d’une puissance mondiale en phase ascendante.
 Sur le plan de la vie des affaires locales, cela donne un changement très perceptible de l’attitude des autorités locales vis-à-vis des investisseurs étrangers. L’époque des années 1980 où tout était mis en oeuvre pour séduire les sociétés occidentales est révolue. Aujourd’hui, nombre de ces dernières sont obligées de subir à la fois la pression de réglementations tatillonnes mais aussi et surtout de concurrents locaux qui entendent bien profiter du boom économique de leur pays.
 A ce sujet, les déboires de Google s’ajoutent à une longue liste où l’opérateur étranger a systématiquement eu le dessous dans sa confrontation avec l’administration chinoise. Plusieurs multinationales ont ainsi été forcées de s’incliner devant l’intransigeance des autorités ou bien encore sont sorties perdantes de leur confrontation avec un acteur local. On pense par exemple à l’échec de Danone sur le marché des soft-drink, le groupe français ayant été amené à céder sa participation dans la société commune qu’il avait créée avec le chinois Wahaha.
 En 2006, l’américain Starbucks avait gagné un procès en contrefaçon contre un concurrent local au bout de deux années de procédure. De l’avis de nombreux spécialistes, il n’est pas dit que le résultat aurait été le même si la plainte avait été déposée aujourd’hui. De même, les problèmes de Schneider Electric récemment condamné en Chine pour contrefaçon et au paiement d’une amende record alors qu’il était pourtant à l’origine d’une plainte à l’encontre de son concurrent local Chint, témoignent de la modification sensible de l’environnement des affaires en Chine.

Une inspiration pour l’Algérie ?

 «La Chine reste un eldorado mais les entreprises étrangères doivent apprendre à partager ». Ce constat de l’homme d’affaires français qui ne pense pas un seul instant à se retirer de Chine devrait inciter les décideurs algériens à s’inspirer de l’exemple des dirigeants chinois. Eux aussi se réclament de plus en plus ouvertement du nationalisme économique. Mais leurs arguments ne se résument pas uniquement à des lois et des législations intempestives. En effet ce nationalisme serait contre-productif sans l’existence d’entreprises chinoises longtemps couvées mais qui sont désormais capables de s’imposer sur le marché local et même de partir à l’assaut des marchés étrangers.