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Une reprise américaine sans emplois

par Akram Belkaid, Paris

C’est un fait, l’économie - et on la critique beaucoup pour cela - est souvent affaire de chiffres. Dans le cas présent, ils sont indispensables pour comprendre la violence de la crise qui secoue la planète depuis déjà deux ans. Il s’agit des statistiques de l’emploi aux Etats-Unis, lesquelles ont été publiées à la fin de la semaine dernière.

Alors que l’on pensait que les choses s’arrangeaient avec une baisse du chômage en octobre et en novembre derniers - un repli certes minime de 0,2% -, la situation s’est de nouveau dégradée en décembre, période pourtant traditionnellement favorable à l’économie avec le recours à des intérimaires pour faire face à l’accroissement de l’activité commerciale généré par les fêtes de fin d’année.

 

Mauvaises nouvelles pour Obama

 

Dans le détail, le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint 10% de la population active le mois dernier, avec près de 85.000 suppressions d’emplois. Pire, si l’on tient compte des salariés obligés de diminuer leur activité en raison des conditions économiques (temps partiel, chômage technique...), le taux de chômage dit « sous-jacent » a atteint 17,3% ! Bien entendu, on est loin des 800.000 postes détruits en décembre 2008 mais, au final, le fait est que l’économie américaine, que l’on disait convalescente, est encore incapable de créer de l’emploi.

Cette configuration est bien connue des économistes qui la désignent par l’expression de « reprise sans emplois » (jobless recovery en anglais), c’est-à-dire une situation où la variation du Produit intérieur brut (PIB) devient positive mais où l’emploi stagne, ce qui, à terme, a des effets négatifs sur la consommation et donc sur l’activité. Pour mémoire, cette dernière est le principal moteur de l’économie étasunienne puisqu’elle représente les deux tiers de la création de richesse.

Cette « jobless recovery » est certainement une situation très dommageable pour la présidence de Barack Obama car, au total, ce sont près de 7,6 millions d’emplois qui ont été détruits depuis janvier 2008. Au total, les Etats-Unis comptent aujourd’hui 15,3 millions de chômeurs. Obama peut toujours annoncer une enveloppe de 2,3 milliards de dollars de crédits d’impôts pour les entreprises qui investissent dans les énergies propres, il ne pourra guère contribuer au réveil du marché de l’emploi, ce qui n’est pas sans danger à quelques mois des élections à mi-mandat, où la majorité démocrate au Congrès risque d’être mise à mal.

Plus inquiétant encore pour la Maison-Blanche, de nombreux économistes prévoient une aggravation du chômage jusqu’à la fin 2010, avec un taux qui pourrait atteindre les 11%. Cela signifie que les Américains risquent fort d’être tentés de redonner leur confiance aux Républicains, ce qui paralyserait la seconde moitié de la présidence d’Obama et même l’affaiblirait dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012.

 

Quelques rustines bienvenues

 

Mais le calendrier réserve parfois de bonnes surprises. En 2010, le gouvernement des Etats-Unis est dans l’obligation constitutionnelle de procéder à un recensement de la population. Organisé tous les dix ans, il a pour effet de créer, entre autres, plus d’un million d’emplois temporaires, ce qui, sur le plan électoral, est tout sauf négligeable. Car ce sont souvent les jeunes diplômés ou travailleurs, c’est-à-dire les plus enclins à voter démocrate, qui en bénéficient. Pour autant, il faudra d’autres rustines pour créer au moins six millions d’emplois supplémentaires afin de limiter les dégâts électoraux de la crise économique.