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Coup de tabac sur le transport des conteneurs

par Akram Belkaïd, Paris

 La crise qui affecte l’économie mondiale depuis maintenant près de deux ans a eu, on s’en doute, un impact négatif sur le commerce mondial. Certes, à en croire les communiqués de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), la tentation protectionniste a été plus ou moins contenue, rares étant les pays qui ont pris des mesures ouvertement protectionnistes (l’Algérie, qui n’est pas membre de l’OMC, est souvent citée en contre-exemple...). Pour autant, il n’en demeure pas moins que cette crise a provoqué une baisse du volume des échanges mondiaux de plus de 10% en 2009, ce qui a ramené le commerce mondial à son niveau de 2005. Un repli qui affecte directement les transporteurs maritimes.

Des pertes impressionnantes

 On le sait, le conteneur est le symbole de la mondialisation. Ces « boîtes » chargées dans les ports chinois et débarqués aux quatre coins du monde, puis réexpédiées ici ou là, matérialisent à merveille la globalisation des échanges. Mais quand la machine se grippe, il est logique que le transport de conteneurs en souffre. Ainsi, les 16 principales compagnies maritimes cotées en Bourse, c’est-à-dire celles qui sont obligées de publier leurs résultats de manière trimestrielle, ont-elles affiché ensemble une perte opérationnelle cumulée de 9 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de 2009, contre un bénéfice de 5,3 milliards de dollars durant la période équivalente en 2008. Dans le même temps, ces seize entreprises ont perdu 38 milliards de chiffre d’affaires sur un an !
 Ces chiffres compilés par la base de données AXS Alphaliner, et rapportés par le quotidien Les Echos, démontrent la violence du choc subi par les transporteurs maritimes (*). Ces derniers ont en effet vu leurs carnets de commandes baisser et ont été obligés dans le même temps de consentir des rabais importants pour garder leurs clients. Et les pertes sont encore plus impressionnantes si on intègre les 7 principales sociétés maritimes qui ne publient pas leurs comptes, puisqu’elles ne sont pas cotées en Bourse. Parmi elles, on trouve notamment l’opérateur français CMA CGM (numéro trois mondial) et l’italo-suisse MSC (numéro deux mondial). Au total, les 23 plus grands transporteurs de conteneurs ont perdu 11 milliards de dollars durant les trois premiers trimestres de cette année.

Un secteur stratégique

 On comprendra pourquoi ce secteur fait l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où nombre d’experts sont persuadés que des rapprochements et des restructurations sont susceptibles d’intervenir au cours des prochains mois afin d’éviter des faillites. Une majorité de ces opérateurs sont en effet fortement endettés auprès des banques, ayant contracté plusieurs crédits durant les années fastes du commerce mondial afin, entre autres, d’acheter de nouveaux porte-conteneurs à la capacité toujours plus élevée. La crise et leurs pertes de revenus les étranglant, ces transporteurs n’auraient donc pas d’autres solutions que de s’unir ou de céder certains de leurs actifs, voire d’être absorbés par l’un de leurs concurrents.
 Une perspective que le secteur cherche toutefois à retarder en se mettant en quête d’argent frais. Les sociétés cotées ont procédé à des augmentations de capital ou à des émissions obligataires pour un montant global de 12 milliards de dollars. De son côté, la société CMA CGM a mis en avant son caractère stratégique à la fois pour ses banquiers mais aussi pour l’économie française. Après de longues et difficiles négociations impliquant les autorités publiques et les banques, l’opérateur contrôlé par la famille de Jacques Saadé devrait ainsi obtenir une ligne de crédit de 500 millions de dollars au cours des prochaines semaines. Un bol d’oxygène qui lui permettra d’échapper, pour un temps, aux appétits de prédateurs en tous genres...

 (*) Le transport de conteneurs a perdu 11 milliards de dollars en neuf mois, 23 décembre 2009.