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Pour un forum de la jeunesse, citoyenneté et travail

par Oukaci Lounis*

Les défis à venir pour la politique de l'éducation



 Si nous devions tout recommencer, nous commencerions par l'éducation. Aujourd'hui, les jeunes sont confrontés au défi de reconstruire l'Algérie et de rectifier les erreurs du passé. L'éducation est l'un des principaux outils grâce auquel notre société:

(a) permet aux jeunes de jouer un rôle actif dans le choix de leur avenir (citoyenneté active);

(b) prépare les jeunes au monde du travail (pour devenir des employés actifs);

(c) aide les jeunes à élargir leur esprit et à accepter leur identité algérienne (épanouissement personnel).

 L'Etat devra prendre ses responsabilités quant à l'organisation d'un Symposium pour analyser les tendances actuelles en matière d'élaboration de politiques d'éducation et pour voir comment les systèmes éducatifs pouvaient être réformés au mieux pour relever les défis à venir.



Les limites des systèmes d'éducation formelle



Il est généralement reconnu que les écoles et les universités ne sont plus à elles seules capables de transmettre tous les savoirs et compétences dont les jeunes Algériens ont besoin pour réussir dans la société désormais mondialisée. Dans les systèmes d'éducation formelle, l'accent est mis sur la transmission par l'enseignant de matières à apprendre par coeur; pédagogie traditionnellement utilisée dans la classe, malgré notre insistance, nos SOS lancés aux responsables de l'éducation pour leur signifier que cette approche d'hier n'est pas suffisante pour jouer un rôle actif dans notre société. Cette dernière s'est transformé en une société de l'information. Notre société vit aujourd'hui le troisième millénaire. Par contre, nos responsables de l'éducation persistent et signent dans leur médiocrité. C'est désolant de le dire. Mais regarder autour de vous et vous allez vous apercevoir que je n'ai pas tort.

 Aujourd'hui, «Les compétences personnelles» telles que l'adaptabilité, les compétences interpersonnelles et de communication, les compétences en matière de résolution des conflits, en gestion et direction, en planification, résolution de problèmes, travail d'équipe et surtout la capacité de prendre des initiatives et le fait d'être motivé à apprendre sont aussi nécessaires. Il n'est pas toujours possible de transmettre ces compétences dans une classe puisqu'elles sont plus facilement intégrées dans des contextes de la vie réelle, où l'on apprend en faisant.

 Devant un constat d'échec caractérisé et que nous ne tenons pas à énumérer. Nous proposons une méthode d'apprentissage alternatif, l'apprentissage informel, pour combler les manques. Permettant aux jeunes d'acquérir ces «compétences personnelles» et font donc office de pourvoyeurs complémentaires par rapport aux écoles et universités démissionnaires, pour combler ces manques. De par leur participation à différentes activités, les jeunes assument leur propre processus d'apprentissage. Ce dernier a lieu dans des contextes spécifiques et y acquiert donc plus de sens.

 Malgré cela, l'apprentissage informel n'obtient pas toujours la reconnaissance qu'il mérite. Malgré que l'apprentissage informel soit un processus non structuré ayant des objectifs, les résultats ne sont généralement pas mesurés puisque les expériences informelles sont difficiles à quantifier. La qualité des méthodes utilisées est également difficile à estimer vu le caractère informel de celles-ci. Ce manque de transparence pose un problème de reconnaissance.

 Alors qu'il existe un besoin grandissant de validation du système informel, les pourvoyeurs d'apprentissage informel (tels que le commerce informel) connaissent une crainte généralisée de voir les méthodes traditionnelles «formaliser» le système informel. Par conséquent, alors que la société demande une plus grande transparence, il règne une certaine divergence au sein du système informel en ce qui concerne les meilleures méthodes à utiliser.

 La validation de l'apprentissage informel, et à travers cette apprentissage de l'économie informelle, est l'un des principaux défis à relever par les politiques éducatives aujourd'hui et en tant que pourvoyeurs d'éducation informelle. L'économie informelle a un rôle essentiel à jouer par rapport à ce défi. Quatre questions principales doivent être abordées:

1) Comment accroître la reconnaissance du rôle de l'économie informelle en tant qu'importants pourvoyeurs d'éducation informelle ?

2) Comment accroître les niveaux de compréhension et de confiance par rapport aux méthodes utilisées par l'économie informelle ?

3) Comment garder une preuve tangible des processus d'apprentissage ?

4) Comment garder une preuve tangible des résultats de l'apprentissage fourni par l'économie informelle pour les rendre transparents ? Le besoin de reconnaissance mutuelle de l'apprentissage informel est plus important que jamais compte tenu du contexte «algérien» dans lequel les jeunes vivent et travaillent. C'est-à-dire le système «D» qui fait vivre des milliers de familles. Et surtout, assure la sécurité et la stabilité du pays.



COMMENT PROMOUVOIR LA CITOYENNETÉ PARTICIPATIVE ?



Une décision politique du président de la République et un match de football ont provoqué un déclic; l'amour du pays qu'on croyait perdu à subitement surgit du fond des entrailles de cette jeunesse. Les jeunes sont attirés par des formes de participation plus spontanées et individualistes. Aucune institution politique ou apolitique, ni la société civile, ni même les «notables», s'ils existent !, n'auront ce privilège de tirer cette foule de jeunes dans la rue sauf cette décision courageuse et appréciée du président de la République. La symbiose est là, et c'est à monsieur le Président de prendre acte de cette reprise de confiance entre lui et cette jeunesse. Cette dernière, comme on l'a remarqué, cultive une méfiance qui s'accroît à l'encontre des partis politiques et à la société civile. La messe est dite, à vous de prendre vos responsabilités monsieur le Président.

 Cette jeunesse du troisième millénaire et grâce aux progrès technologiques des mass media a créé une «communauté virtuelle» à laquelle elle appartient et participe. Cette jeunesse a créé un monde propre à elle, elle est déconnectée des affaires de la cité, elle ne connaît que les joueurs de l'équipe nationale et vous, monsieur le Président. Les partis politiques, ainsi que la société civile et les «notables» ! n'arrivent pas à comprendre ceci. Le hiatus est énorme entre les partis politiques et cette jeunesse. Ces partis politiques et la société civile n'arrivent pas à comprendre que la participation active des citoyens est fondamentale pour l'évolution et le développement de notre société et pour l'épanouissement de cette jeunesse. C'est pour cela que la volonté politique incarnée par vous monsieur le Président devra déclencher ces processus d'apprentissage participatifs qui sont essentiels pour inculquer aux jeunes «l'habitude» de participer activement à leur communauté.

 Dans notre système éducatif actuel, l'étudiant joue le rôle passif d'absorber le savoir que lui transmet le professeur. C'est ce dernier qui prend l'initiative et ce sont les étudiants qui réagissent conformément à cette initiative. Cette forme d'enseignement engendre la passivité. Elle n'encourage pas les étudiants à prendre des responsabilités, à prendre part à leur processus d'apprentissage ni à en influencer les résultats. Organiser cette jeunesse pourrait être perçues, à l'avenir, comme des microcosmes de la société réelle, où contribution, participation et influence - les trois conditions préalables à toute citoyenneté active - seraient les règles du jeu. De par le caractère volontaire et ouvert des activités de jeunesse, les jeunes auraient le sentiment qu'ils auraient plus à dire dans le processus d'apprentissage, comparé aux programmes «imposés» des systèmes formels d'éducation. Ils joueraient par conséquent un rôle plus actif dans le processus d'apprentissage, prendraient des initiatives et assumeraient leurs responsabilités.

 En outre, les activités d'apprentissage informel seraient souvent enracinées dans des valeurs clés qui seront tournées vers l'amélioration de la société. Les jeunes apprendraient à montrer leur sens de la solidarité pour une cause commune. Ils acquerraient d'importantes compétences en direction et apprendraient à guider les autres pour aboutir à un objectif commun. La réalité du terrain nous a démontré que la confiance et l'estime de soi de cette jeunesse sont le fruit de la volonté politique du président de la République. De telle initiative offre l'opportunité à la jeunesse d'assumer sa responsabilité de préoccupations communes, de développer «une société citoyenne».

 Les questions que je voudrai proposer pour un débat national sont:

- Quel est le meilleur moyen d'encourager la société à reconnaître le rôle que pourrait jouer la jeunesse dans la promotion de la citoyenneté active ?

- Quelle est la meilleure méthode pour informer les jeunes des mérites de la citoyenneté active ?

- Comment garantir au mieux la qualité des processus d'apprentissage encourageant la citoyenneté active ?



ALLEGER AU MIEUX LES PROBLEMES DE CHOMAGE ET D'EXCLUSION SOCIALE ?



Alléger le chômage des jeunes sera un défi majeur que devra relever la politique d'éducation à l'avenir. Comme le démontre le terrain. Le chômage des jeunes est un grave problème depuis ces vingt dernières années. Nous sommes confrontés à des niveaux structurels élevés de chômage des jeunes. Compte tenu des taux remarquablement élevés du chômage des jeunes dans le pays, les mesures visant à combattre le chômage des jeunes (et l'exclusion sociale qu'il engendre) deviendront de plus en plus importantes à l'avenir. La politique d'éducation devra se pencher sérieusement sur le taux élevé de jeunes abandonnant l'école de manière précoce, 500.000 élèves quittent l'école sans aucune formation, et des réformes pour inclure les compétences les plus pertinentes requises par le marché de l'emploi -formel et informel- sont les démarches qui s'imposent pour y parvenir.

 Bien qu'il soit un fait reconnu que les personnes possédant des qualifications plus élevées sont moins susceptibles de se retrouver au chômage, un taux élevé de jeunes quittent encore l'école en bas âge. Il existe toute une série de raisons pour lesquelles les jeunes quittent l'école de manière précoce. Toutefois, le mécontentement par rapport au contenu trop chargé, et aux méthodes utilisées : méthodes classiques au détriment des méthodes actives, dans les écoles et les universités est l'une des plus répandues. Pour beaucoup de jeunes, l'école est une expérience ennuyeuse. Ils ne saisissent pas la pertinence de ce qu'ils apprennent et perdent leur motivation, quittent l'école et sont plus vulnérables au chômage et à l'exclusion sociale. L'enfant se trouve écartelé entre un curriculum réel (la société) et le curriculum formel (programme scolaire complètement déconnecté du quotidien).

 Le déclin des industries de fabrication traditionnelles et l'essor des nouvelles technologies et du secteur des services font naître une demande de nouveaux types de compétences. Les compétences en technologie de l'information et de la communication sont de plus en plus demandées par les employeurs et dans de nombreux secteurs il existe des manques de compétences à combler, des disparités dans les compétences et des postes non occupés à cause du manque de jeunes adéquatement formés pour les occuper. Dans la société moderne de l'information, il est primordial de savoir comment «apprendre à apprendre» tout au long de sa vie professionnelle afin de pouvoir s'adapter au changement rapide de technologie sur le lieu du travail. Les systèmes d'éducation formelle qui transfèrent le savoir d'hier aux étudiants ne préparera pas correctement ceux-ci à la réalité du marché du travail de demain. En attendant que notre école se réveille ! Optant pour une méthodologie de l'apprentissage informel pour combler les manques de compétences. Cette dernière s'appuie sur l'activité, les activités d'apprentissage informel prodiguées par les jeunes dans le secteur de l'informel sont considérées par beaucoup de jeunes comme une option attrayante comparée aux pédagogies statiques de classe utilisées dans les systèmes d'éducation formelle. Alors que les écoles soulignent la manipulation symbolique de l'information qui est abstraite et conceptuelle, les activités des jeunes se déroulent dans «des situations de vie réelle» qui placent l'apprenant dans un certain contexte et lui confèrent bien plus de sens. Elles peuvent fournir une structure «parallèle» considérable d'apprentissage pour ceux qui sont tombés hors du cadre traditionnel du système d'enseignement.

 Cependant, elles fournissent non seulement une structure parallèle d'apprentissage mais elles fournissent également une structure «complémentaire» d'apprentissage pour combler les manques de compétences en transférant les compétences que les systèmes d'éducation formelle ne peuvent transférer. Ces «compétences personnelles» et autres que les jeunes acquièrent, telles que les compétences interpersonnelles, la gestion, la planification, la résolution de problèmes, le travail d'équipe, la confiance en soi et la capacité d'assumer des responsabilités sont un «plus» considérable par rapport aux connaissances de base, devant dans la plupart des cas être assimilées par coeur, que fournit l'école.



COMMENT CREER UNE IDENTITE NATIONALE ?



L'avènement de la démocratie a conduit à la création d'une citoyenneté algérienne et d'une vie «communautaire» où seule la loi de la république est garante de l'égalité et de la fraternité. Cependant, nous avons clairement atteint les limites «politico-psychologiques» de «l'intégration fonctionnelle». Le projet algérien doit à présent capturer l'imaginaire des jeunes pour garantir leur allégeance et assurer la cohésion et l'unité nationale, c'est-à-dire apprendre à vivre enfin uni dans notre différence. L'Algérie doit saisir cette chance pour ancrer sa construction économique et politique dans l'esprit et le coeur de sa jeunesse, en leur insufflant le sentiment d'appartenance à une Nation citoyenne, qui partage valeurs et idéaux. Avec cette volonté politique affichée par le président de la République. A aider ces jeunes à investir le commerce informel pour prendre confiance en soi et se libérer et relever le défi. En attendant que l'école suivra.

 Les Etats nations ont toujours été responsables du règlement et de la provision de l'éducation. Depuis des lustres, notre école a servi d'agent puissant de socialisation en transmettant notamment l'histoire «nationale», la langue «nationale», la géographie «nationale». Des tentatives successives d'introduire la dimension de la pluralité de notre structure sociale dans le système éducatif ont échoué. Suite à cela, le système d'enseignement reste plié sur lui-même et ne contribue pas à encourager la sensibilisation à une Algérie plus large, au-delà des limites de l'Etat nation. Qui plus est, la façon dont l'éducation est transmise n'est pas portée sur la promotion de l'auto-réflexion et de la sensibilisation à son environnement propre. La construction d'une identité requiert un conformisme qui nous a fait plonger dans une anomie sociale génitrice d'une violence jamais égale.

 En interagissant avec d'autres, les individus sont encouragés à réfléchir à leurs propres identité et valeurs. Cependant, dans les écoles, le processus d'apprentissage véritable se déroule la plupart du temps de manière isolée par rapport aux autres; ce qui limite ainsi les opportunités de construction d'identité. En attendant que l'école se réveille, nous proposons cette stratégie informelle pour combler le vide laissé par notre système éducatif et notre économique en panne.

 Cette stratégie d'intégrer cette jeunesse dans le commerce informel structuré assurera la mobilité transnationale et les échanges de jeunes contribuent à la construction de l'identité algérienne. Les opportunités qu'ils fournissent pour l'interaction et l'échange interculturels ne peuvent qu'avoir des conséquences positives pour la promotion de l'identité algérienne chez les jeunes. En partageant leurs idées avec les gens d'autres pays, ils développent le sens d'appartenance au monde «plus large», au-delà des frontières nationales de leur pays natal. De par leurs expériences, les jeunes acquièrent des compétences linguistiques, développent une sensibilité et une aptitude à la communication interculturelle, ils apprennent la solidarité, le respect, la tolérance et la résolution des conflits. Le contenu de programmes d'échange de la sorte encourage également les jeunes à réfléchir aux valeurs universelles communes telles que les droits de l'homme, les libertés, la paix et l'égalité. En travaillant ces jeunes pourront développer :

- La reconnaissance de soi par le jeune est le meilleur moyen de créer une identité algérienne.

- Ceci pourra encourager les jeunes à réfléchir à leurs propres expériences culturelles.

- A réfléchir aux meilleures méthodes pour incorporer les échanges transnationaux dans le système d'éducation formelle.



CONCLUSIONS



L'école et l'université et l'économie nationale ne peuvent à elles seules suffisamment préparer les jeunes à vivre, travailler et activement participer au développement de la société dans le futur. Le commerce informel structuré et organisé, s'il serait utilisé dans la politique du travail pour absorber le taux de chômage, constituera un excellent complément pour pallier aux manques de travail. Cependant, malgré le rôle essentiel qu'il joue dans le maintien de la paix sociale, il ne jouit pas du même statut que le travail formel. Cela est dû à un manque de compréhension des méthodes utilisées et à un manque de transparence.

 Afin d'accroître la reconnaissance du rôle considérable que joue le travail formel dans le processus de cohésion sociale, il est nécessaire de :

1) informer les jeunes et la société en général à propos des méthodes qu'ils utilisent pour mieux comprendre de quoi il est question;

2) entreprendre des recherches sur le commerce informel afin d'examiner comment le potentiel d'apprentissage peut être maximisé;

3) développer des méthodes de conservation des résultats de l'apprentissage pour accroître leur transparence. Les jeunes versés dans ce genre de commerce pourront contribuer à apporter conseil et assistance à des jeunes pour l'avenir, mais ce n'est qu'en confrontant ces défis qu'ils seront à même d'apporter une contribution valable.



*Maître de conférences ? Constantine