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Dilemme irakien pour l’Opep

par Akram Belkaïd, Paris

Cela risque d’être un thème récurrent qui pèsera sur les prochaines réunions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). La question est simple : comment le cartel va-t-il s’adapter à la montée en puissance programmée de l’Irak sur le marché pétrolier ? Pour mémoire, il y a deux semaines, Bagdad a permis le retour des compagnies étrangères sur son sol afin d’augmenter sa production de brut. Cette dernière devrait passer de 2,5 millions de barils par jour à 12 millions de barils quotidiens d’ici 10 ans ! Une augmentation qui ne peut que bouleverser le marché et qui exigera nécessairement une adaptation de l’Opep.


Une nouvelle bataille des quotas ?


 Afin d’empêcher les prix de chuter comme ce fut le cas à la fin des années 1990, l’Organisation module sa production grâce à des quotas attribués à chacun de ses membres à l’exception de l’Irak qui n’est pas concerné par ce système mais qui doit - en principe - le réintégrer. L’augmentation de la production de ce pays va donc mécaniquement augmenter celle de l’Opep et pousser les prix à la baisse. Dès lors, deux solutions se dégagent, toutes les deux difficiles à mettre en place. La première consiste à demander aux membres de l’Opep de réduire leur quota pour « faire de la place » à l’Irak.

 De fait, il serait normal que des pays qui ont « profité » du retrait de l’or noir irakien du marché pour augmenter leur propre part du gâteau pétrolier restituent ce que l’on pourrait qualifier de trop-perçu. Bien entendu, les concernés, parmi lesquels l’Arabie Saoudite (qui s’est taillé la part du lion) mais aussi l’Algérie et la Libye ne vont pas l’entendre de cette oreille. Tous ont consenti d’importants investissements pour augmenter leur capacité de production et il serait dommageable pour eux que cela aboutisse au final à réduire leurs pompages. Dans le même temps, les autres membres qui peinent quant à eux à atteindre leur quota ne sont pas prêts non plus à accepter de réduire leur production car cela signifierait des recettes financières en moins. Cela augure de négociations très dures entre les membres de l’Opep, la clé étant détenue bien entendu par l’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de brut.

 L’autre solution consisterait à demander à l’Irak de réviser son ambition à la baisse et de ne pas viser les 10 millions de barils par jour. Là aussi, la réponse irakienne est facile à deviner. Ce pays ayant un besoin urgent de ressources financières pour sa reconstruction (et pour payer une dette extérieure qui court toujours notamment vis-à-vis du Koweït), ses dirigeants vont certainement refuser toute contrainte extérieure y compris celle de l’Opep dont leur pays est pourtant membre fondateur.


Deux hypothèses pour éviter la crise interne


 Pour autant, la crise interne de l’Opep que certains observateurs occidentaux prédisent déjà pourrait bien ne pas avoir lieu. D’abord, rien ne dit que l’Irak va réussir à atteindre l’objectif qu’il se fixe. Cyniques, certains experts estiment que le désordre, la corruption et l’insécurité y sont tels que ce serait déjà un exploit si l’objectif intermédiaire de 5 millions de barils par jour est atteint. D’autres spécialistes font néanmoins le pari que l’Irak va permettre à l’Opep de gagner des nouvelles parts de marché en compensant la baisse de production des producteurs non-Opep (Mexique, Grande-Bretagne, Russie) et donc en n’affectant pas les quotas des autres membres du cartel. Une hypothèse qui se tient mais qui n’accorde pas suffisamment d’attention aux efforts occidentaux pour développer à marche forcée les gisements de pétrole non conventionnel (pétrole lourd, sables bitumineux, etc.), ceci dans le but évident de limiter leur dépendance vis-à-vis de l’Opep.