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Réponse au ministre des Finances

par Abderrahmane Mebtoul*

Non Monsieur le ministre des Finances, le gouvernement ne peut construire une politique salariale en ignorant le pouvoir d'achat des Algériens.

La définition du pouvoir d'achat Le Monsieur le ministre des Finances vient d'affirmer solennellement que les salaires en Algérie ne devraient pas être déterminés en fonction du pouvoir d'achat, c'est-à-dire, suivre le taux d'inflation invoquant la très faible productivité de l'économie algérienne mais sans expliquer le pourquoi de l'inflation et de la faible productivité du travail. Je voudrai rappeler à Monsieur le ministre quelques notions élémentaires d'économie car, comme le précisait le célèbre économiste John Maynard Keynes, qui vient d'être fait l'homme de l'année 2009 par les plus grands quotidiens et instituts mondiaux, le salaire est à la fois un coût et une demande, et selon les propos de cet économiste, je le cite: «l'idéologie est une chose et l'efficacité de la politique économique en est une autre».

 «Le pouvoir d'achat du salaire est la quantité de biens et services que l'on peut acheter avec une unité de salaire. Son évolution est liée à celles des prix et des salaires. Si les prix augmentent dans un environnement où les salaires sont constants, le pouvoir d'achat diminue.        En économie, le pouvoir d'achat d'un revenu donné est la capacité d'achat en termes de biens et services que permet ce revenu. En particulier, le pouvoir d'achat d'un ménage (personnes vivant sous un même toit) est la capacité d'achat que lui permet l'intégralité de ses revenus. Il dépend donc de la somme en question et du prix des biens et services. Les évolutions du pouvoir d'achat sont égales aux variations des revenus en valeur réelle c'est-à-dire aux variations des revenus en valeur nominale corrigées des effets de l'inflation.    Pour un pays, le pouvoir d'achat global est égal au revenu national brut et toute hausse du pouvoir d'achat permise par hausse de l'endettement public ou privé sera compensée par une future diminution du pouvoir d'achat nécessaire pour rembourser cette dette ».

l Source - Encyclopédie libre Wikipekia

Deuxième source : « Le pouvoir d'achat du salaire est la quantité de biens et services que l'on peut acheter avec une unité de salaire. Son évolution est liée à celles des prix et des salaires. C'est ainsi que, si les prix augmentent dans un environnement où les salaires sont constants, le pouvoir d'achat diminue alors que si la hausse des salaires est supérieure à celle des prix le pouvoir d'achat pourra augmenter » - Source INSEE -.

 Suite à cela, je voudrai mettre fin à certains malentendus

Les raisons essentielles de l'inflation en Algérie

 L'Algérie important presque tout et malgré la baisse des prix au niveau mondial, les Algériens assistent à une chute continue de leur pouvoir d'achat dû à la faiblesse persistante du dinar. En 10 mois, la monnaie nationale a perdu près de 25 % de sa valeur face à l'euro et 15 % par rapport au dollar, un euro s'échangeant à plus de 120 dinars sur le marché parallèle contre 103/106 dinars sur le marché officiel, ce qui constitue une anomalie de la politique de la Banque centrale d'Algérie, car sur le marché boursier n'évoluant pas dans le même sens et donc que ni les consommateurs, ni les importateurs de matières premières n'ont profité de la baisse des prix au niveau mondial (déflation), le gouvernement ne pouvant invoquer l'inflation importée. Car, les deux causes principales du retour à l'inflation, qui entraîne une détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens, sont par ordre : premièrement, l'inefficacité de la dépense publique (plus de 200 milliards de dollars pour le programme de soutien à la relance économique principalement les infrastructures entre 2004/2009 avec un impact limité sur le taux de croissance réel inférieur à 3 % témoignant d'une mauvaise gestion généralisée) car ces dépenses auraient dû occasionner un taux de croissance supérieur à 7/8 %, évitant de vendre ces illusions de 5/6 % de taux de croissance hors hydrocarbures car plus de 80 % des segments hors hydrocarbures sont irrigués par la dépense publique via la rente des hydrocarbures (secteur privé et public) ne restant que 20 % d'entreprises véritables créatrices de richesses. Deuxièmement, les assainissements répétées des entreprises plus de 3.000 milliards de dinars entre 1991/2009 (trois cent mille milliards de centimes pour un effectif inférieur à 550.000 personnes pour tout le secteur économique public), auquel s'ajoute 325 milliards de dinars pour la loi de finances 2010. Et selon les enquêtes disponibles, les salaires ne viennent qu'en troisième position car, la salarisation est en nette baisse étant passée en 20 ans d'environ de 50 % à moins de 20 % en 2008/2009 dans la structure du produit intérieur brut contre une moyenne supérieure à 50/60 % dans les pays développés et émergents, la baisse de la salarisation dans la structure du revenu en Algérie s'étant faite au profit des indépendants et de couches rentières avec une concentration excessive, fonction du mode d'accumulation reposant sur la captation de la rente des hydrocarbures.

 Encore faudrait-il faire une analyse sectorielle et structurelle pour agir cas par cas, car une fraction des PMI/PME ne peut supporter une trop forte augmentation salariale mais en termes de ratio global, le résultat reste le même, l'importance des dépenses improductives en croissance accélérée étant à l'origine de la faiblesse de la productivité globale, dépenses relevant de l'Etat.

La productivité du travail est liée à une meilleure régulation d'ensemble

 Le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d'impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. Même la déflation au niveau mondial (baisse des prix) n'a pas profité ni aux consommateurs ni aux producteurs algériens à cause de la dévaluation du dinar évoquée précédemment. La sphère informelle invoquée par le gouvernement contrôlant quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile - chaussures qui constitue avec la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité (enquête de septembre 207 du CNAEP 70 % aux besoins essentiels mais avec l'inflation de retour depuis fin 2006 (4,5 % entre 2007/2008, allant vers plus de 5,7 % en 2009 selon l'officiel) et selon nos enquêtes par échantillonnage 80 % du revenu moyen donc s'adressant à cette sphère, est elle-même le produit des dysfonctionnements des institutions de l'Etat, de la bureaucratie locale et centrale qui entretient des relations diffuses de corruption, le prix final étant supporté par le consommateur. Et, paradoxalement, on entend souvent à l'ENTV officiel que c'est la source de tous les maux par ceux mêmes qui permettent son extension privilégiant toujours les méthodes bureaucratiques alors que le contrôle s'avère d'une portée limitée, on ne peut se permettre une armée de contrôleurs avec des coûts exorbitants, alors que la solution passe par la maîtrise de la régulation, l'économie de marché ne signifiant pas l'anarchie mais un Etat régulateur fort qui n'est fort que par sa moralité. De ce fait, toute politique fiable doit insérer lapolitique salariale presque inexistante en Algérie se limitant à des transferts de rente, à la logique de la régulation d'ensemble elle-même limitée, car l'Algérie est toujours dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché concurrentielle, ni dans une économie administrée avec des signes de passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé source de rentes beaucoup plus néfaste. Aussi, il s'agit forcément d'analyser l'inflation et le niveau des salaires en saisissant les liens dialectiques entre l'accumulation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie et de dénoncer ce mythe entretenu faussement que l'inflation est d'origine salariale ce qui n'est pas le cas comme je l'ai démontré précédemment sous le slogan: ce n'est pas la faute du gouvernement, c'est la faute à la population qui ne travaille pas assez. Ainsi, il est incorrect d'affirmer que les augmentations de salaires ne doivent pas être liées au pouvoir d'achat, car un bas salaire se répercute sur la productivité globale et indirectement sur la facture de l'importation de médicament et des céréales caractéristiques de la sous nutrition. Cela est lié au mode de gouvernance dont le niveau de corruption élevé mis en relief par les institutions internationales, allant en se détériorant entre 2005/2009, joue comme vecteur de démobilisation de la population.

 Car, la tripartie des 02/03 décembre a tranché en faveur d'un relèvement du SMIG à 3.000 dinars et qu'il était impossible d'aller vers une augmentation des salaires au-delà de 4.000/5.000 dinars, vu la situation économique du pays dont la mauvaise gestion, comme je l'ai soutenu plusieurs contributions parues dans la presse nationale, la majorité de la population algérienne ne s'explique pas qu'une minorité ait bénéficié d'une augmentation de 300 à 400% (300.000 à 400.000 dinars par mois soit 15 à 20 fois le SMIG), car ces rentes étant injustifiées à l'instar des députés et sénateurs, créant une névrose collective et discréditant l'action gouvernementale qui appelle à l'austérité alors que certaines sphères au pouvoir ne donnent pas l'exemple.

 Cette situation pose fondamentalement l'urgence de la maîtrise de la régulation globale au sein d'un Etat de droit par une meilleure gouvernance liant efficacité économique et une profonde justice sociale, une mauvaise politique socio-économique se répercutant sur la productivité de l'entreprise surtout publique posant l'urgence d'une amélioration de la gestion pour une efficacité de la dépense publique et une réorientation des investissements, la politique actuelle étant biaisée car reposant essentiellement sur les infrastructures qui ne sont qu'un moyen accessoire, vers les deux piliers du développement du XXIème siècle au sein de ce monde interdépendant en perpétuel mouvement tenant compte du défi écologique et donc, du nouveau modèle de consommation énergétique qui mettra en place entre 2015/2020, l'entreprise et le savoir. Aussi, si l'on veut augmenter la productivité globale s'agit-il de réorienter toute la politique socio-économique actuelle devant s'attaquer à l'essentiel et non à l'accessoire. Et éviter des contrevérités comme cette affirmation du ministre des Finances, qui n'a aucun fondement scientifique, que même les ultra libéraux et les institutions internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, ont abandonné «on ne peut construire une politique salariale sur la base pouvoir d'achat».

*Professeur d'Université, Expert International-Economiste