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Les conditions à réunir pour arrêter l'émigration économique

par Djaou Djamel*

L'Algérie comme beaucoup d'autres pays souffre du départ de ses citoyens vers d'autres pays pour le motif essentiel des salaires.

En effet, en 1962, le salaire d'un Algérien employé dans une mairie en Algérie était équivalent à celui d'un Français employé dans une mairie en France.

En 1986, les salaires sont de 600 dinars pour l'algérien et 600 francs pour le français avec un taux de change 1DA = 2FF. C'est comme si l'algérien gagnait deux fois plus que le français D'ailleurs beaucoup d'émigrés algériens en France ont préféré retourner en Algérie pour bénéficier d'un pouvoir d'achat plus élevé malgré les pénuries qui touchaient beaucoup de produits en Algérie. En 2007 le salaire minimum en Algérie est égal à 10.000 DA alors que le salaire minimum en France est égal à 1.000 Euros avec un taux de change de 100DA pour 1 Euro. C'est comme si l'algérien gagnait dix fois moins que le français ou l'émigré algérien en France. Cette situation fait que tout algérien qui espère trouver un poste de travail en France ou ailleurs n'hésitera pas à émigrer légalement ou illégalement, car nous sommes passés d'un salaire en Algérie égal à un salaire en France pour un même poste de travail en 1962 à un salaire en Algérie qui est le double du salaire en France en 1986 pour arriver à un salaire en Algérie dix fois inférieur au salaire de la France. Maintenant que le problème est posé, il nous faut trouver comment élever les salaires en Algérie afin de stopper l'émigration des algériens vers les autres pays d'une part et espérer le retour de la majorité de l'émigration algérienne d'autre part. Nous rappelons que dans l'article (1) intitulé «Comment éradiquer le chômage ?», nous avons conclu que le modèle basé sur la concurrence parfaite est le seul qui permet l'équilibre de tous les marchés sans recours à la création monétaire. Le modèle basé sur le monopole privé présuppose le chômage et le modèle basé sur le monopole public présuppose le personnel pléthorique. Et ces deux derniers modèles nécessitent la création monétaire. Nous optons donc pour l'étude du modèle de concurrence parfaite tout en excluant les deux autres modèles. Pour stopper l'émigration pour raisons économiques des algériens, nous allons recourir à l'étude du PIB et simuler ce qui se passerait.

L'analyse du PIB en Algérie de 1974 à 2007 nous montre clairement l'évolution de la rémunération des salariés par rapport à l'excédent net d'exploitation.

 Il est aisé de constater que le rapport RS/ENE passe du simple au double en1986 par rapport à 1974, donc le pouvoir d'achat des salariés augmente au détriment de l'excédent net de l'entreprise et divisée par plus de quatre fois en 2007 par rapport à 1986, et par conséquent le pouvoir d'achat des salariés diminue au profit de l'excédent net de l'entreprise. Il devient clair que le pouvoir a défendu les intérêts des salariés au détriment de l'entreprise et ce de 1962 à 1989.

 Par contre de 1990 à ce jour, le pouvoir défend les intérêts de l'entreprise au détriment du pouvoir d'achat des salariés.

 Et l'idée vient d'elle-même : et si le pouvoir était neutre, c'est-à-dire qu'il préconise l'égalité de la rémunération des salariés avec l'excédent net d'exploitation. C'est ce qui a été simulé dans le tableau ci-dessus.

 L'égalisation de la rémunération des salariés avec l'excédent net d'exploitation pour les années considérées donne les résultats suivants :

En 1974, la rémunération des salariés augmente de 20633,6 - 16734,5 = 3899,1 millions dinars.

En 1986, la rémunération des salariés diminue de 120090,6 -104665,3 = 15424,3 millions dinars.

En 2007, la rémunération des salariés augmente de 3622647,6 -1698711,7 = 1923935,9 millions DA Si cette solution est adoptée, elle va avoir des effets aussi bien sur les entreprises que sur les salariés.

1) Sur les entreprises :

-Toutes les entreprises deviennent excédentaires du fait que la valeur ajoutée est partagée en deux parts égales.

-La production sera modulée en fonction de la demande du marché, ce qui fait qu'il n'y aura ni pénurie, ni surproduction au niveau des entreprises industrielles ou de services.

-Pour l'agriculture, les prix évolueront à la baisse si la production est importante, et seront élevés si la production est moindre. Bien entendu, il n'y aura plus de produit ou service subventionné ou taxé.

2) Sur les salariés :

-Plus la valeur ajoutée est élevée, plus les salaires seront élevés et réciproquement plus la valeur ajoutée est basse, plus les salaires seront bas. Cette situation va réguler les prix de telle sorte que les valeurs ajoutées par salarié tendent à s'égaliser et donc les branches des produits ou services à valeur ajoutée élevée seront préférés aussi bien par les salariés que par les producteurs pour élever leurs revenus et les branches à valeur ajoutée faible seront délaissées aussi bien par les salariés que par les producteurs. Cette situation est possible, car les salariés savent à l'avance qu'ils percevront la moitié de la valeur ajoutée, alors que dans le cas de monopole public ou privé, dans certaines entreprises, les salariés perçoivent plus de la moitié de la valeur ajoutée même si l'entreprise est déficitaire à cause du personnel pléthorique et n'acceptent pas facilement le licenciement. Et dans d'autres entreprises, les salariés perçoivent moins de la moitié de la valeur ajoutée alors que l'entreprise prend la part du lion de la valeur ajoutée.

-La suppression de toute subvention va entraîner l'augmentation des prix de certains produits et services tels que les prix du pain, de l'énergie, les loyers des logements gérés par l'OPGI, etc.

Ces augmentations vont faciliter le passage au nouveau mode de rémunération des salariés dans le secteur public. Ainsi, il deviendra possible de rendre les entreprises déficitaires excédentaires, et les salariés ne toléreront plus le personnel pléthorique pour améliorer leurs revenus.

-La suppression des subventions va entraîner automatiquement l'augmentation des salaires distribués dans la branche des hydrocarbures et la diminution de l'excédent net d'exploitation. Ce qui permet de diminuer la dépendance de la rente pétrolière dans un premier temps, et dans le futur marginaliser la rente pétrolière suite à l'exclusion des modèles basés sur le monopole.

 -La suppression des subventions va entraîner l'élévation des salaires et des prix de l'ensemble des produits et services.

Avec 10000 DA le salarié paye 400 DA pour le loyer du logement.

Posons que le loyer non subventionné est égal à 8000 DA pour un F3.

-Nous avons vu que lorsque la rémunération des salariés est égale à l'excédent net d'exploitation, elle passe en 2007 de1698711, 7 millions DA à 3622647,6 millions DA soit une augmentation de 3622647,6/1698711,7 = 2,13ou 213%.

L'augmentation du salaire minimum moyen passe à 10000x2, 13 = 21300 DA. Ce salaire minimum moyen permet au salarié de trouver le logement à sa disposition sans passer par une commission d'attribution comme il trouve actuellement le téléviseur à sa disposition à la seule condition de payer le prix.

 Si nous ajoutons à cela la dévaluation de la monnaie qui est surévaluée d'environ 30%par rapport au cours parallèle, alors aussi bien les prix des produits et services que les salaires vont augmenter de 30%. Les salaires passeront de 21300 DA à 21300 x 1,3 = 27690 DA.

 Les produits et services à l'importation coûteront plus chers, ce qui permettra de favoriser la production nationale et ainsi diminuer la facture à l'importation. Il est vrai que cette augmentation n'est pas suffisante pour inciter les émigrés algériens pour raisons économiques à rentrer au pays rapidement, mais ce sera le début de l'élimination de tous les postes de travail superflus qui permettra l'amélioration de la productivité au bout de quelques années, et ainsi arriver à un pouvoir d'achat proche de celui des pays développés qui incitera les émigrés algériens au retour dans leur pays. Ainsi, le salaire minimum dans une entreprise où il n'y a pas de personnel pléthorique peut atteindre les 100.000 DA alors que dans l'entreprise où le personnel pléthorique est important, le salaire minimum peut baisser à 15.000 DA. Il est clair que cette situation va pousser aussi bien les salariés que leurs représentants à chercher à améliorer leurs revenus au lieu de dire comme actuellement l'effort fourni est l'équivalent du salaire reçu. Pour les candidats à l'émigration ils auront la possibilité d'aller vers les entreprises performantes en Algérie et ainsi satisfaire leurs désirs. C'est-à-dire gagner suffisamment d'argent sans être obligé d'émigrer.

*Economiste