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Incorrigible FMI !

par Akram Belkaïd, Paris

L’étude, récente, mérite d’être signalée à un moment où, malgré un léger mieux sur le front macro-économique global, de nombreux pays sont confrontés à des difficultés budgétaires qui les poussent à faire appel au Fonds monétaire international (1). En effet, le temps où cette institution était comparée à un banquier en mal de clients - c’était il y a à peine trois ans - est désormais révolu : à ce jour, elle a signé plus d’une quarantaine d’accords avec des pays en proie à des fins de mois difficiles.


Un ajustement structurel new-look


L’étude en question a été publiée par le Center for Economic and Policy Research (CEPR), un think tank européen basé en Grande-Bretagne et qui regroupe un réseau de 700 économistes et chercheurs. Son constat est sans appel : sur 41 pays qui ont récemment fait appel au FMI et appliqué des politiques largement « inspirées » par ce dernier, 31 ont vu leur situation économique se dégrader. En clair, le remède aurait pu tuer ces patients. Un air de déjà-vu, même si les choses sont assez différentes des fameuses dérives dont ont souffert l’Afrique et l’Amérique latine dans les années 1980, sans oublier l’Asie dix ans plus tard.

 Il faut rappeler que le FMI a officiellement abandonné ses procédures d’antan symbolisées par le tristement célèbre plan d’ajustement structurel. Terminée donc la conditionnalité qui exigeait que des mesures douloureuses soient prises avant même que le moindre dollar ne soit débloqué. Aujourd’hui, le Fonds ne craint plus de soutenir des politiques de relance d’inspiration keynésienne pour lutter contre la récession. Mais dans le même temps, il tient toujours à ce que les emprunteurs appliquent « sa » discipline, c’est-à-dire une hausse des taux d’intérêt (ce qui pénalise les ménages et les petites et moyennes entreprises) ; une réduction des dépenses publiques (ce qui, par contrecoup, peut affecter l’activité) et un gel des salaires (avec pour conséquence fréquente une baisse de la consommation et du taux d’épargne).

 Ainsi, à la fin du mois d’octobre dernier, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, n’a pas craint de faire part de son « inquiétude » après la promulgation par le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, d’une loi augmentant le salaire minimum. Pour mémoire, le Fonds avait accordé une aide d’urgence à l’Ukraine de 16,4 milliards de dollars en octobre 2008. Une enveloppe qui, au passage, n’empêchera pas une chute du PIB ukrainien de plus de 10% cette année et qui a été assortie de plusieurs conditions, dont une baisse des dépenses publiques et une flexibilisation du taux de change.

 Las, le président ukrainien, qui pense aux élections de janvier prochain, a entamé un bras de fer avec le FMI en procédant à des augmentations des minima sociaux et en laissant filer le déficit public. Du coup, le Fonds menace de suspendre le paiement des 3,4 milliards de dollars, somme qui représente la dernière tranche de son aide. Encore une impression de déjà-vu...


Vers la création d’un fonds asiatique


Ce regain d’intransigeance du FMI, qui tranche avec son attitude contrite d’il y a quelques années, va certainement renforcer le projet de création d’un Fonds monétaire asiatique. Nombre de pays de la région n’ont pas oublié la manière arrogante et donneuse de leçons dont l’institution de Bretton Woods les avait traités lors de la crise de 1997. Plus important encore, Chine et Japon ne semblent plus faire obstacle à ce Fonds régional qui diminuerait l’influence d’un FMI jugé encore trop proche des Etats-Unis, même s’il commence à faire une (petite) place aux pays émergents au sein de ses organes de décision.



(1) « IMF-Supported Macroeconomic Policies and the World Recession : a look at 41 Borrowing Countries », octobre 2009.