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Le peuple algérien se réapproprie son drapeau

par Benlazaar Sid Ahmed

La démonstration est faite. Elle est irrévocable. Un groupe de jeunes Algériens, précédés d'un staff technique, fait de jeunes talents mais aussi et surtout d'anciens guerriers à l'image de M. Saâdane, a réussi un exploit historique. Non pas celui de revenir à une compétition mondiale après une victoire grandiose face à des Egyptiens manquant de sportivité, mais celui de se réapproprier le drapeau algérien. Il a été peint sur tous les murs. Il a été cousu en tenues et exhibé par des Algériens et Algériennes de tout âge. Il a été affiché à travers les fenêtres des maisons, sur les voitures, en chapeaux, sur les visages, et même sous la forme de coupe de cheveux. L'Algérien est donc un nationaliste, et le nationalisme n'est pas mort comme on le pensait. L'Algérien aime sa patrie. En fait, il fallait un déclic, quelque chose qui puisse permettre à un peuple de se rappeler son algérianité. Ceci n'est pas fait pour grandir les différents partis politiques parlant au nom du peuple à des occasions bien ponctuelles et circonstancielles. Ils ont montré toute leur distance et toute leur incompréhension de ce qui se passe en-bas. En-bas, car ils ont décidé de vivre là-haut, dans les chambres luxueuses des hôtels et avec des salaires mirobolants, loin de toutes les douleurs bien algériennes et des espoirs de la population.

 Le 1er Novembre est passé inaperçu car les jeunes ne l'ont pas connu et n'ont entendu personne parler leur langage et leur expliquer ce qu'il représente. Une équipe de football a réussi là où tout un système politique a échoué. Les jeunes et les vieux se sont regroupés sporadiquement et ont dansé durant des nuits, ensemble, comme une seule famille. Ils ont partagé leur joie. Comme un certain jour d'Indépendance.

 Les tractations qui semblent perdurer en haut lieu pour la prise de pouvoir ont tremblé devant les tambours en carton des jeunes du quartier appelant «One Two three, Viva l'Algérie». Ils ont éclipsé les courses à la tchippa pour se «taper» un fauteuil de sénateur ou de député. Ils ont éclipsé les tentatives de prise de contrôle de certains pour s'allouer l'Entreprise financière Algérie.

 Les bambins de 10 ans ont fait peur avec un nationalisme qu'ils ont toujours eu, hérité des valeureux chouhada, et enfoui à tout jamais dans leurs coeurs. Ils feront encore plus peur demain, quand ils auront atteint l'age de raison. Ils sont les propriétaires des lieux. Ils sont les propriétaires de l'Algérie. Nous l'avons tous compris. Et là-haut, aussi haut qu'ils puissent se cacher, ils l'ont compris eux aussi. Ils sont LA société civile.

 Ce match a changé bien plus que nous ne pouvons l'imaginer. Ce match a sonné la fin d'un système et le début d'une Indépendance de réflexion et de vie. Ce match est le commencement d'une nouvelle idée de l'Algérie, et cela, avec tous les dollars du monde, ne pourra être compris que par les Algériens de l'Algérie. Les autres, tous les autres, blindés de pin's exhibés comme une preuve nécessaire de nationalisme, doivent suivre le mouvement ou définitivement s'installer dans leurs résidences secondaires à l'étranger.

 Il fallait du cran pour aller défendre l'Algérie à l'étranger, armés de bravoure et de coeur. Ils ont appris à le faire, certains ne possédant en tout et pour tout qu'une tenue symbolisant le drapeau et un passeport, la somme nécessaire pour le voyage ayant été payée par des gens biens, d'en-haut et d'en-bas. Une décision présidentielle et une volonté des gens d'en-bas leur offrant 100 dinars, 50 dinars, 1.000 dinars, dans les rues, dans les magasins, pour finir la quête nécessaire. Même le budget du mouton de l'Aïd y est passé. Mais ils l'ont fait, sans calcul. L'appel du coeur.

 A présent, ils savent ce que défendre un emblème veut dire. Ils sauront maintenant le faire ici. Ils ont enfin retrouvé la parole. Ils ont enfin retrouvé la voie des anciens.

 L'Algérie n'a pas gagné qu'un match de football. L'Algérie a retrouvé les enfants de Novembre. L'Algérie a dorénavant un Peuple.