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Le ridicule qui frise la folie

par Djebbar-Licir Khadija

A l'instar des Algériens du mon-de entier, depuis quelques semaines déjà, mon temps s'écoule au rythme des nouvelles de notre valeureuse EN de football. Poussée par une curiosité légitime et insatiable, et un chauvinisme exacerbé par la tournure des derniers événements, je découvre chaque jour des chaînes de télévision spécialisées dans le sport, dit-on, mais qui n'en ont pas l'air, apparemment. Elles n'ont gardé du sport que le nom. Les animateurs, bavant de haine et de jalousie (merci kleenex !), adoptent ces derniers jours un langage enflammé et belliqueux. Des propos envenimés, vils et perfides sont proférés à longueur de journées et inlassablement par une poignée de folliculaires. C'est à se demander si toutes les déblatérations acharnées et les invectives à l'égard des Algériens ne sont pas couvées de longue date. La perte d'un match de qualification quand bien même il s'agit de la Coupe du monde de football ne peut pas engendrer autant d'hostilité vis-à-vis d'un peuple que l'on disait frère. Jugeons-en par quelques-unes de ces diatribes.

Si nos «aînés», c'est ainsi que les Egyptiens se définissent par rapport aux Arabes, ont vu leur économie déchoir, c'est à cause des Arabes, les Algériens en premier, qu'ils n'ont cessé d'aider et de soutenir. Paradoxalement, nos «bienfaiteurs» nous jalousent nos richesses. L'Algérie, d'après eux, n'aurait pas dû aider les Algériens pour se rendre au Soudan : autrement dit, l'Algérie a tort d'être solidaire de ses enfants. L'Algérie, toujours selon eux, voulant faire d'une pierre deux coups, a ouvert les portes de ses geôles pour permettre à ses prisonniers (khariji essoujoune) d'aller casser de l'Egyptien à Khartoum. Intelligent de la part de l'Algérie : se débarrasser des uns et des autres à moindres frais !

Des comédiennes hystériques ont défilé à l'écran pour raconter des histoires saugrenues, sorties tout droit d'une imagination stérile et infatuée. Un scénario digne des héritières de Raya et Skina. Elles étaient les seules à avoir vu à travers leurs lunettes noires de ringardes, les lames étincelantes fraîchement affûtées que les « tartares » envoyés par Bouteflika, brandissaient dans leur direction. Terrifiées à l'idée de se faire égorger à la sortie du stade, elles sont quand même arrivées à l'aéroport où les attendaient les avions militaires algériens, venus en renfort pour les exterminer. Nos héroïnes ont pu encore une fois, échapper à leurs bourreaux et prendre l'avion qui les ramena en «terre de paix», où elles ont lancé un grand ouf de soulagement ! Rocambolesque leur histoire ! Malheureusement, ces comédiennes exceptionnelles veulent punir les Algériens en les privant de leurs chefs-d'oeuvre : pour ce faire, elles ont tenu une réunion extraordinaire avec leurs pairs, dès leur arrivée au Caire, où il fut décidé d'un commun accord de boycotter toute manifestation culturelle se déroulant en Algérie et, surtout, de ne plus participer à la cérémonie des Fennecs d'or. Avis à HHC qui doit d'ores et déjà réfléchir à cette grande perte.

 L'Algérie n'a donc pas lésiné sur les moyens : argent, mercenaires, armée, vidéos de menace tournées par des gamins, tout cela avec la complicité des Soudanais, pour intimider les lions et les faire renoncer à un match de foot.

 Un match que les Fennecs remportent Dieu merci, en terrain neutre, anéantissant ainsi ce qui restait de la prétention et de l'arrogance de leurs adversaires, dont les larmes ont fini par couler devant les caméras. Une victoire qui nous a valu d'être traités de terroristes par le fils de Moubarek, pas le présidentiable qui évite des situations pareilles mais l'autre, qui n'a pas à se soucier de son éligibilité, on n'admet qu'un seul héritier à la fois pour le trône des Pharaons, et c'est au suffrage universel (les dizaines de millions d'habitants des bidonvilles ont droit de vote) qu'il est élu Pharaon de la nième génération !

 La défaite des Pharaons est d'autant plus difficile à digérer, surtout par les satanés persifleurs des chaînes de télévision égyptiennes, qu'ils étaient convaincus d'avoir à jamais déstabilisé l'équipe algérienne avec la cruauté de l'accueil qu'ils leur ont réservé au Caire. C'est connu, les adorateurs de Cléopâtre ne peuvent voir plus loin que le bout de leur nez. Ils n'ont considéré que l'éventualité d'une défaite des Fennecs à plus de deux points d'écart.

 Jusque-là, nos «frères aînés» nous ont suffisamment maternés, comme ils continuent de le faire pour les Palestiniens, à qui ils ont osé fermé le seul chemin, par lequel leur parvenaient vivres et médicaments. Nous, Algériens, nous demandons donc à nos protecteurs, de nous lâcher du lest, nous avons mûri, nous sommes libres et émancipés depuis belle lurette et nous sommes à présent assez grands pour voler de nos propres ailes, des ailes robustes et suffisamment averties pour nous mener loin, très loin sur une terre où nous comptons quelques bons amis dont le leader Mandela, fiable lui, et digne de notre amitié. D'autre part, que nos «grands frères» soient rassurés aussi quant à nos besoins financiers, nos richesses sont incommensurables, nous sommes à l'abri de la mendicité. Nous ne savons pas faire la manche, surtout quand il s'agit de s'aplatir devant un bienfaiteur et ne se relever que pour se défaire de ses principes d'antan. Nous laissons cette gymnastique à d'autres qui se reconnaîtront. Les Algériens ne demandent la protection de personne. Ils sont dignes des prouesses de leur jeune équipe. Nos joueurs, dont la moyenne d'âge est de 23 ans, ont su donner au monde entier une belle leçon de bravoure, de persévérance et de sang-froid devant une vague d'hostilités, auxquelles ils n'étaient point préparés.

 Les Algériens, jeunes et moins jeunes, sauront faire montre de sagesse et de magnanimité et éviteront de tomber dans un jeu pervers, tout comme l'ont fait nos joueurs vertueux, sur le terrain et à l'extérieur. Nous n'entacherons pas l'image qu'ils ont gravée dans les mémoires. Nous nous en remettons à Dieu, Le Tout-Puissant, et à Sa Justice, Lui seul aura raison de Al Feraoun. L'Histoire n'est-elle pas un éternel recommencement !