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Combattre la mauvaise gestion et la corruption

par Abderrahmane Mebtoul

Le Président de la République algérienne, lors de l'ouverture de l'année judiciaire le 28 octobre 2009, se donne pour objectif de combattre la corruption, la bureaucratie dévalorisant le couple intelligence/travail sur lequel doit reposer tout développement fiable et donc d'asseoir un Etat de droit.

Ce rêve si cher à la majorité des Algériens épris de justice et de liberté sera-t-il réalisé ? Créer des commissions sera-t-il suffisant ? S'il faille éviter les règlements de comptes inutiles et qu'une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire (présomption d'innocence), aussi, s'agit-il de s'attaquer à l'essence de ce mal qui ronge le corps social. C'est que la lutte contre la mauvaise gestion et cette corruption qui se généralisent, implique avant tout une moralisation de la pratique des structures de l'Etat eux-mêmes au plus haut niveau. Car c'est seulement quand l'Etat est droit est qu'il peut devenir un Etat de droit. Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit d'une part, d'autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives.

C'est l'objet de cette modeste contribution, d'une brûlante actualité et de surcroît très sensible, en quatre parties pour les lecteurs du Quotidien d'Oran, en soulignant avec force que la corruption socialisée devient un danger pour la sécurité des Nations menaçant les fondements de l'Etat même, cela n'étant pas propre à l'Algérie, du fait des scandales financiers à travers le monde notamment à travers la crise mondiale actuelle qui a montré les effets pervers des mécanismes de marché du fait de l'interdépendance accrue des économies et l'inexistence de mécanismes de régulation au niveau mondial s'adaptant à cette nouvelle situation.

PROBLEMATIQUE:

BUREAUCRATIE/SPHERE INFORMELLE ET ETAT DE DROIT

 Le bureau comme l'a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Aussi, la lutte contre le terrorisme bureaucratique en Algérie renvoie à la problématique de la sphère informelle, en fait à la construction d'un Etat de droit qui implique une bonne gouvernance et pose la problématique d'une manière générale à la difficile construction de l'économie de marché concurrentielle et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, l'Algérie étant dans cette interminable transition depuis 1986.

Car la sphère informelle, produit de la bureaucratie, contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation, somme colossale, avec une intermédiation financière informelle réduisant la politique financière de l'Etat sans compter toutes les implications sociopolitiques et socioéconomiques. La bureaucratie tire sa puissance de l'existence même de cette sphère tissant des réseaux diffus de corruption n'est que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d'ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l'information. Les lois économiques étant insensibles aux slogans, les cambistes jouant sur la distorsion entre taux de change officiel et celui du marché parallèle de devises, où certains connaissant certaines dispositions fiscales de la loi des finances avant les autres, cela occasionne des enrichissements qui ne peuvent constituer un vol au sens du code pénal mais pose toute la problématique d'un système démocratique véritable et que ne sauraient remplacer les actions coercitives et autoritaires. Pour preuve, le rythme de développement du marché informel est proportionnel aux actions bureaucratiques qui fonctionnent dans un espace de non-droit, en précisant que l'Etat de droit à travers les expériences historiques peut ne peut pas recouper la démocratie qui est le but suprême. Mais, l'action de la sphère informelle ne s'applique pas seulement aux catégories socioéconomiques.

La rumeur souvent dévastatrice,dont la voie orale est dominante en Algérie, alors que le monde avec la révolution d'Internet devient une maison de verre, n'étant que la traduction de la faiblesse de la gouvernance. Or son intégration est urgente loin des mesures autoritaires (répressives) qui produisent l'effet inverse, et ce, afin de pouvoir favoriser une saine concurrence et l'émergence de la véritable entreprise lieu permanent des richesses et donc favoriser les flux d'investissements nécessaires pour une croissance hors hydrocarbures, condition de l'atténuation de la pauvreté et du chômage, la vocation de Sonatrach n'étant pas de créer des emplois.

 Les derniers événements et mesures biaisées montrent clairement que certains segments des pouvoirs publics (central et local), du fait de l'ancienne culture bureaucratique et administrative, n'ont pas une appréhension claire de l'essence de la sphère informelle. Aussi si l'Algérie du XXIème siècle veut s'insérer harmonieusement dans le concert des Nations, la politique économique et sociale au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain (par le dialogue fécond des cultures) devra avoir pour fondement la bonne gouvernance liée à la réhabilitation de l'entreprise, au savoir par la maîtrise de la connaissance. La marginalisation des compétences et l'exode des cerveaux dont le montant en impacts sont plus importants que les 144 milliards de dollars de réserves de change, chaque cadre formé coûtant plus de 200.000 dollars par unité devient inquiétant.

Après les scandales financiers à répétition qui touchent tous les secteurs que dévoile quotidiennement la presse nationale qui explique la timidité de la réforme bancaire, lieu de distribution de la rente, alors qu'elle doit toucher fondamentalement la nature du système et donc la propriété et pas seulement la rapidité de l'intermédiation financière (aspect purement technique), rapidité qui paradoxalement pourrait faciliter des détournements plus rapidement si l'on ne s'attaque pas à la racine du mal qui ronge le corps social. Ainsi se pose la question suivante: combien de banques ont-elles une comptabilité décentralisée selon les normes internationales, seules condition d'audits internes sérieux et reliés par des réseaux au système fiscal et douanier ?

LUTTE CONTRE LA MAUVAISE GESTION, UNE PRIORITE

STRATEGIQUE

 La dette publique interne selon les déclarations officielles reprises par l'agence APS est passée de 1 780 milliards de DA à fin 2006 à 1 050 milliards de DA à fin décembre 2007, à 733 millions fin octobre 2008, composée de la dette courante (bon de Trésor) et des dettes dites d'assainissement (plus de 40 milliards de dollars entre 1991/2007 et plus de 5 milliards de dollars entre 2008/2009 dont plus de 70% des entreprises publiques étant revenues à la case de départ selon le rapport 2008 du ministère de l'Investissement, étant déstructurées financièrement, et les 30% restants ne s'insérant pas dans le cadre des valeurs internationales supposant donc une mise à niveau. Ces déficits ont été financés par prélèvement sur le Fonds de régulation des recettes, dont les ressources sont générées par les plus-values sur les produits de la fiscalité pétrolière lorsque le baril de pétrole dépasse par le passé 19 dollars et actuellement 37 dollars et qui a connu une augmentation, passant à 3 215 milliards de DA à fin décembre 2007 contre 2 931 milliards de DA à fin 2006, à 4 280 milliards de dinars (42 milliards d'euros) soit 40% du PIB fin septembre 2009.

Cette situation financière a été permise depuis 2000 grâce au cours élevé des hydrocarbures (en rappelant que l'Algérie a environ 1% des réserves mondiales de pétrole et 3% en gaz devant donc aller vers l'épuisement) et non pas grâce à la gouvernance interne et donc une politique socioéconomique hors rente (1): pour preuve, les exportations hors hydrocarbures entre 1996/2009 représentent moins de 3% du total dont plus de 70% de déchets ferreux et semi-ferreux. Ainsi, il faut éviter l'illusion monétaire, l'Algérie étant une économie rentière dépendante à la fois du cours du pétrole et du dollar et ce de 1963 à 2009. Pour rappel, sur les 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures entre 2004/2009, et certainement encore pour de longues années, invoqué souvent par les officiels, 80% des segments dont le bâtiment, travaux publics, hydraulique sont irrigués indirectement par la rente des hydrocarbures restant aux entreprises créatrices de richesses pouvant vivre sur leur autofinancement moins de 20% à la participation du produit intérieur brut. Mais, les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Car, l'on ne s'est pas attaqué aux causes originelles de la dette publique et le risque est de revenir à la case départ comme le frein à la création des entreprises créatrices de richesses, les services collectifs et l'administration vivant du transfert et ne créant pas de richesses dont les contraintes d'environnement qui ne sont pas levées (bureaucratie, système financier sclérosé, le foncier, système socio-éducatif non adapté).

Si l'on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l'administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent une autre fraction actuellement plus importante. Pour cela, rappelons que le programme de soutien à la relance économique selon les différents conseils de gouvernement est passé successivement de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 milliards de dollars fin 2005 (le justificatif était des enveloppes additionnelles pour les Hauts Plateaux et le Sud) puis fin 2006 à 140 milliards de dollars et sera certainement clôturé fin 2009 à plus de 200 milliards de dollars, montant auquel il faudra ajouter les nouveaux programmes inscrits entre 2009/2013 de plus de 100 milliards de dollars. Le rapport de la Banque mondiale concernant justement ce programme publié en septembre 2007 et remis aux autorités algériennes toujours d'une brûlante actualité note par des exemples concrets concernant les infrastructures la mauvaise performance des dépenses d'investissement en Algérie étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques.

D'où l'urgence de la rationalisation de la dépense publique. S'est-on interrogé une seule fois par des calculs précis le prix de revient des services du chef du gouvernement, des différents ministères et des wilayate et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en oeuvre d'affaires profitables aux pays ?), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? Ces dépenses constituent un transfert de valeur que paye la population qui est en droit, en démocratie, de demander l'opportunité et la qualité du service rendu, mais que voile le transfert de rente en Algérie qui est la propriété de tout le peuple algérien.

Or ces segments sont importants en tant qu'éléments devant favoriser la création de surplus, la fonction étatique devant s'inspirer des normes économiques spécifiques (dont on ne peut leur appliquer les principes de productivité des entreprises contrairement à la déclaration de certains politiques) et non se limiter aux actes administratifs bureaucratisés sclérosants. Cela est lié à deux conditions essentielles: d'une part, fixer clairement les objectifs permettant d'atteindre l'optimum et d'autre part définir clairement les moyens pour atteindre ces objectifs. La gestion des services collectifs, l'amélioration de leur efficience dépend en grande partie de la mise en place des mécanismes globaux de régulation selon une vision cohérente, datée dans le temps, tant dans le domaine politique, institutionnel, économique que social.

Les services collectifs doivent être gérés selon des normes fiables étant souhaitable dans ce cadre de l'adoption de l'obligation de la loi de règlements budgétaires pour pouvoir permettre à l'APN de contrôler l'affectation et l'efficacité des deniers. A ce titre, il convient de se poser la question de l'efficacité des transferts sociaux qui ont atteint 463 milliards de dinars en 2005, plus de 586 en 2006, 677 en 2007 et 1000 milliards de dinars pour la loi de finances 2010. publics souvent mal gérés et mal ciblés qui ne s'adressent pas toujours aux plus démunis. Comme l'atteste le rapport du 04 octobre 2009 du PNUD où l'Algérie vient d'être rétrogradée à propos de l'indice du développement humain beaucoup plus fiable que le PNB par tête d'habitant de la 100ème place en 2008 à la 104ème place. Il semble bien qu'à travers la loi de finances 2010 l'on ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l'économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, donnant l'impression d'une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique, bien qu'existent certaines dispositions encourageant l'entreprise. Dans ce cadre, de la faiblesse de la vision stratégique globale, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, et la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d'âge, entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine.

Or, le principe tant de l'efficacité économique que de justice sociale pour éviter le divorce Etat/citoyens exige que l'on résolve correctement ces problèmes fondamentaux devant reposer sur des mécanismes transparents. D'où l'importance d'analyser les nouveaux mécanismes de contrôle.

TRANSITION ET MECANISMES NOUVEAUX DE CONTROLE

 La gouvernance d'entreprise ne saurait être isolée de la gouvernance centrale et locale d'où l'importante pour tout audit d'avoir une vision faisant le pont entre la macro et la microanalyse ne devant pas se limiter aux ratios financiers mais inclure les aspects politiques, sociaux et culturels dont les aspects anthropologiques qui dans une société encore tribale comme l'Algérie sont déterminants pour le management stratégique. Aussi, le contrôle institutionnel (Cour des comptes, Inspection générale des finances IGF, Direction générale des Impôts) sans parler des contrôles routiniers des services de sécurité, devra s'insérer dans ce cadre pour une efficacité réelle. Car, la dilution des responsabilités à travers la mise en place de différentes commissions témoigne de l'impasse du contrôle institutionnel en dehors d'un cadre cohérent, où les règlements de comptes peuvent prendre le dessus, alors que l'objectif est une totale transparence pour crédibiliser toute décision.

Or, force est de constater la faiblesse du système d'information et difficultés de l'appréciation des performances notamment des activités marchandes et des services collectifs et administration. Concernant les activités marchandes, certes l'innovation du plan comptable national PCN par rapport au PCG de 1957 en attendant la mise en place du nouveau système comptable courant 2010 s'inspirant de la nouvelle nomenclature européenne (l'autre modèle comptable étant celui des Anglo-Saxons) est d'essayer d'établir le pont entre la comptabilité nationale et la comptabilité de l'entreprise en mettant en relief un agrégat important, celui de la valeur ajoutée. Comme la tenue obligatoire du bilan du compte d'exploitation et des 15 tableaux annexés ainsi que certaines masses classées par ordre décroissant de liquidité - fonds propres - investissement, stock - créances - dettes, charges - produit et résultat d'exploitation, par des recoupements permettent de calculer une batterie de ratios. Mais tout décideur il convient de se poser la questions ci ces données sont fiables. Ont-elles une portée qui permet des décisions cohérentes ? Car l'expérience montre souvent des amortissements exagérés par rapport aux normes internationales pour des unités comparables, le gonflement de la masse salariale qui éponge la valeur ajoutée, l'absence d'organigrammes précis des postes de travail par rapport au processus initial, gonflement démesuré des frais de siège qui constitue un transfert de valeur en dehors de l'entreprise avec prédominance des postes administratifs, comptabilités à prix courants de peu de signification ne tenant pas compte du processus inflationniste. Et comme au niveau macro-économique, la production est production de marchandises par des marchandises, nous sommes dans le brouillard pour tester les performances individuelles surtout en absence de comptes de surplus physico-financiers à prix constants qui peuvent aider à suppléer à ces déficiences.

Aussi il s'agit de bien spécifier les facteurs internes à l'entreprise des facteurs externes. Au niveau interne car beaucoup de gestionnaires rejettent la responsabilité sur les contraintes d'environnement en soulignant l'importance des créances impayées, force de travail inadaptée, blocage bancaire, infrastructures (logement, santé, routes) mais oublient d'organiser leur entreprise: combien d'entreprises publiques possèdent-elles la comptabilité analytique afin de pouvoir déterminer avec précision leur coût car l'objectif est de produire au moindre coût alors que l'ancienne culture était mue par l'unique dépense monétaire ; combien d'entreprises établissent un budget prévisionnel cohérent du personnel, des achats, des ventes déterminant les écarts hebdomadaires, mensuels entre les objectifs et les réalisations, ces opérations budgétisées étant la base du plan de financement, sans compter la faiblesse des différents travaux comptables de base. Tout ce travail mécanique mal synchronisé rend extrêmement difficile l'élaboration des budgets sans lesquels le contrôle externe est extrêmement difficile, voire impossible. Au niveau externe, plusieurs facteurs externes sont déterminants dans le façonnement des comptes relevant de la politique économique nationale, elle-même fonction des aléas de la conjoncture internationale du fait de l'extraversion de l'économie algérienne. Or, l'absence d'observatoire de l'évolution des cours boursiers rend problématique la rubrique achat de matières premières figurant dans le compte d'exploitation générale sans compter les taxes douanières dont le taux s'applique au cours.  

Bon nombre de produits comme le blé, le rond à béton, etc. sont cotés journellement à la bourse. Les fluctuations des monnaies clefs ont des incidences aussi sur le prix d'achat. Ainsi le cours du dollar reconverti en dinars courant est passé de 8,96 DA = 1 dollar en , à 19 en 1990, à 23,35 en 1993, à 47,66 en 1995 et approche 107 dinars un euro et 73 dinars un dollar en 2009. L'évolution de la structure des taux d'intérêt qui a des répercutions sur la rubrique frais financiers. Autre facteur essentiel et déterminant est l'évolution du cours du brent dans la mesure où le prix du gaz est indexé sur le cours du pétrole et toute baisse d'un dollar entraîne une baisse de 500 millions de dollars de recettes en moyenne annuelle et donc freine la capacité de financement des entreprises. Enfin dernier facteur l'évolution de l'endettement extérieur dont le service de la dette constitue «une fuite» en termes économiques. Le rééchelonnement étant une suspension de paiement dont la fraction ultérieurement remboursée est majorée par un taux d'intérêt composé, et dont les différents facteurs énumérés précédemment jouent simultanément, durant cette phase de transition, ce qui m'amène à traiter des liens entre la micro et macro-comptabilité. Pour l'Algérie, le remboursement de la dette par anticipation entre 2000/2008 a permis de limiter cette fuite du fait que le poste service (paiement des compétences étrangères 11 milliards de dollars en 2008 avec un triplement par rapport à 2006 avec ce paradoxe fuite des cerveaux algériens) tend à prendre la relève de l'ancien service de la dette, devant prendre en compte la balance des paiements et non pas uniquement la balance commerciale. Et là on revient à la ressource humaine.

Car combien avons-nous de spécialistes en ingénierie financière qui ne sauraient s'assimiler aux banquiers, aux comptables où à l'avenir avec le processus de privatisation irréversible pour déterminer avec exactitude la valeur vénale des actifs et des passifs en cas de cession, évitant la dilapidation des derniers publics. C'est que le système de formation fonctionne sur les vieux schémas du passé, ayant ignoré la métamorphose du monde.

 Ainsi existe-t-il des liens complexes entre le façonnement des comptes au niveau des entreprises et l'environnement et lorsqu'on invoque la «mauvaise gestion», y a-t-il lieu de bien cerner l'ensemble des causes internes et externes du résultat brut d'exploitation.

D'autant plus que les opérateurs qu'ils soient publics ou privés durant cette phase où la bureaucratie est omniprésente subissent des injonctions qui échappent à leurs propres initiatives. Cela est plus patent pour les entreprises publiques et les différentes formes d'organisation qu'elles ont connues depuis l'indépendance à nos jours ne font que traduire les rapports de force liés aux partages de la rente. Le passage actuel des fonds de participation aux holdings en est une illusion. Ces chevauchements de compétences expliquent en grande partie le manque de transparence.

La confusion des rôles jouant comme vecteur dans ce sens dans la mesure où la forme d'organisation ne fait que traduire les objectifs ou les non objectifs qui ont un soubassement politique. Or, les mécanismes de contrôle doivent définir clairement le droit de propriété et la nature du rôle de l'Etat. Qui est propriétaire ? Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu'elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe. Et est-il propriétaire dans le sens économique large détenant le véritable pouvoir de décision de son entreprise ? Qui est propriétaire de l'ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes ?

 C'est toute la problématique du passage de l'Etat propriétaire gestionnaire à l'Etat régulateur ou stratège que n'ont résolu jusqu'à présent ni la structure des fonds de participations ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l'Etat SGP qu'ils soient de 10 ou 20. Ce qui m'amène à traiter de la bonne gouvernance.

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION,UNE AFFAIRE DE GOUVERNANCE

 Le contrôle institutionnel ne suffit pas. Il faut impliquer la société si l'on veut lutter efficacement contre le mal de la corruption qui ronge le corps social. Pour l'ONG de lutte contre la corruption Transparency International à travers son Indice de perceptions de la corruption (IPC) pour 2008 - indice créé en 1995-, indice qui donne une estimation assez fidèle sur l'étendue de la corruption au niveau de 180 pays, classant les pays sur une échelle de 0 (haut degré de corruption perçu) à 10 (faible degré de corruption perçu), l'Algérie obtient et ce, pour la 6e année consécutive, une très mauvaise note - 3,2 sur 10, et un très mauvais classement, la 92ème place sur 180 pays classés. En 2007, l'Algérie avait 3 sur 10 et la 99ème place. En 2006, 3,1 sur 10 et 84ème place (sur 163 pays) ; en 2005: 2,8 et 97ème place (sur 159 pays) ; en 2004: 2,7 et 97ème place (146 pays) ; en 2003: 2,6 et 88ème place (sur 133 pays). Les différents scandales financiers en Algérie, qui touchent l'ensemble des secteurs publics et privés, dépassent souvent l'entendement humain du fait de leur ampleur. Pourtant, ces constats témoignent de la désorganisation des appareils de l'Etat censés contrôler les deniers publics et surtout le manque de cohérence entre les différentes structures en cette période difficile de transition d'un système étatique à une véritable économie de marché concurrentielle renvoyant à la refondation de l'Etat où en Algérie nous assistons à deux logiques contradictoires au niveau des sphères du pouvoir, la logique rentière dominante mue essentiellement par l'importation et bloquant les réformes de structures et la logique entrepreneuriale minoritaire, paradoxalement à un frein aux réformes lorsque les cours du pétrole s'élèvent et une accélération timide lorsque les cours baissent.

Cela dénote de l'urgence d'une réorganisation des institutions et d'une moralisation de la vie publique, en mettant en place d'autres mécanismes qui évitent que ces pratiques ne se reproduisent, renvoyant à plus de liberté, d'efficacité économique, de justice sociale (indépendance de la justice), de moralité des institutions et de démocratie. C'est que la gestion des services collectifs et de l'administration, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoient à la question de bonne gouvernance, de démocratie, de la rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective (1). Cela n'est pas une question de lois vision bureaucratique et d'une culture dépassée, l'expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme. La nouvelle politique économique algérienne et donc d'un contrôle transparent devra mieux articuler le jeu du marché et l'action de l'Etat dans son rôle d'encadrement macro-économique et macro-social, au sein d'un espace équilibré et solidaire, objectif stratégique de l'urgence d'une planification stratégique et donc d'une de la prospective, renvoyant à la refondation de l'Etat. Cependant, la refondation de l'Etat ne doit pas être comprise comme une négation de notre identité mais comme une nécessité que les mutations et les enjeux d'aujourd'hui imposent. Car, la prospérité ou le déclin des civilisations de l'Orient et de l'Occident avec ce brassage des cultures à travers le temps, ont montré qu'il ne s'agit pas de renier les traditions positives qui, moulées dans la trajectoire de la modernité, peuvent être facteurs de développement: l'expérience du Japon, de la Chine, de l'Inde et de bon nombre de pays émergents l'atteste, car un peuple sans sa culture est comme un peuple sans âme. Quand le Président Bouteflika pour l'Algérie évoque pour ceux qui veulent bien l'entendre, la fin de l'Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire, il signifie surtout que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. Aussi, la refondation de l'Etat algérien passe par un nouveau mode de gouvernance dont le fondement est une société participative et citoyenne.  

En résumé, comme le rappelait justement le grand économiste anglais, John Maynard Keynes, «il vaut mieux que l'homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur ses concitoyens». La lutte contre la corruption, qui a d'ailleurs existé depuis l'indépendance politique, n'est donc pas une question seulement de textes juridiques ou de commissions que contredisent quotidiennement les pratiques sociales mais de gouvernance tenant compte de la transformation du monde. C'est pourquoi cette présente analyse ayant trait à la corruption renvoie à une vision stratégique globale, l'histoire devant être intégrée (le devoir de mémoire) où le Politique, l'Economique, le Social et le Culturel inextricablement liés au sein d'un univers de plus en plus globalisé, où les grands espaces socioéconomiques dominent, basés sur la maîtrise des innovations technologiques (le savoir), la révolution dans le domaine de l'information et les circuits commerciaux et financiers internationalisés. Ce d'autant plus que les effets de la crise mondiale actuelle dont la résolution du G20 qui concerne notre problématique de lever le secret bancaire et surtout le nouveau défi écologique devrait entraîner un bouleversement géostratégique et économique entre 2015/2020.  

1- Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur d'université, Expert international, ex-Directeur central des Etudes économiques et Premier Conseiller à la Cour des comptes (1980/1983), ex-Commissaire aux comptes 1990/1995, assure actuellement des cours de Doctorat en gestion à l'université d'Oran.

NB - Pour ce sujet: - Article du Docteur Abderrahmane Mebtoul: «Urgence de la rationalisation des choix budgétaires en Algérie» Quotidien d'Oran et El Watan février 1996. - «Le terrorisme bureaucratique et la corruption sont les obstacles principaux au frein à l'investissement porteur en Algérie» -Interview de A. Mebtoul au quotidien économique et financier français Les Echos (août 2008)