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Débat sur l'«identité nationale» en France: Les dirigeants politiques actuels seraient-ils dignes de gouverner un pays comme la France ?

par Fayçal Megherbi

Dimanche 25 octobre 2009, la messe est dite par M. Eric Besson1 , ministre de l'«ouverture», en annonçant le débat sur l'«identité nationale» et «la fierté d'être français» qui s'ouvrira, dès le 2 novembre et jusqu'en février 2010, dans les préfectures et Sous-préfectures en France.

En effet, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire a présenté une sorte de Grenelle de l'identité nationale, un «grand débat» en deux volets «identité nationale» et «apport de l'immigration à l'identité nationale»2 .

Un rappel historique s'impose : Pendant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy était accusé d'utiliser ce sujet pour récupérer une partie de l'électorat du Front national. Un tollé a été provoqué après la création inédite en République d'un ministère en charge de cette question qui semble s'être banalisée avec le temps3 .

Le 27 octobre 2009, Nicolas Sarkozy visite une ferme dans le Jura, présente quelques mesures en faveur du monde agricole, et puis, il enfonce le clou en déclarant : «La France a un lien charnel avec son agriculture, j'ose le mot : avec sa terre. Le mot «terre» a une signification française et j'ai été´ élu pour défendre l'identité´ nationale française.» Il est difficile de ne pas ressentir quelques relents pétainistes volontairement provocateurs dans ces déclarations4 . Par la suite, le gouvernement, qui suivait cette logique politique, a lancé certaines mesures telles qu'une campagne d'«instruction civique» pour les adultes ; l'obligation faite aux mineurs de «chanter la Marseillaise» ; le projet de loi contre le port de la burqa, un phénomène marginal en France, présenté comme «contraire» à «l'identité nationale» ; les expulsions massives ; la mise en place de quotas d'«immigration choisie» sur des critères économiques ; la notion de droit d'asile vidée de son sens ; et, l'insertion d'«un contrat d'intégration républicaine» pour les étrangers qui entrent et séjournent sur le territoire français et celle d'un «entretien d'assimilation» préalable aux naturalisations... . Devant toutes ces mesures, il est légitime de se poser, aujourd'hui, la question suivante : Où veulent-ils nous emmener ? Allons-nous vers une rupture avec l'«exception ??positive'' française», en s'aliénant aveuglement sur tous ce qui se passe de négatif ailleurs et oubliant les acquis des droits humains qui font la réputation de ce pays ? Le gouvernement actuel explique, notamment, en justifiant les expulsions de ressortissants étrangers en situation irrégulière, en l'occurrence des Afghans, vers leur pays en guerre sur l'existence de telles reconduites à la frontière en Grande Bretagne et que la France peut aussi le faire par imitation. Etrange cet argument venant d'un gouvernement qui a décidé de lancer un «grand débat» sur «l'identité nationale». Toutes les politiques inhumaines mises en place par le président, Nicolas Sarkozy, et son gouvernement ainsi que le comportement indigne de certains représentants clés du gouvernement déshonorent et viol le pacte républicain français considéré comme une référence par la plupart des Etats de la Communauté internationale.

La question migratoire : Le Comité Inter Mouvements Auprès Des Évacués (Cimade) a publié dans son dernier rapport 5 le coût de l'expulsion à un prix complètement déraisonnable (environ 27 000 euros par sans-papier «éloigné»). Cette Organisation non-gouvernementale souligne aussi que 230 enfants ont été emprisonnés en 2008, au prix de troubles et traumatismes divers. Le rôle positif de la colonisation : La loi française n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est une loi dont l'article 4 a été très contesté pour son ingérence dans l'histoire coloniale6 . A la suite de l'adoption de cette loi plusieurs réactions de consternations, dans les DOM-TOM et anciennes colonies, ont été faites entendu, en Guadeloupe, Guyane, Martinique et en Algérie. Certains dirigeants politiques actuels ont-t-ils une éthique, une morale républicaines et respectent-ils les valeurs constitutionnelles qu'ils veulent inculquer aux immigrés vivant en France et qui sont souvent accusés d'être une réelle menace à l'«identité nationale» ? Plusieurs facteurs nous poussent à s'interroger sur cette question. En effet, les discours et déclarations litigieux du Président Sarkozy, de certains membres de son gouvernement et ses haut-fonctionnaires ont suscité plusieurs polémiques, voire des condamnations unanimes, par les gouvernements étrangers et représentants de la société civile en France et à l'étranger. Nous pouvons rappeler le discours malheureux de Nicolas Sarkozy à Dakar7 , la polémique survenue à la suite du soutien inconditionnel de Frédéric Mitterrand8 , ministre de la culture, à Roman Polañski9 . Sur un autre registre, nous relevons les propos controversés de Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Ce dernier devant «les membres [...] d'un réseau de promotion de la diversité dont fait notamment partie Rama Yade10 », en racontant ce souvenir : «Cet été, sur une aire d'autoroute, je rencontre cinq personnes noires. Comme elles ont l'air de me reconnaître, je vais vers elles pour les saluer et je leur demande : Vous êtes d'où ? - De Caen - Oui d'accord, mais vous êtes d'où ? - Ben... de Caen. Heureusement, j'ai compris à temps et je n'ai pas insisté. C'est là que j'ai compris toute la profondeur de ma mission»11 . Le 5 novembre 2008 sur BFM, il estime que l'élection de Barack Obama avait «un côté symbolique puisque chacun sait qu' [il] est d'une famille issue de l'immigration» ; puis il ajoute : «C'est le témoignage que le défi de l'intégration peut être relevé». Sachant que le nouveau président américain est né à Hawaï, un des États de l'Union, que sa mère est elle-même de type «caucasienne» (en reprenant la terminologie en vigueur sur les documents officiels) et qu'il n'a jamais été élevé par son père, Kenyan, qui a quitté la famille alors que son fils n'avait que deux ans12 ». Lors de l'émission Le Grand Journal du 24 février 2009, Brice Hortefeux a déclaré «Je suis compatriote béninois» en exhibant un passeport diplomatique13 .

Lors de l'université d'été 2009 de l'UMP, à Seignosse dans les Landes, il déclare, posant pour une photo avec un jeune militant d'origine maghrébine : «Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes». La scène a été filmée par une équipe de Public Sénat qui a décidé de ne pas la diffuser. La vidéo de cet échange est exploitée par Le Monde et déclenche la polémique. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a porté plainte pour injures raciales, et a demandé la démission du ministre.

Sans oublier, bien sur les propos de Paul Girot de Langlade14 , occupant la fonction de préfet.

Conclusion :

Jamais la France n'a lié sa politique de gouvernance par rapport aux étrangers. Elle a toujours considéré l'apport des autres nationalités comme une chose positive. Ce «grand débat» sur l'«identité nationale» se présente comme un sujet bassement électoraliste, une opération de diversion et de conquête d'un certain électorat et de re-fidéliser un électorat anciennement lepéniste, qui avait déjà massivement rallié Nicolas Sarkozy en 2007 avant de se détacher de lui progressivement au cours de ces deux dernières années avant les élections régionales.

Pourtant, il y a un vrai sujet qui doit être abordé et traité par les représentants de la France officielle : les chiffres du chômage. Encore 45 000 chômeurs de plus en septembre 2009, soit 3,475 millions de personnes inscrites à pôle emploi. La France, au total, frôle les 5 millions d'exclus du travail. Désolant, aussi la demande et le défi lancé par la vice-présidente du Front national, Marine Le Pen, d'être reçue par le président Nicolas Sarkozy afin de lui présenter des propositions pour un «Grenelle de l'identité nationale». «Le président Sarkozy a lancé une proposition de débat, le FN dit ?chiche'», a déclaré Marine Le Pen. Selon un sondage réalisé par l'institut BVA, 64 % des Français considèrent que l'objectif principal du gouvernement avec le débat sur l'identité nationale correspond «avant tout» à une «volonté de mobiliser les électeurs de droite en vue des élections régionales15 ". Finalement, nous pouvons conclure que la majorité des français n'est pas dupe.



*Responsable juridique dans une ONG à Paris



Note :

1 Éric Besson, né le 2 avril 1958 à Marrakech (Maroc), d'une mère, Marie-Thérèse Musa, d'origine libanaise, est un homme politique français. Il était membre du Parti socialiste de 1993 à 2007. Maire de Donzère (Drôme) depuis 1995, il est député de la deuxième circonscription de la Drôme de 1997 à 2007 (sous l'étiquette du PS jusqu'au 21 février 2007, sans étiquette par la suite). Il démissionne de son mandat de secrétaire national à l'économie du PS le 21 février 2007 et rejoint l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2007, pour y coordonner le «pôle gauche». Élu secrétaire général adjoint de l'UMP le 24 janvier 2009, il est ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire du gouvernement François Fillon II depuis le 15 janvier 2009.

2,Marianne2, ?Et l'identité sarkozyste?, c'est quoi? du 1 novembre 2009

3 L'Humanité, ?La dérive pétainiste?, du 28 octobre 2009

4 Ibidem

5 Rapport n° 9 de la CIMADE sur les Centres et locaux de rétention administrative pour l'année 2008.

6 Le 25 janvier 2006, suite aux déclarations de Jacques Chirac, le Premier ministre Dominique de Villepin a demandé au Conseil constitutionnel de constater le caractère règlementaire du 2e alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 afin de permettre sa suppression par décret et d'éviter un débat au Parlement. Le 31 janvier 2006, le Conseil constitutionnel a constaté le caractère règlementaire dudit alinéa et le 15 février 2006 le décret n°2006-160 est venu l'abroger.

 7 A l'occasion d'un colloque international sur les tirailleurs à Dakar du 26 juillet 2007, Nicolas Sarkozy déclarait que? le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles

8 Frédéric Mitterrand, né le 21 août 1947 à Paris, est une personnalité du milieu culturel et audiovisuel français.

9 Roman Polañski (né Raymond Roman Liebling le 18 août 1933 à Paris) est un comédien, metteur en scène de théâtre et d'opéra, producteur, scénariste, réalisateur de cinéma puis un auteur franco-polonais. Il a notamment réalisé Répulsion, Cul de sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, Chinatown, Le Locataire et Le Pianiste.

10 Rama Yade, nom usuel de Mame Ramatoulaye Yade, née le 13 décembre 1976 à Dakar (Sénégal), est une femme politique française. Elle est membre de l'UMP. Elle a été secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme, à partir du 19 juin 2007. Le 23 juin 2009, elle a été nommée secrétaire d'État chargée des Sports au gouvernement François Fillon II.

11 D'après Le Canard enchaîné, Hortefeux à la retraite ? ] et Le Journal du dimanche, du 11 septembre 2009.

 12 Catherine Coroller, « Obama, modèle d'«intégration» réussie selon Hortefeux [archive]», 6 novembre 2008, Libération (blogs des journalistes). Mis en ligne le 6 novembre 2008, consulté le 11 septembre 2009

 13 Le Matinal Extrait des Propos de Brice Hortefeux au cours de l'émission «Le Grand Journal» de Canal Plus du 24/02/09 :«Je suis compatriote béninois», 26 février 2009

 14 Selon un site réunionnais, le 31 juillet 2009, à l'aéroport d'Orly, il aurait déclaré à une employée de sûreté de la société Securitas : «on se croirait en Afrique (...) il n'y a que des Noirs ici».

 15 Le Monde, «Le thème de l'identité nationale divise à droite comme à gauche» du 29 octobre 2009