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«Vingt-neuf visions de l'exil» de Brahim Hadj Slimane

par Ahmed Saïfi Benziane

Animateur culturel de ciné-clubs et membre de la direction de la Fédération Algérienne des Ciné Clubs, journaliste presse écrite et radio, metteur en scène, auteur et maintenait poète, BHS a emprunté les chemins qui montent par vocation. Il vient de nous livrer ses impressions poétiques dans un long voyage qu'il nous invite à partager.

 Brahim Hadj Slimane ose affronter la poésie, la provoquer en duel et s'en sortir avec seulement quelques blessures à peine visibles entre ses vers, escaladant parfois les mots jusqu'en leurs sommets, juste pour interroger leurs sens et revenir sur terre par des voies dont il a le secret de l'emprunt. Il les emprunte sans dettes, ni remords, juste pour vérifier qu'ils sont encore là, à meubler nos dires, sans redire constamment les plaintes qu'ils déposent au bout de sa plume.

 Dans son dernier ouvrage «Vingt neuf visions dans l'exil » publié chez les éditions Tira en Juin 2009 l'auteur s'agrippe avec passion à quelques images, auxquelles il accorde le privilège du voyageur dans un monde oublié, mais bien présent pour qui sait s'y mouvoir en prenant soin de se débarrasser de ses préjugés, pour qui sait que la distance entre les Hommes n'est qu'une question de naissance intra-utérine, d'essence pour pouvoir renaître une fois la solitude de ceux qui peuvent encore voir et penser, consommée.

 D'une plage proche de son existence à une frontière fermée par son sort répété, il balaie le sable en prenant soin d'y rechercher quelques graines de musique exprimant le ras-le-bol, sur fonds de voix rauque et pénétrante ou alors fémininement logée dans une voix d'homme par simple destin. Le contraste ? Non, juste une teinte dont on ne connait pas encore les plantes ou la roche et dont nous avons peur communément parce qu'elle est tout simplement différente. D'un bain turc au bois chauffé, il extrait la sueur à une ponctuation qu'il veut absente pour libérer les us et leur faire admettre le gris-mauve d'une Bakhta de passage dans ses couleurs assourdissantes, lancée dans sa course folle vers un but quelconque suivant une lune parfois rouge de honte. Pourtant la mer est si divagante qu'elle rejette en un jeu subtil ce 29, qui perturbe des phrases en pleine construction, en pleine chaleur. L'été chassant toutes les saisons pour se prosterner devant « ces photos maquisardes des secrets enterrés ».

 Témoin d'une période qui s'est voulue si longue, Brahim a tenu à son retour de voyage sans plaisirs au fonds des années noires, à nous raconter comment un assassin peut transformer un mambo en danse funèbre. Combien « l'Algérie aussi hurle puis se tait ». Comment le silence des anciens a envie d'en dire long par « des voix amoureuses sur les rivages d'un pays aux lumineuses douleurs ». Combien la douleur reste présente dans les mains actuelles tremblant sans vouloir savoir pourquoi.

 Pourquoi ce retour sur Senac et Sidi Safi ne suffisent-ils plus à laisser pousser les roses dans un pays grand comme un jardin. Immense par son ciel où loge en parfait locataire des lieux, un soleil qui palpite ses rayons au creux des visages.

 Le recueil de Brahim Hadj Slimane lui ressemble, sosie ou bien jumeau, frère de lait par pureté du geste symbolique du sein. Il est comme, lui changeant de page dès que l'envie l'en prend, partant éternel vers quelques sentiers à découvrir un poumon dans la main, une plume grattant le cœur qui s'agite devant chaque souffrance.

 Alors pourquoi vingt neuf pourquoi l'exil lorsque l'on sait tendre la main à soi-même juste pour se promener ensemble à travers des ruelles sombres sachant que l'issue est dans la rue pour peu demande son chemin ? Avec ses ambres qui tordent les senteurs et ses sons qui s'agglutinent dans les bas de page. Un ouvrage du cœur et de la raison. Une suite à attendre et un chemin déjà tracé, superbement balisés par la main Abdelaziz Zodmi, et dédié à Redouane Osmane au titre d'une histoire muette qui cherche à se délivrer.