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Entre orientalisme et occidentalisme: L'islamophobie en Europe encore et toujours?

par Mahmoud  Ariba*

Suite et fin



D'ailleurs, si l'on s'amusait à faire le décompte des «auteurs/sacripans» d'attaque en règle contre l'Islam et ses symboles, contre les musulmans  ou les Arabes de manière générale, on s'apercevrait presque aussitôt qu'ils portent presque tous encore une fois la même noire, étroite et perfide kippa. Le filon semble susciter en tout cas des vocations subites  même chez de mornes écrivaillons, tel cet obscur et  anonyme instituteur du Sud de la France qui crut bon, à son tour et dans le prolongement direct des infâmes caricatures reprises en boucle dans nombre de journeaux occidentaux,  de se faire de la publicité gratuite en s'attaquant encore une fois, avec la couardise des esprits simplets, aux symboles les plus sacrés de notre religion:  l'Islam.

En fait, de telles pratiques n'étonnent guère puisqu'elles s'inscrivent en droite ligne d'une haine quasiment millénaire, rageusement persistante et intentionnellement perpétuée,  qui remonte aux périodes les plus lointaines. Plus exactement à l'aube de l'Islam, dans la péninsule arabique même,  où notre bien-aimé prophète Mohammad (que la prière et le salut soient sur lui) a eu à faire face aux nombreuses et fallacieuses  ignominies(9), aux intrigues rampantes  et redondantes, aux complots et sourdes conjurations de la part des porteurs de cette même kippa noire.  Et à bien d'autres ruses assassines, sans cesse fomentées par les iniques sbires/mercenaires de cette communauté tellement décriée, tellement honnie et tellement dénoncée pour ses fourbes veuleries,  malversations combinées,  sombres perfidies prédatrices et  innommables filouteries, pour s'accaparer, en fouinant dans tous les sens, les leviers de commande (économique, financière, culturelle et surtout politique) où qu'ils aillent et s'installent.

  Ainsi  peut-on constater que d'un côté, le monde musulman est sommé de se délester - illico presto- de nombre de ses signes distinctifs (voile, turban, statut personnel/Sharyâa, nationalité, concept de djihad, etc.). Et ce, au moment où l'Europe juste en face insiste, bec et ongles, pour souligner et coucher -distinctivement et distinctement- dans sa nouvelle constitution ses origines chrétiennes («ses valeurs communes» comme disent ses porte-voix flanqués) sans cesse réaffirmées et claironnées, son esprit latin ;  tandis que, en Amérique même, le fondamentalisme protestant reprend visiblement et ostensiblement du poil de la bête. Allant même jusqu'à bannir la mixité dans certaines écoles et instaurer la séparation garçons-filles. Alors, à bon entendeur?! Le voile, prestement condamné et jugé céans signe ostentatoire. Argument massue entonné en chœur et en chaleur même: les valeurs de la République?

Ce discours sonne dangereusement creux parce que, déjà auparavant, l'assimilation,  telle que proposée aux Algériens colonisés, faisait obligation d'accomplir -à quelques exceptions près- ce même «rituel/rodéo» aux éventuels prosélytes/renégats, devenus aux yeux de leurs anciens coreligionnaires les «M'tournis» (c'est-à-dire, littéralement, ceux qui retournèrent leurs vestes et troquèrent impudemment le turban contre le béret). C'est un peu en somme ce qui est également demandé aujourd'hui aux candidats à l'intégration. Mais encore : le prosélytisme encadré, en catimini, par l'église méthodiste participe également de ce projet sournois, vil même, puisque s'accomplissant sous cape- dans le noir obscur -, et de plus, visant ouvertement et en sous-main à nuire à tout ce qui se rattache de près ou de loin à l'Islam. Alors de quel dialogue des civilisations est-il  aujourd'hui question quand, ici et là, de sombres officines s'adonnent à longueur de temps à dénaturer, mystifier et attaquer sournoisement les fondements de l'Islam? De quel dialogue peut-il s'agir quand la simple construction d'une mosquée provoque une levée sournoise de boucliers (quand elle n'est pas incendiée ou dynamitée purement et simplement) alors que dans le même temps des scénarios de détournements de consciences sont menés -ouvertement ou en catimini- dans des pays musulmans pour enrôler des jeunes sans défense et, par-dessus tout, fragilisés par des promesses bassement matérielles et mercantiles ? De quel dialogue de civilisations parle-t-on quand un simple foulard, noué autour d'un visage affable,  fait monter l'adrénaline dans les chaumières et donne lieu à des législations  bourrues en  chaine pour l'interdire et bannir au moment même où bien des tribuns ne se privent point de faire la fait la gorge chaude pour vanter le refrain de la démocratie, des libertés fondamentales ?.?  Sans parler de nombre de chaînes paraboliques actionnées et «alimentées»  à dessein en direction du monde musulman précisément et  qui, usant même de la langue arabe,  et plus encore de ce qui se rapproche de ses arabesques enluminées (avec la croix  incrustée distinctement au milieu des motifs en usant ainsi, de la façon la plus sournoise qui soit, de «ficelles/modalités» telles que prélevées des théories de  la gestalt ou psychologie de la forme ), pour ratisser large et prendre en défaut la vigilance des personnes visées, s'adonnent à un impudent et mesquin exercice de prosélytisme en direction de notre jeunesse? Si dialogue, il y a et/ou peut y avoir, il ne peut  valablement prospérer que fondé sur le respect et la compréhension mutuellement partagés.

   -Mais est-ce réellement le cas, dans les circonstances actuelles, avec toutes les simagrées idéologiques, souvent  belliqueusement mouchetées, à l'image de celles se déroulant présentement dans le continent/fortin d'en face?

A bien des égards, et parce que continuant toujours de se revendiquer comme étant la seule à être investie d'une envergure/aura universaliste,  la posture  occidentale à l'endroit des autres cultures reste fortement imprégnée, pour ne pas dire gangrenée,  par des  a-priori et  préjugés  d'une surprenante traçabilité parce que non seulement fort anciennes et, qui plus est, étrangement  tenaces ;  mais surtout profondément engrangées et, de la sorte, continuant d'agir, en filigrane, dans les représentations mentales de catégories sociales entières.

    En s'en tenant pour ainsi dire systématiquement à une telle posture, l'Occident(10) démontre non seulement la persistance de ses vieux fantasmes de domination et d'assimilation ; mais surtout qu'il  ne joue donc pas franc-jeu en  multipliant  les manœuvres dilatatoires et grossières, les louvoiements, les entorses, les turpitudes, les tergiversations et autres salamalecs arbitrairement détonants.  Tout comme il est patent qu'il privilégie le double langage, le double-jeu, les impairs, les coups fourrés et les grossières bourdes notoires parce que dans ses rangs prolifèrent et pullulent/grouillent des «garnements/chenapans» férus d'incivilités, d'inélégances  «académiques» notoires et de coups de gueules scabreux, pour ne pas dire poisseux. Et, comme tels, parce qu'en outre  ne sachant  ni tenir leur langue ni même simplement tenir en place, ont pris coutume de parler souvent à tort et à travers, dans un sombre et opaque embrouillamini/borborygme.

 Bénéficiant en cela d'un arsenal médiatique à nul autre pareil, ils prennent comme un malin plaisir à lancer des fléchettes empoisonnées - par médias-sarbacanes interposés-, gracieusement mis à leur disposition par de cyniques barons noirs. Ceux-là même qui, tapis dans l'ombre et ricanant froidement sous cape, s'amusent  à faire feu de tout bois sous couvert d'une prétendue liberté d'expression décidément bien dévoyée, débridée et à la limite même singulièrement dépravée puisque ne respectant désormais plus aucune éthique ni même aucune once de déontologie. Et, dès lors,  nécessairement blâmable, condamnable, et  par-dessus tout forcément méprisable.

L'irresponsabilité et la désinvolture de telles personnes deviennent alors le signe patent et flagrant d'un profond irrespect envers l'éthique tout court.  Ainsi, nonobstant l'impressionnante et incalculable documentation accumulée au fil du temps autour de l'Islam justement, et faisant comme si de rien n'était, ils se payent le culot de faire reproche à l'Islam de ne pas considérer la femme et ne pas lui réserver un statut enviable  alors que le Coran consacre nommément  et distinctement une Sourate entière («En-nissa/les femmes») pour justement mieux souligner, distinguer, affirmer et marquer sa place exceptionnellement prééminente dans la société musulmane. Sans oublier également que les dernières recommandations du Prophète (que la prière et le salut soient sur lui ), à peine quelques minutes avant sa mort, furent de nous signifier et enjoindre de prendre un soin extrême et vigilant des femmes, de les respecter  en toutes circonstances et leur accorder la totalité de leurs droits légitimes. D'autre part, il est amplement attesté que jamais le Prophète (que la prière et le salut soient sur lui) n'éleva la voix ni n'éleva leva la main sur une femme: «le meilleur d'entre vous est celui qui a le meilleur caractère» (Hadith).

   Mais quelle interprétation et quelle application fait-on aujourd'hui des textes fondateurs dans notre vie courante? Là est et restera, indiscutablement et  indubitablement, toute la question ! Cependant, dans le même temps, on accepte de fermer pudiquement les yeux sur les inégalités encore flagrantes dont sont victimes justement les femmes, dans ces mêmes sociétés occidentales  dites évoluées, en termes de promotion, de salaires et d'octroi de postes de décisions? tout en ne s'empêchant pas de continuer, à l'occasion,  de parler doctement d'une égalité ou parité hommes-femmes. Parité  en réalité encore bien illusoire et hypothétique à maints  égards comme peuvent en  témoigner  ces formes, déguisées/camouflées, d' exploitation éhontée  dont la femme est précisément l'objet dans de telles sociétés . Lesquelles sont qualifiées, certes,  de modernes mais où l'on peut y voir son corps ravalé à un simple objet de «marketing publicitaire» pour servir à vendre toutes sortes de produits, y compris des films-navets?

C'est dire que l'émancipation de la femme , en vue de la pleine et totale reconnaissance de tous ses droits a encore un long chemin à accomplir, y compris dans les contextes s'affichant comme géniteurs et encenseurs de la notion de modernité (au terme d'un cycle chronologique qui aura duré, rappelons-le, pas moins de dix siècles). La violence ourdie contre les femmes dans ces mêmes contextes donne également une idée sur les progrès qui restent nécessairement à accomplir pour celles-ci pleinement reconnues et valorisées comme elles le méritent dans des sociétés s'affirmant égalitaristes mais en vérité encore «machistes» à plus d'un titre. 

-Autre question : suffit-il donc qu'un quelconque quidam se manifestant le cas échéant, ici ou là, par un comportement inapproprié, voire foncièrement inconvenant ou  inélégant;  une conduite pour le moins déplacée, bancale et quelque peu en net écart  par rapport à ces mêmes prescriptions/préceptes pour qu'aussitôt un doigt singulièrement accusateur et un verbe on ne peut plus véhément pointassent, invariablement et immanquablement, en direction de l'Islam ; allant,  du coup et dans le même temps (en faisant curieusement silence sur des violences inouies enregistrées en Frandce même contre les femmes)   jusqu'à occulter sciemment tout un précieux et inestimable héritage de valeurs raffinées, nobles, infiniment distinguées  de tolérance, de droiture, de solidarité, de patience, de partage, de justice, d'amour et de respect inconditionnel du prochain?



Ceci étant dit, il  n'en reste pas moins que, nourri précisément de ces hautes et primordiales valeurs (Al Akhlaq al aliyya wa al samiyya) de l'Islam, le monde arabo-musulman n'éprouve aucun dénigrement ni discrimination  envers les autres cultures, y compris celle dite occidentale, en continuant de miser sur la compréhension mutuelle. Il importe cependant de relever aussi que, en dépit de ces tirs nourris et croisés, il  existe encore -vaille que vaille-  des esprits sains, nobles, qui, en Occident même, ne se laissent jamais embrigader et caporaliser dans ces «discussions de quatre sous»,  et encore moins celles de «bas étage»,  mais gardent toujours une hauteur de vue conforme à la dignité de l'homme et à l'humaine condition en n'hésitant pas, au besoin et à chaque fois que les circonstances l'exigent, à monter au créneau pour défendre les principes,  valeurs et droits humains auxquels ils croient de toute leur force. A l'image de ces courageux défenseurs des droits de l'Homme à Calais, Paris, Bruxelles, etc., qui n'hésitent pas à sacrifier de leur temps, de leur argent, de leur vie pour venir en aide à leurs prochains  opprimés, rejetés, maltraités comme de vulgaires ballons de baudruche sous l'œil goguenard de systèmes/machins emboîtés et bornés à l'excès. Systèmes au demeurant désormais connus pour vouloir s'en tenir mordicus aux seuls libellés de réglementations tatillonnes, des plus impersonnelles, austères ; bref, antnomiques des longues traditions d'accueil comptabilisées dans le passé.

   Faudrait-il rappeler ici que même dans les chroniques anciennes, comme celles se rapportant à l'aube de l'Islam, hommage est rendu à des braves qui, bien qu'infidèles déclarés et affiliés encore au camp adverse, s'étaient  néanmoins distingués le moment venu par une morale chevaleresque sans faille ? Tel celui qui, tout à fait volontairement, offrit d'accompagner une femme musulmane ( Oum' Soulaïm) alors que celle-ci  s'apprêtait à braver toute seule, après avoir pris le parti  de rompre avec son  mécréant de mari, les immenses étendues désertiques  afin de pouvoir rejoindre le Prophète (que la prière et le salut soient sur lui), de la Mecque à Médine (soit sur une distance équivalente à quelques  500 km environ) sur son unique chamelle en s'abstenant durant  tout le voyage (comme rapporté et transmis par les chroniques) de l'approcher de près ou même de lever simplement les yeux vers elle pour la regarder en face,  par respect et  fidélité à des us et coutumes avérées, voire à une sorte de code d'honneur, alors en vigueur chez  certaines tribus nomades dans cette vaste contrée désertique ; mais aussi, fort probablement, en raison des puissants et vigoureux  effets salvateurs accompagnant déjà les premières lueurs annonciatrices de l'essor décisif de l'Islam . Celles-là même préfigurant la singulière et remarquable révolution des mentalités que celui-ci  ne manquait pas d'opérer au fur et à mesure de son enracinement continuel dans les cœurs soumis, acquis,  et sa non moins progieuse expansion à travers des espaces géographiques de plus en plus lointains et étonnamment diversifiés.



En guise de conclusion:

Comme du temps indéfiniment béni de notre bien-aimé prophète  (que le salut et la prière soient sur lui), l'Islam fait donc face à des forces antagonistes indémontables qui s'activent et se démènent dans tous les sens du terme8 à vouloir en freiner l'essor et le suprême envol. Mais peine perdue:  l'Islam, aujourd'hui comme hier (c'est-à-dire depuis l'origine inaugurale),  est bel et bien lancé et nulle force au monde n'est en mesure de freiner, contrer, ralentir l'essor ni, encore moins, entraver sa dynamique endogène, intrinsèque, pérenne et authentique.

   S'il est considéré comme étant plus que jamais au centre des débats et  enjeux de l'heure, c'est parce qu'il  demeure, conséquemment, inséparable de tout contexte dans lequel se joue ou se décide le sort des sociétés qui l'ont adopté le plus normalement  du monde pour l'intégrer et élever au sommet de leur hiérarchie  spirituelle et morale. Tout à la fois comme  religion d'ouverture, de paix, de progrès, de justice, de saine et féconde tolérance.

 - N'est-il pas la dernière religion révélée aux hommes ? N'est-il pas également la religion dite de l'équilibre et du juste milieu? Et, enfin, n'est-il pas la religion du message puissamment égalitaire et fondamentalement pacifique?



Notes:

9.- Selon Isabella Camilla d'Afflito, professeur de langue et littérature arabes à l'université orientale de Naples, « les Occidentaux ont des idées très limitées et souvent erronées sur la femme arabe ». Cf. El Watan , 8 juin 1995, p.12. Elle ajoute que « la femme arabe ne correspond pas du tout aux stéréotypes que nous en avons en Occident (?); Chez nous, il n'y pas ce désir de faire connaître les belles choses du monde arabe ». Idem.

10.- « l'Occident se définit par un faisceau de particularités qui ont assuré sa suprématie, une combinaison de facteurs techniques et idéologiques qui ont permis son expansion politique, économique et culturelle - rupture libératrice de la Renaissance, philosophie des Lumières, utilitarisme britannique, révolution industrielle, conquêtes coloniales, impérialisme, avancées scientifiques, prospérité générale - fût-elle inégalitaire.

 En est résulté un genre de vie érigé en modèle, fondé sur la démocratie, le consumérisme, l'individualisme.

 Des «valeurs » diffusées grâce à ces instruments décisifs du soft power que sont la suprématie des images (hollywoodiennes entre autres) et celle des systèmes d'information portés par les médias anglo-saxons, écrits et audiovisuels». Cf. http://blog.mondediplo.net/2009-04-15-L-Inde-et-l-Occident