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Des crédits à 1% aux fonctionnaires : un crédits au logement discriminatoire?

par M.S.

La suppression, peu populaire, du crédit à la consommation décidée dans le cadre de la loi de finances complémentaire (LFC 2009) a été justifiée par le souci d'éviter «l'endettement des ménages» et de favoriser le crédit immobilier. Si l'explication par l'endettement des ménages laisse dubitatifs, la volonté de favoriser l'emprunt immobilier passe mieux et attend une traduction concrète. Orienter le crédit vers l'acquisition de logements est d'autant plus accepté que beaucoup de ceux qui ont pris un «crédit-auto» l'ont fait par dépit de ne pas pouvoir accéder à un crédit-logement.

La LFC 2009 a prévu un prêt du Trésor à un taux d'intérêt de 1% aux fonctionnaires pour l'acquisition, la construction ou l'extension du logement. Ce sont pratiquement des crédits immobiliers à taux zéro dont on ne s'explique toujours pas pourquoi ils sont réservés aux seuls fonctionnaires. Dans une déclaration à la radio nationale, le président de l'Association des établissements financiers (ABEF), M. Djamel Bessaa, qui est également PDG de la Cnep-Banque, dit attendre les textes d'application de la mesure annoncée dans la LFC 2009 pour avoir plus de clarifications au sujet de sa limitation aux seuls fonctionnaires ou non.

En tout cas, les travailleurs et employés «non-fonctionnaires» seraient fondés à dénoncer une discrimination qui n'a pas de raison d'être même si potentiellement, avec le grand nombre de fonctionnaires algériens, ce sont beaucoup de personnes qui pourraient en profiter. Si l'objectif est d'encourager le logement promotionnel et le crédit au logement, la généralisation du 1% serait plus logique.

Pas d'impact sur les taux d'intérêt des banques.

Dans son intervention, le président de l'Abef a indiqué que les textes d'application de la mesure décideront si le Trésor public sera le financier de cette opération et si les financements sont consentis sur des ressources budgétaires. Dans ce cas, a-t-il expliqué, les banques n'auraient pas à intervenir. Dans le cas où les banques sont désignées comme gestionnaires des crédits à 1%, l'Etat prendra en charge le différentiel. La mesure pourrait, selon lui, entrer en vigueur dès janvier 2010 et qu'au plan technique cela ne pose aucun problème.

 M.Bessaa a paru dubitatif à l'idée que ce taux de 1% pourrait tirer vers le bas les taux d'intérêt pratiqués actuellement par les banques. «La corrélation n'est pas évidente, il s'agit d'une bonification et donc le taux réel n'est pas de 1%», a-t-il déclaré en soulignant que les «banques travaillent sur la base d'un coût de collecte des ressources en s'assurant une marge pour le bon fonctionnement». Cela signifie en terme simple que l'Etat prendra en charge la différence entre le 1% et les taux d'intérêt réels du crédit immobilier qui tournent actuellement entre 6 et 7%. Avec les prix prohibitifs pratiqués actuellement dans les grandes villes du pays, on devine parfaitement l'intérêt que pourraient avoir les non-fonctionnaires à profiter eux aussi de cette aide de l'Etat.

 Il reste que cette bonification des taux de crédits reste tributaire d'un développement de l'offre dans le domaine de l'immobilier. Les crédits immobiliers accordés par les banques au cours des dernières années ont été de 150 milliards de dinars pour les logements promotionnels dont les deux tiers sont le fait de la Cnep. Au premier semestre 2009, les prêts de la Cnep tournent autour de 15 milliards de dinars... A ce rythme, on serait sur 30 milliards DA par an... et beaucoup moins chez les banques. C'est peu par rapport aux besoins des ménages et des liquidités inemployées à la Cnep-Banque et dans les autres banques publiques.

Prix fous et crédits limités.

La généralisation du crédit à 1% pourrait élargir le nombre d'acquéreurs. Reda Hamiani, patron du FCE, a estimé indispensable, après la promulgation de la LFC 2009, de mettre en place des mécanismes d'aide à l'accès à la propriété des biens immobiliers. Il a dit sa crainte que l'on se retrouve face à une amélioration de l'offre de logements qui pourraient ne pas trouver preneur. Actuellement, pour prendre l'exemple de la Cnep-Banque, les titulaires d'un LEL (livret d'épargne logement) peuvent prétendre à un crédit à 5,75%, les LEP (livret d'épargne populaire) à 6,25% et les non-épargnants à 7%. Ce dernier chiffre est celui en cours chez les autres institutions bancaires. La Cnep accorde un bonus aux épargnants de moins de 35 ans en leur octroyant des crédits à 5% sur 40 ans.

 Les raisons qui entravent le développement du crédit immobilier sont connues. C'est le problème d'une «middle class» exclue des programmes de logements sociaux de l'Etat mais qui n'a pas les moyens d'accéder au promotionnel. Il faudrait, estime un cadre d'une banque publique, avoir un revenu de 100.000 dinars par mois pour pouvoir y prétendre. De facto, le crédit est réservé à ceux qui n'en ont pas réellement besoin. Avec 70.000 dinars de revenus, un jeune Algérois «moyen» a pu avoir un crédit de 5,4 millions de dinars sur quarante ans. Mais au vu des prix en cours dans l'immobilier où un F3 se négocie à 10 millions de dinars minimum, ce jeune n'a pu acheter son logement qu'avec l'aide de sa famille qui lui a apporté pratiquement autant que le prêt bancaire. La plupart ne peuvent trouver un «soutien familial» qui viendrait accompagner le crédit immobilier... Pas généralisable dans un contexte où les prix sont fous et les crédits limités