Naguère, des intellectuels et des hommes politiques ont proposé le CV anonyme pour lutter contre les discriminations. Les candidats à un emploi étaient ainsi invités à masquer leur identité et leur adresse.

Les recruteurs étaient donc, pensait-on, contraints de se déterminer uniquement sur les qualités du postulant (diplômes, motivation, expérience professionnelle) et non sur son origine ethnique ou géographique (redondance ! Souvent l'une recoupe l'autre).

 Dans un souci louable de préserver les populations en butte aux discriminations (arabes, noires en particulier), on leur suggérait en somme de se... voiler !

 Depuis quelque temps, des voiles, on en rencontre justement dans les rues, les commerces, les universités (non, pas dans les écoles, ils en sont chassés sitôt qu'ils apparaissent). Ce sont surtout des jeunes femmes qui les portent. Certaines, très peu nombreuses, arborent la version «hard», la burqa, ou voile intégral. Aussitôt, la coterie des intellectuels, des faiseurs d'opinion, ceux qui sont censés former le jugement des masses, se mettent en émoi et les somment de se... dévoiler ! Insupportable, plaident-ils, de ne pas être en mesure de reconnaître un visage.

 Ainsi, d'un même mouvement, pour simplifier, on demande à ces jeunes filles d'avancer masquées pour obtenir un emploi, un stage, un logement mais d'être à visage découvert dans la rue.

 Il y a là une incohérence manifeste !

 Revenons un instant au CV anonyme. Il a fait long feu. La raison en est fort simple. C'est que le recruteur, convaincu par les qualités exposées par un candidat ou une candidate, le (ou la) convoque pour un entretien. Le (ou la) candidat(e) ne peut alors dissimuler son teint bistre, son nez camus, son nom à coucher dehors. Le recruteur découvre alors qu'il (ou elle) n'a malheureusement pas le profil pour le poste mais qu'»on lui écrira sitôt qu'une opportunité se présentera».

 On peut donc estimer que le CV anonyme a permis de franchir la première haie (l'entretien) mais qu'il a buté sur la suivante (le recrutement proprement dit).

 C'est que les promoteurs du CV anonyme n'ont pas eu de suite dans les idées. Il fallait que l'anonymat perdurât plus longtemps, non seulement lors de l'entretien mais au-delà, tout au long de la carrière ! Le prurit raciste est tenace et peut se manifester à tout moment de la vie.

 Il y a une proposition fort simple ; pour éviter que Noirs et Arabes soient identifiés comme tels, il faut qu'ils restent masqués. Toutefois, m'opposera-t-on, on les reconnaîtra précisément au fait qu'ils sont masqués. Objection on ne peut plus valable. C'est pourquoi je propose que tout le monde soit masqué, sur les CV, dans les administrations, les écoles... Le racisme et les discriminations cesseraient parce que ne pouvant plus s'exercer.

 Quel masque, me direz-vous ? Après tout, les «Blancs» peuvent très bien opter, par exemple, pour un masque vénitien qui proclamerait en quelque sorte qu'au-dessous de ce masque respire un visage blanc. Ainsi, des individus sans foi ni loi pourraient détourner le sens de cette proposition généreuse. Il ne faut pas leur en laisser l'occasion. Il faut décréter que le masque doit être uniforme et dissimuler, non seulement le visage mais aussi le corps. Quoi de mieux qu'une de ces belles et bonnes burkas que portent aujourd'hui quelques centaines de courageuses pionnières ? Il faut la généraliser à l'ensemble de la population pour en faire le nouvel étendard de l'égalité républicaine !