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Déficit budgétaire : à qui la faute ?

par Akram Belkaïd, Paris

Il y a parfois des débats annexes à l’actualité du moment qui laissent pantois. Prenons ainsi le cas des polémiques à propos de l’accroissement des déficits budgétaires européens. On le sait, plusieurs pays membres de l’Union européenne semblent engagés dans une fuite en avant. Leurs déficits se creusent année après année, les obligeant à toujours plus s’endetter auprès des marchés, ce qui entretient le spectre de leur faillite qui serait pour le moins retentissante.

 

L’euro, la belle excuse

 

Du coup, on entend des économistes expliquer, avec raison, que l’aggravation des déficits est aussi la rançon du succès de l’euro. L’explication est simple. Depuis le début de la crise, la monnaie unique européenne a tenu le choc et joue le rôle de bouclier. En d’autres temps, on pense notamment aux crises des années 1980 et 1990, toute augmentation de la dette des Etats se serait traduite par une spéculation effrénée contre leurs monnaies ce qui aurait obligé ces mêmes Etats à prendre d’urgence des mesures d’économies et d’austérité budgétaire. C’est, entre autres, pour sauver le franc, que la gauche française fraîchement au pouvoir a dû se résoudre à la rigueur en 1983.

 Aujourd’hui, la situation est différente. Aucun spéculateur n’a envie, du moins pour le moment, de s’attaquer à l’euro (il faudrait pour cela disposer de réserves financières qu’aucun trader des marchés des changes ne pourrait mobiliser). Du coup, les gouvernements de la zone euro continuent à s’endetter grâce à l’impunité que leur offre leur monnaie. Mais au lieu de critiquer ces mêmes gouvernements, certains observateurs, dont une bonne majorité qui n’a jamais admis la création de la monnaie unique, préfèrent s’en prendre à l’euro. Ce dernier serait ainsi un encouragement au laxisme budgétaire... C’est un peu comme si on reprochait aux parapluies le fait qu’il y ait trop de gens à l’extérieur par temps d’orage !

 En réalité, l’euro est une réussite dont ne sont guère dignes les gouvernements de l’euroland, celui de la France en tête. Laisser ainsi filer les déficits sans prendre la mesure de ce que cela impliquera comme charge pour les générations futures est pour le moins scandaleux. Bien sûr, comme expliqué lors d’une chronique précédente, l’inflation va sûrement réduire le poids de la dette. De même, un retour à la croissance va générer plus de rentrées fiscales mais tout le monde s’accorde à dire que cela ne sera pas suffisant pour rétablir les grands équilibres financiers.

 

Hausse d’impôts ou démantèlement social ?

 

Dès lors, deux voies antagonistes émergent à l’horizon. La première, peu probable si la droite continue de dominer l’échiquier politique européenne, consistera à augmenter les impôts. En France, on voit mal Sarkozy reprendre d’une main ce qu’il a donné aux classes les plus aisées de l’autre. A l’approche de la présidentielle de 2012, le président français ne peut prendre le risque de se couper de son électorat et de ses soutiens naturels.

 Reste l’autre solution, celle que l’on voit arriver à vitesse supersonique. Il s’agira, au nom de la lutte contre les déficits, d’imposer des économies ici et là et, ce faisant, de démanteler encore plus le modèle social français en particulier, et européen en général. La sécurité sociale, les retraites, les indemnisations chômage et les prestations de solidarité sont dans le collimateur. Au final, le déficit budgétaire risque de donner à la droite européenne le prétexte idéal pour faire « maigrir la bête », comprendre l’Etat. Et dans cette affaire, l’euro n’aura aucune responsabilité si ce n’est d’avoir empêché le pire, c’est-à-dire une banqueroute généralisée d’Etats qui se sont habitués à vivre au-dessus de leurs moyens.