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Un vain G20 ?

par Akram Belkaïd, Paris

Que faut-il retenir de la réunion du G20 qui s’est tenue il y a quelques jours à Pittsburgh aux Etats-Unis ? Au-delà des polémiques sur l’efficacité de ce sommet, il y a tout de même quelques points qui méritent d’être relevés. Le plus important concerne la Chine. Jusque-là, ce pays, locomotive de la croissance mondiale, avait plutôt droit aux strapontins dans les grandes messes internationales. Désormais, il va officiellement jouer dans la cour des grands puisque le G20 remplacera d’ici deux ans le G8, pour devenir le principal lieu de rencontre et de discussions économiques et financières des dirigeants de ce monde. Bien plus que la « victoire » des pays émergents, dont l’Inde et le Brésil, c’est avant tout la Chine qui récolte les lauriers de cet élargissement maintes fois annoncé et souvent reporté.

 

La Chine et les banques gagnantes

 

 L’autre gain engrangé par la Chine concerne la poursuite de la réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international (FMI). Alors que les Européens verront leur pouvoir diminuer en matière de droit de vote, la Chine va bénéficier d’une augmentation de sa quote-part ce qui lui permettra d’exercer une influence plus grande dans les décisions prises par l’institution monétaire. Seule réserve, la quote-part des Etats-Unis reste inchangée et, déjà, des observateurs prédisent que le FMI sera bientôt dominé par le duo sino-américain, l’un étant le créancier de l’autre ce qui ne manquera pas de faire planer le doute sur l’autonomie réelle de l’organisation.

 L’autre point important concerne les efforts déployés par les membres du G20 pour enfin brider la course folle du système financier international. Les banques sont ainsi encouragées à consolider leur capital en relevant le niveau de leurs fonds propres et à augmenter leurs financements destinés à l’économie réelle, autrement dit les entreprises. De même, les régulateurs de chacun des pays du G20 auront la possibilité de surveiller les rémunérations des banquiers sachant que les bonus garantis au-delà d’un an seront interdits. A noter aussi que les organismes de normalisation comptable européen et américain sont encouragés par le G20 à définir leur plan de convergence de normes d’ici juin 2011.

 On notera donc, et c’est là que réside la grande réserve que l’on peut avoir vis-à-vis du sommet de Pittsburgh, que le G20 a plus encouragé qu’ordonné. De fait, si ses résolutions vont dans le bon sens, certaines restent encore trop vagues. Que signifie par exemple l’expression « application des mesures correctives » de la part des régulateurs nationaux pour ce qui est des rémunérations de banquiers ? Bien décodée, cette position du G20 laisse entrevoir le fait que les législations nationales continueront de dominer et que les pays dont les places financières sont importantes devront encore composer avec la pression des lobbies notamment banquiers.

 

Les lobbies encore et toujours

 

 En réalité, l’autre grand vainqueur du sommet du G20 est le lobby bancaire, notamment américain, qui, depuis le déclenchement de la crise, ne cesse de multiplier les manoeuvres et les pressions pour éviter de se voir imposer une législation internationale trop contraignante qui reviendrait sur les «acquis» de deux décennies de dérégulation. Faire mine de plier sans rompre ; accepter des concessions - et au passage le faire savoir haut et fort - pour protéger l’essentiel: voici les deux axes d’attaque de l’industrie bancaire et financière. Car à bien y regarder, et au-delà des promesses du G20, les règles pour les banques et les opérateurs de marché n’ont guère été bouleversées. Et s’il ne fallait prendre qu’un exemple, le voici : aucun pays ne semble disposé à interdire à une banque de dépôt d’avoir des activités de marché. Ce fut pourtant l’une des mesures phares de l’après-crise de 1929 et c’est sa suppression qui est responsable, entre autres, de celle que nous vivons.