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L’inflation en embuscade

par Akram Belkaïd, Paris

Mauvaise nouvelle pour les créanciers. De l’avis de nombreux économistes, il y a de fortes probabilités pour que l’inflation fasse un retour en force à partir de 2011, voire 2010, et cela dans l’hypothèse d’un redémarrage de l’économie mondiale.

 La justification d’une telle prévision est très simple. Face aux dettes publiques massives accumulées au cours des dix dernières années et aux déficits que cela provoque, les Etats risquent d’être tentés de recourir à l’arme de l’inflation pour alléger leur fardeau.

 

Vieux contre jeunes, rentiers contre actifs

 

 Explication. Quand les prix augmentent (ce qui est la définition de l’inflation), les revenus de l’Etat augmentent aussi de même que les salaires (à la condition, bien sûr, que ces derniers soient indexés sur l’inflation). A l’inverse, la dette reste quant à elle constante (sauf dans le cas particulier où elle a été émise à des taux variables indexés sur l’inflation). C’est pourquoi l’inflation est une manière efficace de faire baisser la valeur de la dette, surtout en période de croissance. Surtout, elle peut apparaître comme une solution préférable à la hausse des impôts, cette dernière solution n’étant jamais populaire, notamment lorsque l’économie redémarre et que les ménages se disent qu’ils vont enfin disposer d’un peu de marge financière.

 Le retour de l’inflation est d’autant plus probable que c’est un véritable « mur de la dette » qui attend les grandes économies à partir de 2011. En effet, c’est à cette date que les créances contractées au cours des dernières années, notamment pour financer les plans massifs de relance publique, vont arriver à maturité. D’ores et déjà, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BoE) ont commencé à recourir à la planche à billets pour financer la dette de leurs pays respectifs. Une pratique qui va prendre de l’importance et qui inquiète les pays qui, à l’image de la Chine, détiennent des créances émises par les Etats-Unis. Que vaudront ces dettes en 2015, c’est la question qui se pose aujourd’hui.

 Pour autant, cette approche n’est pas dénuée de risques, notamment en matière d’impacts politiques. Dans un monde où la population vieillit, recourir à l’inflation, c’est s’attaquer, en la dépréciant, à l’épargne des générations les plus âgées, ce qui, sur le plan électoral, est plutôt hasardeux. A échéance plus longue, entre 2040 et 2050, les épargnants — pour ne pas dire les rentiers — seront plus nombreux que les actifs et user de l’inflation sera certainement plus difficile pour les gouvernements.

 On le voit, l’inflation relève aussi d’un rapport de force démographique entre jeunes actifs qui vivent du fruit de leur travail (et qui ont peu à craindre de la hausse des prix) et des plus âgés, attentifs à l’évolution de la valeur de leur épargne. C’est d’ailleurs pour cela que la guerre implacable que mène la Banque centrale européenne (BCE) contre l’inflation est parfois présentée comme étant celle d’une bataille de la vieillesse contre la jeunesse...

 

Et le cas algérien ?

 

 Pour un exportateur de pétrole, l’inflation ne devrait normalement pas poser de problème, dans la mesure où il lui suffit d’ajuster lui aussi ses prix à la hausse. Reste que pour l’Algérie, pays multi-importateur mais mono-exportateur, cela signifierait une hausse du coût de tous les produits importés et donc une implosion des prix sur le marché local dans un environnement où, du fait de la prégnance de l’économie informelle, les revenus ne sont que partiellement indexés sur l’inflation.

 La seule parade dans ce cas est connue, mais cela fait des années qu’elle fait l’objet d’incantations vaines puisqu’il s’agit de la diversification de l’économie pour réduire les importations.