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Le PNN contre le PIB

par Akram Belkaïd, Paris

Ce fut longtemps une marotte des seuls altermondialistes, c’est désormais un constat partagé par la grande majorité des économistes. Le Produit intérieur brut (PIB), que l’on calcule en additionnant l’ensemble des valeurs ajoutées, est loin d’être un indicateur satisfaisant. Décrit en d’autres termes, il mesure certes la richesse créée par un pays (ou une région ou encore une ville) mais c’est justement cette mesure qui pose problème comme vient de le rappeler la Commission mise en place en France pour « la mesure de la performance économique et du progrès social ».

 

Les aberrations du PIB

 

Explications. Prenons un pays qui vient de subir une catastrophe naturelle. Les travaux de reconstructions, le versement des primes d’assurance et toutes les dépenses consenties après la catastrophe augmenteront la valeur du PIB. Le problème, c’est que cette hausse ne tiendra pas compte des pertes en vie humaines, des dégâts infligés à l’environnement et, de façon encore moins quantifiable, du traumatisme infligé aux survivants.

 C’est pour remédier notamment à cette aberration que les membres de la Commission, co-présidées par les prix Nobel Joseph Stiglitz et Amartya Sen, ont réfléchi à la manière de développer de nouveaux instruments de mesure de la richesse des nations en tenant compte des indicateurs sociaux, environnementaux sans oublier la mesure du bien-être de la population.

 L’une des pistes proposées est d’utiliser, entre autres, le Produit national net soit le PNN. Cet indicateur équivaudrait au PIB mais diminué de toutes les dépréciations possibles (coût sur l’environnement, coût social, coût sur le bien-être, etc...). Bien entendu, la réflexion n’en est qu’à ses premiers balbutiements mais, comme l’a indiqué l’économiste Jean-Paul Fitoussi, coordinateur des travaux de la Commission, le pays qui accomplira le premier la réforme de la mesure de la performance économique en sortira certainement gagnant. Cela pourrait en effet signifier des indicateurs en meilleure prise avec la réalité et, par conséquent, mieux acceptés par la population (un Européen sur trois ne croit pas aux statistiques économiques actuelles).

 

Un indicateur moins favorable aux dictatures

 

Il est encore trop tôt pour savoir si cette réflexion va aboutir ou nom. Dans les années 1990, par exemple, on parlait beaucoup de comptabilité verte, avec la prise en compte des performances environnementales, mais cela s’est vite avéré être un espoir déçu faute de volonté politique. Il reste néanmoins que cette évolution vers l’utilisation du PNN est plus que souhaitable. Calculé en prenant aussi en compte le bien-être de la population ainsi que le respect de l’environnement et des ressources naturelles, cet indicateur serait notamment sans appel à l’égard des dictatures ou régimes autoritaires qui maltraitent leurs populations ou encore à l’égard des pays qui dévastent leurs écosystèmes (exportations, tourisme de masse,...). La pauvreté de la population ou sa désespérance ne seraient plus alors une réalité que la bonne tenue d’un PIB permet aujourd’hui de masquer.