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Bonus honnis

par Akram Belkaïd, Paris

Ce devrait être l’un des principaux sujets de discussion du prochain G20 des chefs d’Etat qui se tiendra à Pittsburgh, Etats-Unis, les 24 et 25 septembre. Il s’agit de l’épineuse question des bonus versés par les banques à une partie restreinte de leurs salariés, notamment les traders.

 On le sait, en ces temps de crise, ce thème a provoqué nombre de polémiques. Comment accepter en effet que des établissements financiers, ayant été sauvés par de l’argent public, réservent des milliards de dollars à une poignée de privilégiés ? Comment admettre qu’une prime versée à quelqu’un qui intervient sur les marchés financiers représente jusqu’à 100 ans de salaire d’un employé qu’il peut croiser tous les jours dans un couloir ? Tout comme la rémunération des dirigeants d’entreprises, le bonus est devenu l’emblème du capitalisme glouton et avide.

 

 VERS UNE LIMITATION DE PRINCIPE

 

 De façon générale, toutes les opinions publiques y sont hostiles. Cet argent gagné le plus souvent en faisant travailler l’argent ou en s’adonnant à une activité spéculative est jugé honteux et malsain. Même aux Etats-Unis, où le chômage ne cesse de s’aggraver, les bonus des traders de Wall Street passent mal. En France, le président Nicolas Sarkozy entend faire de ce dossier la preuve de sa volonté de moraliser le capitalisme. De concert avec la chancelière Angela Merkel, le numéro un français entend convaincre ses partenaires du G20 de faire en sorte qu’une législation internationale encadre le versement des bonus. « On verra », ont plus ou moins répondu les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ces deux pays, où l’industrie financière représente une bonne part du Produit intérieur brut (PIB), verraient d’un mauvais oeil toute mesure restrictive qui provoquerait une délocalisation de certaines activités, comme celle du trading, vers des places concurrentes telles Singapour ou Dubaï.

 A priori, le G20 de Pittsburgh devrait déboucher sur un compromis digne de ceux qui clôturaient les précédents G8. Le principe d’une limitation des bonus sera vraisemblablement adopté mais sans aucune date précise de mise en oeuvre. Pire, la gestion de ce dossier serait confiée au Forum de stabilité financière, un « machin » créé après la crise asiatique du milieu des années 1990 et qui s’est avéré par la suite bien incapable de prédire celle des subprimes. Et il ne faut se faire aucune illusion, les traders continueront de recevoir de grosses primes de fin d’année ou de fin de semestre et leurs employeurs sauront trouver les astuces pour détourner les contraintes légales qui pourraient être adoptées, comme celle qui consisterait à étaler le paiement des bonus sur plusieurs années, ou encore celle qui réduirait la valeur du bonus si les gains réalisés à court terme par le trader venaient à se transformer en pertes à moyen ou long terme.

 

UN DÉBAT SECONDAIRE

 

 Pour autant, la question des bonus est certainement l’arbre qui cache la forêt. Ces primes ne sont qu’une conséquence de l’hypertrophie des activités financières dont la finalité n’est presque plus de financer l’économie mais de se suffire à elles-mêmes. Ce qui justifie le paiement de bonus, c’est la prise de risque dans des marchés de plus en plus abstraits, certes rentables en cas de gain, mais terriblement coûteux en cas d’échec. Que le système soit réformé en profondeur et la question des bonus se poserait alors avec moins d’acuité. Cela d’autant plus qu’à y regarder de près, il est finalement normal qu’une banque rémunère celui qui lui fait gagner des sommes astronomiques.