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Doutes sur la reprise

par Akram Belkaïd, Paris

C’est l’un des principaux débats, si ce n’est le plus important, de la rentrée. L’heure serait-elle à l’optimisme, l’économie mondiale renouant petit à petit avec la reprise et la croissance ? En effet, de partout convergent des indicateurs de conjoncture qui donnent à penser que le plus grave de la crise appartient désormais au passé. En Europe, la progression du PIB frémit, y compris en France et en Espagne ; les chefs d’entreprises retrouvent leur confiance en l’avenir, notamment en Allemagne, et, aux Etats-Unis comme dans les pays émergents, les productions industrielles sont orientées à la hausse.

 

Les doutes demeurent

 

 A entendre de nombreux économistes, le mois de septembre 2008 ne serait plus qu’un mauvais souvenir même si ces experts se gardent de tout triomphalisme. Il faut dire que le décodage des déclarations officielles des uns et des autres devrait relativiser la bonne humeur dans laquelle les marchés financiers versent sans aucune retenue depuis le milieu de l’été (ils sont à leur plus haut depuis le début de l’année). Il y a d’abord les propos de Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui vient d’être reconduit dans ses fonctions par le président Obama. Lors de son dernier discours, il a ainsi estimé, sans toutefois remettre en cause la réalité de la reprise, que le secteur financier n’était pas à l’abri de nouvelles difficultés. Ce qui signifie qu’il y a encore quelques squelettes d’importance dans le placard des risques financiers parmi lesquels on trouvera sûrement les créances liées au cartes de crédits aux Etats-Unis sans oublier des produits dérivés dont on ignore encore s’ils valent toujours quelque chose à l’image des fameux CDS (Credit default Swap, titres permettant aux investisseurs de se couvrir contre tout défaut d’une contrepartie) dont la valeur théorique globale dépasse les 60.000 milliards de dollars. Pour être sûr de la solidité de la reprise, il va donc falloir continuer à suivre de près l’actualité des banques.

 Mais il y a d’autres soucis qui sont la conséquence des actions entreprises par les gouvernements afin de stabiliser leurs économies. C’est le cas de l’endettement en Europe et aux Etats-Unis. Par le passé, quand les dettes publiques ont représenté presque autant que la création de richesses, cela a toujours débouché sur de graves crises économiques ou politiques. C’est le cas aussi de la bulle en formation en Chine où les injections de fonds publics pour soutenir la croissance profitent largement aux investisseurs en Bourse avec ce que cela représente comme risques économiques en cas de chute brutale du marché.

 

Vers une rechute ?

 

 Plus encore, on peut aussi se demander si la reprise actuelle ne sera pas en forme de W (double-dip), c’est-à-dire un rebond avant une nouvelle chute, l’actuelle hausse n’étant qu’artificielle. Après avoir puisé dans leurs stocks, les entreprises dans les pays développés sont actuellement obligées de relancer leurs chaînes de production sans être sûres que les consommateurs seront au rendez-vous. Le phénomène est moutonnier et c’est pour cela qu’il peut être trompeur. Comme aucune entreprise ne veut rater le train (et cela avant même qu’il ne soit annoncé), chacune relance sa production au cas où. Au risque de devoir s’ajuster de manière encore plus douloureuse au cours des prochaines semaines.