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Il se rendait au port de Béjaïa: Mystérieuse disparition d'un cargo

par M. S.

Cela ne se passe pas dans les eaux troubles de la Somalie mais dans les eaux très surveillées d'Europe et ce n'est pas un polar mais du vrai : l'«Arctic Sea», respectable cargo de 4.707 tonnes en lourd qui transportait du bois finlandais vers le port de Béjaïa.

Il devait arriver sur nos côtes le 3 août, mais il ne l'a jamais fait. Ce gros navire a disparu, littéralement volatilisé...

 Ce voyage de l'«Arctic Sea» - le dernier ? - a été particulièrement mouvementé. Le 24 juillet 2009, au large de la Suède, un groupe de «pirates», en réalité un véritable commando, a pris de force possession du cargo en faisant trois blessés parmi les quinze marins russes. Le commando, composé de huit à dix éléments armés et masqués, a procédé à une fouille minutieuse du cargo après avoir ligoté l'équipage. Les membres du commando, qui se seraient présentés comme des «policiers», ont gardé le contrôle du cargo pendant douze longues heures avant de le quitter, non sans prendre la précaution de détruire la radio. Les «pirates» n'auraient rien emporté avec eux.

 Un enquêteur de la police criminelle suédoise, Ingemar Isakson, a déclaré que les ravisseurs étaient introuvables et que la police «n'a aucune idée de l'endroit où ils ont bien pu se volatiliser». Tout cela ressemble bien à une opération très spéciale où l'évacuation rapide et discrète du commando a été préparée à l'avance.

 Le mystère s'est épaissi car, quatre jours ou cinq après l'attaque du commando, c'est le cargo qui s'est volatilisé à son tour. Certaines informations datent le dernier contact au 28 juillet 2009 au large du Portugal, mais la marine nationale de ce pays a indiqué que le navire «n'est pas et n'a jamais été dans les eaux portugaises». Les Espagnols ont fait savoir de leur côté que l'«Arctic Sea» n'est pas passé par le détroit de Gibraltar et ne se trouve donc pas en Méditerranée. La «disparition» pourrait bien avoir eu lieu plus au nord. Selon des médias britanniques, il y a eu un contact radio, le 29 juillet, entre un membre de l'équipage et les gardes-côtes britanniques au moment où le navire traversait la Manche.

 

Echange radio avec les gardes-côtes britanniques



 Un responsable des gardes-côtes de Douvres, Mark Clark, a expliqué qu'il y a eu un échange radio au moment où le navire venant de la mer du Nord se préparait à entrer dans la Manche. «Nous avons cru avoir parlé à un membre de l'équipage. Mais, bien entendu, il pourrait s'agir de quelqu'un qui avait une arme braquée sur la tête ou d'un pirate. Il n'y avait aucun moyen de le savoir à ce moment». Selon le garde-côtes, ce n'est que le lendemain, le 30 juillet, qu'ils ont reçu un avertissement d'Interpol indiquant que le navire avait été probablement détourné.

 La société finlandaise Solchart, propriétaire du cargo disparu, a demandé l'aide de la Russie dans la recherche du navire et de son équipage. Des bâtiments de guerre de la Flotte de la mer pourraient être associés aux recherches, a indiqué une source à l'état-major de la marine russe à l'agence Novosti. «Quatre bâtiments de guerre rattachés à la Flotte russe de la mer Noire font actuellement route dans la région de Gibraltar. Dans quelques jours, ils passeront au large des côtes portugaises. Il n'est pas exclu qu'ils reçoivent l'ordre d'explorer la région où le dernier échange de messages avec l'»Arctic Sea» a eu lieu», a déclaré cette source à l'agence.

 

Des éléments troublants



 Que s'est-il passé ? Le commando, qui semblait être reparti bredouille, est-il revenu à la charge ? Est-ce une opération diligentée par un service secret, comme cela en a l'air, ou bien une affaire de banditisme en haute mer ? Cette seconde hypothèse paraît très faible. La valeur de la cargaison de bois transportée est estimée à 1,85 million de dollars, ce qui paraît fort modeste au regard des risques encourus. Mais pourquoi des services secrets, occidentaux probablement, puisque cela se déroule dans leur zone, useraient-ils de moyens aussi compliqués pour aller vérifier une cargaison de bois envoyée de Finlande vers l'Algérie ? A moins que ce ne soit les services israéliens - qui disposent de solides relais dans ces pays - qui se sont mis à s'intéresser à ce qui était envoyé vers l'Algérie. Pas de la part des Finlandais, mais peut-être de Russie ? Les observateurs en sont réduits à spéculer sur plusieurs hypothèses.

 Il reste néanmoins très troublant qu'une telle opération de commando, suivie de la disparition de tout un navire, ait pu avoir lieu dans les eaux européennes si fortement protégées. Cela affaiblit considérablement l'hypothèse d'une opération diligentée par une quelconque mafia. Les éléments disponibles tendent à conforter la probabilité d'une barbouzerie dans les eaux européennes.