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Les statistiques chinoises seraient-elles frelatées ?

par Akram Belkaïd, Paris

 L’actualité économique est telle qu’une tendance ou une conviction peut en chasser une autre. C’est le cas de tout ce qui concerne la Chine. Hier, dans un élan presque unanime, experts et commentateurs saluaient les performances économiques de ce pays qui semble être l’un des rares à résister à la crise, grâce notamment à un plan de relance impressionnant. Mais le ton est en train de changer et les soupçons récurrents quant à la fiabilité des statistiques chinoises sont à nouveau à l’ordre du jour.

 

Des chiffres manipulés ?

 

 Partie des Etats-Unis, notamment de certains think-tank de droite, la mise en cause des chiffres de conjoncture chinoise a fait le tour de la planète. Pareille attaque est peu surprenante quand on sait à quel point la Chine effraie ses concurrents, mais il ne faut pas la réduire à une simple manoeuvre idéologique, car il y a vraiment matière à s’étonner.

 Ainsi, en matière de produit intérieur brut (PIB), l’agrégation des chiffres séparément publiés par les 31 provinces chinoises ne correspond pas au chiffre national publié en juillet. Et ce n’est pas tout. Ici et là, y compris dans la presse locale, des informations font état de données délibérément gonflées par les provinces afin de tenir les objectifs assignés par le gouvernement central de Pékin (une croissance supérieure à 8% pour 2009). Pour conserver leur poste, certains responsables économiques régionaux auraient donc tendance à maquiller les statistiques. D’autres inventeraient des procédés destinés à gonfler de manière artificielle le PIB de leur région. Exemple : un pont est construit, détruit puis reconstruit. Les trois phases contribuent à chaque fois au PIB même si, au final, il n’y a qu’un seul pont. De même, certaines provinces ont lancé des projets d’infrastructure qui n’ont fait l’objet d’aucune étude préalable et cela juste pour doper l’activité.

 Outre ces distorsions, les experts étrangers relèvent d’autres incohérences. Depuis le début de l’année, le PIB chinois a progressé, en rythme annuel, de 6,1% au premier trimestre et de 7,9% au second, alors que la demande chinoise en pétrole a reculé de 3,5%, cela sans compter une production électrique qui, dans certaines provinces, a chuté de plus de 20%. L’économie chinoise n’ayant pu réaliser autant de progrès en si peu de temps en matière d’efficacité énergétique, la conclusion est alors évidente : les chiffres de croissance sont gonflés.

 Et à cela s’ajoutent les doutes à propos de l’efficacité réelle du plan de relance, ce dernier étant accusé d’entretenir des activités spéculatives. Selon l’économiste vedette Andy Xie, la Chine connaît actuellement une bulle immobilière qui fait que les actifs de ce secteur sont surévalués de 50 à 100%. Et de mettre en garde contre les conséquences sociales de l’inévitable éclatement de cette bulle.

 

Un appareil statistique décrié

 

 Pour enfoncer le clou, nombreux sont les économistes qui s’interrogent sur la célérité avec laquelle Pékin publie ses statistiques, à commencer par le chiffre du PIB, rendu public moins de quinze jours après la fin du trimestre. Une performance dont aucun autre pays, pas même les Etats-Unis, ne peut se targuer.

 Pour se défendre, Pékin réplique que son Bureau national des statistiques (BNS) emploie pas moins de 100.000 ( !) statisticiens et que des efforts permanents sont déployés pour améliorer l’efficacité et la fiabilité de cet organisme. Une ligne de défense fragile, qui démontre néanmoins que le gouvernement chinois a bien compris que seul un appareil statistique fiable et rigoureux donnera la crédibilité nécessaire à ses chiffres de conjoncture.