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Béni Saf: Un cirque pas comme les autres

par Mohamed Bensafi

Grâce à un concours de «Horizon Béni Saf», une association qui porte bien son nom, basée à Lyon en France et très présente en Belgique, un grand projet est en train de se dessiner à Béni Saf.

Le projet, qui s'appelle handicirque, est un atelier de cirque pour handicapés. Les choses ont commencé en octobre dernier, quand «Horizon Béni Saf», conduite par son vice-président M. Mustapha Amrani, un Bénisafien de souche, avait fait venir à Béni Saf une ancienne collaboratrice de l'école du cirque de Bruxelles (Delphine Tollet) dans le but de sensibiliser le grand public que le cirque est, pour les handicapés, un outil ou un moyen d'épanouissement. Le projet, qui se monte en partenariat avec l'association des déficients mentaux Sidi Boucif de Béni Saf, sera réalisé avec la collaboration du cirque de Bruxelles qui apportera la touche essentielle, la formation des animateurs. Ainsi, et profitant de son séjour à Béni Saf, Mustapha Amrani a animé ce dimanche une soirée cinématographique consacrée entièrement à ce sujet. Une soirée qui s'est déroulée en plein air dans l'immense cour du centre des déficients mentaux, sis à la plage du Puits, et à laquelle s'est jointe une pléiade d'invités bien intentionnés.

 Au programme, deux projections de films, un premier sur le cirque du soleil, un spectacle (l'un des meilleurs paraît-il) intitulé Alegria. Un spectacle consacré au cirque théâtre. En avant-première, l'animateur a incorporé une bande de 6 mn, tirée d'un spectacle donné par des handicapés (des mongoliens). Le spectacle, qui est en lui-même un chef-d'oeuvre, montre comment et combien une poignée d'handicapés a réussi à mettre en scène un spectacle de cirque. La réalité est bien là. Après 3 années de travail, à raison d'une heure par jour, faite de répétitions surtout, ces handicapés-artistes ont réussi à monter un cirque et jouer sans complexe sous un grand chapiteau devant des spectateurs ébahis, qui étaient la plupart du temps debout pour les applaudir. Echasses, ballons, barres parallèles, barres fixes, acrobaties, jongleries, tracs, pleurs, rires, joies, encouragements, solidarité, sueurs... tous ces mots ont été solidement mis en ensemble. Dire encore que le cirque, intitulé «Ma boule», a déjà parcouru plusieurs routes d'Europe. Un vrai régal pour les yeux. Comme gens invalides, ils n'ont rien à envier aux gens du Plus Grand Cabaret du monde proposé par Patrick Sébastien. «L'idée est venue, avait expliqué à l'époque Tollet, en 1993, parce que la philosophie de l'école du cirque est de démocratiser (vulgariser) les arts du cirque et montrer que tout le monde peut avoir accès aux différentes techniques du cirque, tout le monde est capable parce qu'on est convaincus que c'est un très bel outil d'expression, comme il y a beaucoup de techniques différentes, chacun dans un rôle de cirque y trouve son épanouissement, soit on jongle, soit on fait du théâtre, soit on fait de la danse, soit on fait du trapèze et forcément tout le monde y trouve quelque chose de magique, avec son corps ou son avis de s'exprimer quelque chose».

 En 2e partie de la soirée, un documentaire qui traite la problématique de l'environnement, «Home», un film réalisé par Yann Arthus-Bertrand. Pour Amrani, le but essentiel de la soirée est de faire «un peu de pub» autour de ce projet qui est l'école de cirque de Béni Saf. Selon notre interlocuteur, un dossier a été déposé au niveau de la commune de Bruxelles. Cette dernière, qui subside le cirque de Bruxelles, devra donner son accord après que l'Union européenne eut adopté son financement. Le projet a été évalué à 28.000 euros. Le cirque de Bruxelles sera chargé du volet formation. Une première promotion de 14 animateurs devra prendre part à cette formation qui sera encadrée par des experts du cirque de Bruxelles. C'est un cycle de 3 mois de formation qui devra se dérouler à Béni Saf, à la maison des jeunes et de la culture. «Au départ, a encore expliqué Amrani, on a ciblé des associations qui ont une relation avec l'enfant handicapé. C'est l'association Sidi Boucif qui a été chargée de prendre attache avec quelques-unes de la région (Aïn Témouchent, Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, El-Bayadh et Tiaret).

 Une fois formés, les animateurs seront appelés à démultiplier le savoir-faire en direction d'autres membres et de former des handicapés. La population ciblée, des membres de l'association ayant un niveau universitaire avec à la base une formation spécialisée (psychologie, para-clinique...). Enfin, le cirque est non seulement aujourd'hui un outil d'épanouissement mais aussi un métier attachant dans une industrie qui marche bien et qui offre des débouchés fort demandés sur le marché de l'emploi. L'handicirque, quant à lui, s'adresse à cette population bien définie, les handicapés, qu'il aide à sortir de leur handicap psychologique mais aussi d'apprendre un métier et devenir indépendant financièrement. Cependant pour la pérennité de l'action, les pouvoirs publics du moins le département concerné (la Solidarité, en principe) devront fort bien s'impliquer, en réservant par exemple aux futurs premiers diplômés du cirque pour handicapés un poste permanent.