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Annaba: Les producteurs de tomates voient rouge

par Hocine Kedadria

Pas moins de 12 fellahs de la wilaya d'Annaba viennent de se regrouper à El-Hadjar, en vue de se concerter sur les actions à entreprendre dans le but d'attirer l'attention des autorités locales sur le devenir de leurs récoltes. Le débat était houleux et la crainte très perceptible sur les visages des uns et des autres. La discussion donnait parfois libre cours à la colère. Hadj Abdelkader, qui semble mener le groupe, nous a dit que des milliers d'hectares de terres arables réservées à la culture de la tomate industrielle sont désormais laissés en jachères, causant de lourdes pertes aux fellahs des wilayas d'Annaba, de Skikda et d'El-Tarf. La culture de la tomate industrielle, qui autrefois faisait la joie des habitants de toute la région de par les milliers d'emplois qu'elle créait, à savoir 142.000 en amont et en aval, est aujourd'hui une source de problèmes continus. «Nous ne savons plus à qui nous adresser. La culture de la tomate dans notre région est appelée à disparaître laissant désormais le monopole aux importateurs qui dictent leurs lois en favorisant les produits tunisiens, turques et italiens au détriment de la production locale», nous a dit Hadj Abdelkader en nous invitant à aller voir les étalages de tous les magasins de toutes les villes d'Algérie et en s'interrogeant sur le devenir de ses 400 hectares sur les 27.000 qui totalisent les terres réservées à cette récolte dans la région. «Ce n'est pas la production de la tomate qui nous dérange ou qui nous fait peur, mais c'est sa commercialisation qui s'érige aujourd'hui comme obstacles à nos yeux. Nous ne trouvons plus preneurs et toutes les usines sont fermées, a ajouté notre interlocuteur. Contacté par nos soins, un des conserveurs de tomate de la région, qui a préféré garder l'anonymat, nous a fait savoir que notre pays qui produisait autrefois 160.000 tonnes de double concentré de tomate ne produit aujourd'hui que 40.000 tonnes soit un manque à gagner de 120.000 tonnes. Les besoins du pays sont estimés actuellement à 90.000 tonnes. «Si nous arrivons à atteindre notre vitesse de croisière, nous rélèverons le défi de l'exportation et nous allégerons à coup sûr la facture alimentaire», nous a encore dit notre interlocuteur qui met en évidence les prix de la tomate fraîche qui, lui a atteint ces jours-ci les 100 dinars en attendant des jours meilleurs du mois de Ramadan. Selon Hadj Abdelkader, la situation actuelle favorise énormément la concurrence qui ne fait que doubler sa production et tirer d'énormes bénéfices du marché algérien rendu vierge de par la chute vertigineuse de sa production. Les fellahs, nous a-t-il dit, couvent une incertitude totale quant à la relance de la production et se souviennent encore de l'année 2002 où toute une récolte avait été jetée et détruite au alentours de l'aéroport Rabah Bitat. Fini l'image de ces centaines de tracteurs agricoles qui sillonnaient les différents champs pour la collecte et le dépôt de la tomate au niveau des usines, où l'on rencontraient le plus souvent d'énormes chaînes de véhicules qui attendaient les déchargements. Des milliers de jeunes étaient alors occupés aux cueillettes de ce produit qui faisait autrefois la joie des ménages et procurait des revenus. Sur l'arrêt des usines, notre interlocuteur nous a relaté les difficultés rencontrées par ces opérateurs qui, selon lui, ne désarment pas pour trouver une solution qui sied à tout le monde. «Les banques ne nous aident pas. Aujourd'hui, sur les 22 usines implantées à travers le territoire national, 3 seulement sont en activité et quelle activité ! On nous imposait durant les années 1990 des taux d'intérêt de l'ordre de 24 % en plus du phénomène de la perte de change qui avait été effacée pour le secteur public sans que l'action n'en soit étalée au secteur privé. En plus les banques ne nous ont pas accompagnés avec des crédits de campagne, malgré l'existence de garantie qui se formalise par un prix minimum de 200 milliards de centimes pour chaque usine, nous a encore expliqué» notre interlocuteur qui soutient toute action des fellahs allant dans le sens d'une véritable préoccupation économique profitable au pays. Ce dernier au même titre que les fellahs regrettent la situation à laquelle est arrivée le secteur et déplore l'absence d'interlocuteur valable à même de leur assurer une solution vitale pour cette activité, qui s'entoure désormais de phénomènes destructeurs tels, entre autres, l'inondation du marché de produits étrangers et l'absence d'encouragement pour la relance de la filière locale. Les capacités nominales des usines installées sont à même de submerger le marché national et s'installer en exportateur du produit en quantité et en qualité défiant toute concurrence, pour peu que l'on accorde si peu de crédits aux opérateurs et fournisseurs de la matière première, par la mobilisation des efforts pour trouver une solution aux problèmes que traînent les conserveurs dans leur aspect pertes de change, relèvement des concours bancaires au niveau des besoins réels de l'exploitation engendrée par les capacités installées à l'exemple de ce qui se fait en Tunisie qui compte pas moins de 60 unités de transformation de la tomate. A l'heure où nous mettons sous presse, la problématique demeure posée et des tractations sont en train de se faire dans le but d'une action commune, fellahs-conserveurs. On parle pour l'instant de prise de contact en vue d'une coordination des efforts pour alerter les autorités nationales sur le danger qui menace l'extinction d'une filière aussi porteuse que celle de la tomate industrielle, dont la transformation est fortement demandée par les ménages.