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2ème édition du Festival panafricain: sons, couleurs...et «canicule»

par Ghania Oukazi

C'est aux sons, et avec des couleurs africaines magnifiquement bien agencées, que le deuxième Festival panafricain a été officiellement ouvert, dimanche dernier, à la Coupole Mohamed Boudiaf du Complexe olympique du 5 Juillet.

Il était 19h, quand le président de la Commission de l'Union africaine a pris la parole pour marquer le moment de l'inauguration du festival. «Le panaf ne pouvait être organisé qu'ici à Alger, pour relever la gageure quarante ans après», avait-il souligné en qualifiant cette grandiose manifestation de «véritable hymne de la libération du continent qui se tient dans une conjoncture de lutte pour le développement». Il signalera aussi qu'en 1969, date de l'organisation du premier Festival panafricain à Alger, était née un peu avant «il y a 46 ans» l'Organisation de l'unité africaine (OUA) «sous le signe de la renaissance africaine avec une Afrique totalement libérée». Pour l'orateur, aujourd'hui, «ce sont d'autres combats que doit mener l'Afrique, celui du développement et de l'unité dans une situation de crise mondiale et une mondialisation qui nous a tous changés ». Le président de la Commission de l'UA avait fait savoir que l'Algérie et l'Afrique du Sud se sont engagées récemment à soutenir la coproduction du cinéma africain. «Je sais qu'ils feront des émules parmi les autres Etats africains», avait-il lancé.

Le président de la Commission de l'UA s'adressait à une salle comble où était présentes les différentes délégations des pays africains, parties prenantes du Panaf, mais aussi des corps diplomatiques notamment africains accrédités à Alger. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et quelques membres du gouvernement comme Medelci, Sellal, Messahal, Cherif Abbas, étaient eux aussi présents. Il faisait une chaleur torride au sein de la salle. Les gens suffoquaient presque. Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, avait lu un long discours au nom du président de la République jusqu'à se faire siffler par l'assistance qui s'impatientait de voir le spectacle au sortir d'une salle étouffante. Un Belkhadem qui en plus s'était étalé longuement sur l'histoire de l'Afrique dans tous ses revers avec des références politiques, sociales et même anthropologiques que l'assistance n'était pas en mesure d'apprécier. A plusieurs reprises, Belkhadem se fait siffler par les nombreux jeunes venus plutôt voir un spectacle qui s'annonçait, de part le décor de la salle, assez intéressant sur le plan artistique.

Trois longs quarts d'heure après, Belkhadem cède la place à la beauté de l'acte artistique. La scène voit ses lumières s'éteindre pour ne laisser illuminer que celles qui dessinaient l'Afrique et vers laquelle s'avançait un goual, un homme qui racontait le continent en tenant un enfant par la main, signe de l'espoir et de la vie. Une troupe africaine fait son entrée sur scène en dansant africain. L'on déplore au passage le fait que les organisateurs du festival n'ont pas eu la présence d'esprit de distribuer un dépliant sur lequel on aurait compris qui se produisait sur scène et de quel pays venaient les différentes troupes artistiques. Sur une autre aile de la scène, d'autres danseurs se produisaient en même temps toujours en tenue purement africaine et sur des sons bien africains.



Warda, Evora et la belle Makeba



Au fur et à mesure que les troupes défilaient, tout au tour de la salle étaient déployés des images, des portraits ou des slogans racontant eux aussi l'Afrique. La 4è troupe de chant et de danse était bien de chez nous. Les Touaregs ont exécuté une danse sous les sons et aires musicaux du grand Hoggar. La période coloniale est représentée par des hommes en uniforme blanc (l'homme blanc colonisateur) sur fond de scènes d'esclavage terrifiantes. L'Afrique crie sa douleur, se meurt, se déchire. Elle est enchaînée, fouettée sous les yeux indifférents de populations drapées de costumes du 19è siècle. Isabelle Adjani, l'actrice française fait son entrée pour raconter l'Afrique colonisée. Derrière, tout autour de la salle défilaient des images de la colonisation française de l'Algérie et d'autres pays africains. Les lumières s'éteignaient et se rallumaient, changer de couleurs au rythme des événements tragiques vécus par l'Afrique tout au long de l'Histoire. Sur l'autre bout de scène, deux hommes en smoking dansaient les claquettes, pour être suivis par d'autres, hommes et femmes dans des music halls ou dansant le rock. C'était les sixties aux Etats-Unis où l'homme noir avait occupé la scène artistique américaine en manipulant sin ballet, symbole de la mauvaise condition de vie des Afro-américains. Le spectacle des claquettes était sublime. Warda El Djazaïra entre au bras de deux jeunes hommes pour chanter une douce chanson d'amour. Bien qu'elle l'ait fait en play back, elle le fera avec une grande beauté. Et c'est l'Afrique du Nord qui se présentera au public avec des différentes tenues traditionnelles des pays de la région. Césaria Evora viendra elle en costume de ville, un ensemble noir et blanc, mais sa voix aura un effet ensorcelant sur les foules qui l'applaudissent fortement comme elles l'ont fait pour Warda. Des paillettes, des strass, des tissus très colorés que portaient les danseurs sur scène ont rajouté au décor beauté et élégance. Youssou N'Dour fera le même effet.



Chachra Laâbine El-Baroud fait sensation



La scène s'assombrit pour ne laisser briller que des torches portées par des hommes costauds. De merveilleux sons musicaux sont exécutés par l'orchestre qui s'est fait très discret. Sera interprétée à ce moment une chanson de Meriem Makeba qui fera danser tout le monde. Les jeunes et moins jeunes sur les gradins se sont mis debout pour danser. Les ambassadeurs, à la tribune officielle debout eux aussi, ont dansé au rythme de la plus belle chanteuse africaine qu'était Makeba. Nos ministres, plus discrets ou tenus par le devoir de réserve, ont quand même tenu le rythme de la chanson en tapant dans les mains. Tout autour défilaient des images africaines mais aussi des termes comme Commerce, Gaz, Investissements, démocratie... Warda revient avec « Haramt Ahebek », une chanson pas du tout de circonstances mais qui a fait bougé toute la salle qui avait oublié qu'elle suffoquait sous des effluves pas très agréables en ces temps de canicule. Warda chantera - toujours en play back - au bras d'un jeune homme qui exécutait de merveilleux pas de danse. Larbi Bida était le dernier chanteur à se produire sur la scène inaugurale de cette 2è édition du Panaf. Accompagné d'une petite fille habillé en tenue kabyle et d'un jeune homme jouant à une sorte de derbouka, Larbi Bida entonnera «Chachra Laâbine El-Baroud» avec un rythme de fête absolue. Un défilé de mode africain viendra animer la scène avec la production de tenues élégantes et raffinées. Au milieu de la scène, des trapézistes faisaient leur numéro. Bida lâche son micro et fait vibrer la salle au son de la batterie qu'il exécutera en personne. Décidément, «Chachra Laâbine El-Baroud» ont fait sensation. Le corps diplomatique accrédité à Alger n'a pas arrêté de danser, la salle aussi. Et nos ministres tapaient toujours dans les mains au rythme merveilleux du splendide Essaf, la légendaire danse de Maghnia. Toute l'Afrique se produira à cet instant sur scène, avec toutes ses couleurs et ses tenues traditionnelles des différents pays participants. Il est 21h 10. La salle chauffe terriblement. Le rythme s'endiable de plus en plus. Chachra termine leur show. Un spectacle fabuleux, oeuvre du chorégraphe Kamel Ouali.