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Apurement des dettes ou augmentation du capital: De l'argent pour les entreprises publiques

par M. Saâdoune

De l'argent va être donné aux entreprises publiques sous forme d'apurement de la dette ou d'augmentation du capital.

Cela s'est déjà fait par le passé, sans grand résultat...

La chute des recettes pétrolières et le gonflement de la facture des importations ont amené le gouvernement à «redécouvrir» que des entreprises publiques gardaient de beaux restes et qu'elles pouvaient être relancées. La déception à l'égard des IDE, insignifiants en dehors du secteur des hydrocarbures, aura fait le reste. La «tendance» est donc de relancer les entreprises publiques qui «disposent d'un marché et de capacités de production», selon la formulation d'Ahmed Ouyahia. Les entreprises publiques objet de ces nouvelles attentions sont à peu près connues: Saïdal, pour la pharmacie, la SNTF, la SNVI et le Complexe moteurs tracteurs (CMT), pour l'industrie mécanique.

Cette «réorientation» en direction des entreprises publiques a trouvé une application concrète avec les contrats de plus de 40 milliards DA passés par le ministère de l'Intérieur avec des entreprises publiques. La Société nationale des véhicules industriels (SNVI) a ainsi reçu une commande substantielle de 2 870 camions destinés à la collecte des ordures ménagères et 300 minicars de transports scolaires. L'Entreprise nationale de matériels de travaux publics (ENMTP) a également reçu une commande importante. «Il est temps de booster les entreprises publiques qui disposent d'un marché et de capacités de production», avait déclaré le Premier ministre. Jeudi, le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, a donné des indications sur la manière de traduire en acte ces attentions nouvelles en direction des entreprises publiques.



Il était une fois «l'assainissement» des EPE



L'Etat, a-t-il annoncé, s'apprête à concrétiser un programme de soutien financier au profit de plusieurs entreprises publiques par l'augmentation de leurs capitaux ou à l'achat de leurs dettes. Les entreprises qui doivent en profiter activent pour la plupart «dans les transports aérien et ferroviaire et dans l'agriculture». On l'aura deviné, au moins pour les transports, Air Algérie et SNTF sont concernés. Pour l'agriculture, le Complexe moteurs tracteurs de Constantine, qui connaît des problèmes financiers, devrait bénéficier de ce souci gouvernemental de «booster» les entreprises publiques. Le complexe CMT doit être restructuré avec la création de deux entreprises, l'un pour les moteurs et l'autre pour le montage des tracteurs.

Toutes les entreprises touchées par ce programme «jouissent de grandes potentialités et d'un poids certain sur le marché national», a indiqué le ministre des Finances. Ce soutien financier, par apurement des dettes ou l'augmentation du capital des entreprises, signifie une nouvelle injection de fonds à partir du Trésor public. La démarche n'a rien de nouveau dans l'histoire économique du pays où des programmes «d'assainissement» des entreprises publiques ont englouti beaucoup d'argent pour des résultats peu probants. Certes, il n'y a rien d'hérétique à ce que l'Etat vienne à la rescousse de ce qui reste d'entreprises publiques pour en faire la base de sa «stratégie industrielle». Sauf que celle-ci reste fort imprécise.



Où est la «ligne» ?



En mars dernier, le Premier ministre avait qualifié méchamment la «stratégie industrielle» d'Abdelhamid Temmar de «propagande» qui n'a jamais été adoptée en Conseil des ministres. Il avait annoncé que la stratégie industrielle devrait être recadrée par le «plan de charge» et que les secteurs «sélectifs» en Algérie sont le bâtiment, les travaux publics, ferroviaire, mécanique et le médicament. Il avait annoncé également que des mesures allaient être mises en oeuvre pour la modernisation des entreprises publiques viables dans les secteurs du bâtiment, des travaux publics, de l'agriculture et de l'hydraulique.

Le discours n'est pas nouveau. Beaucoup d'argent a été dépensé en pure perte dans «l'assainissement» des entreprises publiques. Tout dépend, pour éviter d'entrer dans la logique du tonneau des Danaïdes, de l'établissement d'un véritable diagnostic de l'état du secteur industriel national. Un problème structurel (management, produits non adaptés, obsolescence des équipements...) nécessite une réponse structurelle. La politique économique du gouvernement ne brille pas par son évidence. On ne voit pas vraiment de ligne mis à part l'objectif proclamé de la réduction des importations.

Cela est fort louable. Mais pour nombre d'économistes, il n'y pas de lien évident ou mécanique entre une nouvelle allocation de ressources financières pour les entreprises publiques et l'objectif de réduction des importations. «Comment réaliser des synergies public-privé et intersectorielles» devrait être une des directions de la réflexion. Il est difficile pour le moment, estiment certains économistes, de déceler une stratégie quand le gouvernement semble réagir par impulsions successives avec des poussées de fièvre réglementaire et de recours au Trésor. Comme si l'on passait d'un libéralisme approximatif à une sorte de néo-dirigisme qui ne s'assume pas encore.