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La Chine, challenger des Etats-Unis

par Akram Belkaïd, Paris

On pensait que l’événement ne se produirait qu’en 2012 voire en 2015 mais, comme c’est parfois le cas, l’Histoire s’est accélérée. A la fin de l’année, la Chine devrait ravir au Japon le titre de deuxième économie mondiale. Après avoir dépassé l’Italie, la France, la Grande-Bretagne puis l’Allemagne, l’Empire du Milieu s’apprête donc à se parer de la tenue de challenger des Etats-Unis, lesquels possèdent (toujours) la première économie du monde avec un Produit intérieur brut (PIB) annuel de l’ordre de 14.000 milliards de dollars (estimation basse pour 2009 en tenant compte des effets de la crise financière). De son côté, la Chine produirait cette année pour plus de 5.000 milliards de dollars de richesses, tandis que le PIB annuel du Japon passerait sous les 4.900 milliards de dollars.

 

Une évolution structurelle

 

Ce changement dans la hiérarchie mondiale n’est pas une surprise y compris au Japon où, l’orgueil national ne risque pas trop de souffrir de ce dépassement même si il y a fort à parier que le gouvernement chinois va pavoiser en vantant les mérites de son modèle économique. Alors que l’économie nippone s’apprête à enregistrer une récession forte, le PIB diminuant de 6 %, son homologue chinoise progressera d’au moins 5 % voire de 7 % selon les projections les plus optimistes. Voilà une raison «mécanique» qui explique déjà la modification dans la hiérarchie des grandes puissances économiques mondiales. Mais ce changement est tout sauf conjoncturel. L’émergence de la Chine en tant que dauphin des Etats-Unis s’inscrit dans une tendance lourde détectée dès le début des années 2000, à l’époque où ce pays pointait encore en huitième position. En devenant l’atelier du monde, puis en attirant des délocalisations à plus forte valeur ajoutée - on pense notamment à la production d’Airbus dont les deux premiers modèles «made in China» viennent d’être livrés - la Chine s’est peu à peu imposée à ses compétiteurs.

Il reste maintenant à savoir comment le Japon va réagir à cette perte de rang. Pour l’heure, les officiels japonais préfèrent ne pas céder au réflexe immédiat de tout pays qui voit sa compétitivité s’éroder et dont la réaction est de recourir au protectionnisme. Et ce n’est pas par adhésion idéologique au libre-échange mais bien parce que le Japon a tout à perdre d’un bras de fer commercial avec son voisin. Il faut en effet comprendre que le marché chinois est désormais aussi important que celui des Etats-Unis pour les exportateurs japonais. En 2009, 17 % des ventes «made in Japan» à l’étranger seront écoulées en Chine contre 17,5 % sur le marché américain. Et, là aussi, la situation évolue puisque la Chine devrait être le principal client du Japon dès 2011. Il s’agira alors de l’aboutissement d’un long processus, entamé dès le milieu des années 1980, où Tokyo, conscient de l’importance d’une stratégie régionale de développement, a favorisé la montée en puissance de la demande chinoise. De fait, le Japon est peut-être numéro trois de l’économie mondiale mais avec ses deux principaux clients que sont les Etats-Unis et la Chine, il peut scruter l’avenir avec confiance.

 

Quel dialogue politique ?

 

Toutefois, cette inversion du rapport de force entre la Chine et le Japon recèle en elle-même quelques interrogations. La plus importante concerne la manière dont les deux pays vont accompagner ce changement sur le plan politique. On le sait, les tensions entre Pékin et Tokyo sont récurrentes et il n’existe pas de dialogue stratégique entre les deux pays, contrairement à la relation sino-américaine. Si, d’aventure, la Chine et le Japon ne placent pas leurs relations bilatérales dans un cadre plus ambitieux qu’il ne l’est actuellement, cela pourrait constituer un facteur de désordre dans leurs échanges économiques.