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Législatives: Un parti pour le frère du Président ?

par Ghania Oukazi

La scène politique nationale risque de connaître des bouleversements par la création d'un nouveau parti en prévision, en premier, des élections législatives de 2012.

Si de nombreuses voix relèvent, certes en sourdine, que le pays est en panne notamment depuis l'élection présidentielle du 9 avril dernier, d'autres, sûres d'elles, font part de contacts intenses pour la création d'un nouveau parti politique. Contacts que l'on dit entamés depuis quelque temps par Saïd Bouteflika auprès de ce qu'on appelle la société civile ou alors les notables des différentes régions du pays. Il s'agit, en fait, d'échos qu'on reçoit notamment en provenance des villes de l'ouest, du sud-ouest et du sud du pays. Oran, Tlemcen, Adrar, Bechar, Laghouat, Biskra, entre autres, sont celles où, nous dit-on, les contacts sont entrepris d'une manière sérieuse et soutenue.

Saïd Bouteflika est, faut-il le dire, le frère le plus actif et le plus en vue du chef de l'Etat. Il l'a été depuis que Abdelaziz Bouteflika a pris les rênes du pays. Il semble avoir ainsi décidé de vouer le restant de sa vie à la gestion du pouvoir puisqu'on lui reconnaît depuis 1999 qu'il est pratiquement à l'origine des grandes décisions. C'est ce qui résonne même à l'extérieur du pays. L'on se rappelle ce directeur d'un grand journal d'un pays du Golfe qui avait mis en avant la personne de Saïd pour, nous avait-il dit, pouvoir décrocher une autorisation pour l'ouverture d'une ligne aérienne entre son pays et l'Algérie. «On me dit que toutes les décisions passent par Saïd Bouteflika», nous avait-il confié en marge d'un sommet de l'OTAN qui se tenait à Riga, en Lettonie. Les chancelleries accréditées à Alger en parlent souvent sous cet angle à ceux qui tentent de comprendre comment sont gérées les affaires de l'Etat.

Il faut reconnaître à Saïd Bouteflika une ambition folle de paraître comme tel aux yeux de tout le monde. Il ne s'en est jamais caché. Durant la campagne électorale pour la présidentielle du 9 avril dernier, le jeune frère était constamment en avant. Il veillait au grain. Il vérifiait tout, des portraits, aux banderoles, aux installations sonores, aux agissements des éléments de la sécurité présidentielle qu'il rappelait à l'ordre à chaque fois qu'il le jugeait utile. Il a réussi ainsi à organiser une campagne électorale de bout en bout.



Un parti qui ressemblerait au RND

 

Et là où Saïd Bouteflika pensait que les choses pouvaient se corser ou aller à contresens de l'ordre établi, il se déplaçait la veille, y passait la nuit pour en filtrer le moindre signal. Il l'avait fait à Tizi Ouzou et à Béjaïa. Il est connu dans toutes les régions du pays. Les foules l'acclament par son nom. Sourire aux lèvres, il ne se privait pas de s'en approcher. Il ne refusait aucune sollicitation. Nous l'avions même vu écouter ceux des petites gens qui lui exposaient leurs problèmes. Futé qu'il semble l'être, Saïd Bouteflika pense certainement ne pas se priver de «cette aura» en la transformant en une assise populaire pour s'assurer des lendemains politiques prometteurs.

Si le «grand frère» n'avait pas estimé nécessaire de créer son propre parti pour briguer plusieurs mandats présidentiels, c'est en évidence parce qu'il a été de «la maison» depuis son très jeune âge. A son arrivée à El Mouradia, il connaissait déjà parfaitement les rouages des pouvoirs existants, aussi complexes qu'ils l'ont été et aussi puissants qu'ils ont pu paraître. D'ailleurs, pour y apporter des changements, il lui a fallu dépasser de beaucoup le temps d'un premier quinquennat. Et encore ! A en croire des milieux qui ont déjà été contactés à cet effet, le parti que Saïd Bouteflika voudrait créer, ressemblerait au RND au moment où il a été conçu par le pouvoir. C'était au temps où Liamine Zeroual était président de la République avec comme «homme de main» Mohamed Betchine. Le RND fut alors créé à la mesure des ambitions de ce cercle qui s'était largement appuyé sur l'UGTA tout autant d'ailleurs que sur le gouvernement Ouyahia de l'époque dont les ministres avaient été retenus comme premiers «militants». Ils l'ont été pour être en 1997 les exigés gagnants de sa première victoire électorale forcée. L'on se rappelle en effet que l'équipe gouvernementale d'alors, gérée comme aujourd'hui par le même Ahmed Ouyahia, avait été recyclée en base de ce nouveau parti.

Les ministres l'ont été en grande partie, excepté deux ou trois d'entre eux qui ne s'inscrivaient peut-être pas dans le cadre tracé pour de pareilles missions comme ça a été le cas pour Abdesselem Bouchouareb qui, pourtant aujourd'hui, en a été parfaitement adapté.



L'amnistie générale et la donne islamiste

 

L'histoire semble se refaire, peut-être pas forcément avec les mêmes hommes mais en tout cas avec les mêmes pratiques et pour la pérennisation d'un même système politique qu'on dit pourtant finissant. Un nouveau parti est donné pour naître sous les auspices d'un homme, Abdelaziz, l'aîné de la famille Bouteflika, dont le présent politique devrait, à entendre les milieux contactés, définir l'avenir du plus jeune, Saïd Bouteflika. Le parti qu'on lui prête de créer serait l'instrument qui lui servirait de tremplin «légal» pour remplacer son frère au poste de président de la République.

Le RND a bien été depuis toujours cet instrument pour rééquilibrer le paysage politique ou prévenir d'éventuelles défaites de la classe dirigeante. Il peut même être bousculé à son tour lorsqu'il donne l'air de prendre de l'ampleur outre mesure. Entre les différentes gestations que vivent respectivement le RND, le FLN ou les autres partis existants, il y a toujours une histoire de pouvoir qui se régénère. Les remous que vit actuellement le MSP ne sont pas pour démentir ces raisons. Les règlements de compte et les tiraillements provoqués par personnes interposées au sein des personnels politiques, de leurs acolytes et même de leurs proches courtisans, dont une partie apparaît ces derniers temps, au grand jour, ne le sont pas non plus.

Les prochaines législatives sont prévues légalement en 2012. A moins de faits inattendus, il n'est pas dit qu'elles peuvent être anticipées pour des raisons évidentes de préparation du terrain politique mais aussi et surtout pour son assainissement, son déblaiement et sa réorientation vers les caps fixés. Il faut croire que tout est possible dans un pays qui sombre d'une manière flagrante et sans retenue dans le clientélisme, le régionalisme, l'affairisme et l'opportunisme. Tout autant que le champ politique, celui médiatique risque selon certaines sources, lui aussi, de subir d'importants bouleversements en prévision des échéances à venir. L'amnistie générale que le chef de l'Etat veut mettre en oeuvre au profit des islamistes viendrait, selon les mêmes sources, comme appoint décisif pour asseoir une nouvelle tendance politique où la donne islamiste serait, nous dit-on, «gérée comme il se doit».