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La nouvelle génération et la politique

par Yazid Haddar

«Si rien ne se fait sans les Hommes, rien ne dure sans les Institutions.»André Vanchez.



500. 000 est le chiffre des compétences algériens à l'étranger, dont 120. 000 ont quitté le territoire national depuis le début de cette année. Parmi ces Algériens, j'ai rencontré la semaine dernière trois amis qui ont en moyenne 33 ans et qui ont fait des études universitaire dans des domaines divers en Algérie. A souligner qu'ils sont de la première génération de « l'école fondamentale ». Tout au long de notre discussion, nous avons abordé diverses questions que tout Algérien peut se poser. Unanimement, ils constatent que l'Algérie est en phase de perdition et que ses institutions existantes vieillissent comme ses dirigeants et enfin ils s'interrogent sur le « que doit-on faire » ?

Selon Saïd, la solution se trouve dans un système fédéral à l'américaine ou selon le modèle allemand. Vu que la culture des Algériens est dominée par le comportement de jalousie et/ou d'imitation. « Je vais faire comme mon voisin, mon cousin, bref comme toute personne qui a réussie ». Un système fédéral pourrait renforcer la compétition entre les différentes régions et donnerait davantage d'autonomie sur le plan administratif et financier pour mieux gérer et contrôler les ressources financières et sortir de la dépendance au pétrole.

Ce qui veut dire décentraliser l'administration, ce que font actuellement certains pays européens comme la France et l'Espagne. Ce système fédéral permettrait à chaque région de garder sa spécificité et/ou son identité culturelle et les problèmes du quotidien seraient traités par des lois réglementées et légiférées au niveau local et non au niveau national. Ainsi l'administration centrale, au niveau national, s'occuperait des problèmes d'ordre national et international.

Contrairement à Saïd, Djamel pense que le travail de l'indépendance de l'Algérie n'est pas encore fini. Car, selon lui, à force de mettre à l'écart les vrais problèmes qui sont souvent d'ordre identitaire, falsification de l'histoire pour l'accaparer et l'occulter et d'autres problèmes d'ordre politique, l'Algérie s'enfonce encore dans la violence. Aucun projet ne peut aboutir si ces problèmes ne sont pas traités, un débat national s'impose pour aboutir à une vraie réconciliation nationale. Djamel pense qu'il faut une vraie révolution pour que tous les Algériens soient impliqués par conviction, c'est-à-dire un travail de conscientisation individuel.

C'est le seul moyen pour que chacun ait le sentiment d'appartenir à la nation algérienne. Il sera plus ou moins impliqué à tout ce qui touche aux institutions républicaines. Les Algériens n'ont pas assez de culture républicaine ; une République est le fruit de l'implication de ses citoyens dans sa construction où les citoyens ont des droits et des devoirs. La responsabilité de l'échec actuel n'appartient pas seulement au peuple mais à tous les politiques qui se sont succédés aux grandes instances du pays et qui n'ont pas réussis à renforcer l'éducation citoyenne. Ils n'ont guère travaillé pour l'instauration de la République Algérienne telle qu'elle a été conçue et imaginée par les commanditaires du 1er novembre 1954. Le statu quo de la République est fragile et fragilisé à chaque fois que l'injustice prédomine et que le fossé se creuse entre les dirigeants et le peuple. Cette vision est partagée par Voussad qui pense que, tant que les élections ne reflètent pas la réalité sociale et ne respecte pas la volonté populaire, l'Algérie s'enfoncera encore dans l'instabilité institutionnelle.

Cependant, je pense qu'en l'état actuel, ni une révolution ni un système fédéral ne pourrait résoudre le problème des Algériens, ni les raisons qui justifient les comportements autistiques du pouvoir algérien. Car un système fédéral nécessite une maturité des institutions républicaine, ce n'est pas le cas de l'Algérie. En ce qui concerne la révolution, je crois que le peuple algérien est fatigué et la décennie noire l'a convaincu que la violence n'apporte guère de changement. Je pense que toutes les forces de l'opposition (partis politiques, associations, syndicats, personnalités influentes, etc.) quels que soit leurs idéaux politiques, doivent se réunir en une plate-forme commune que chacun respectera. Cependant, ce regroupement ne doit pas effacer les différences de projets politiques pour que chacun garde son identité politique ; il s'agit de travailler ensemble pour instaurer les règles du jeu entre tous les courants politiques répandus dans notre société.

Ensemble, ils travailleront sur certains objectifs communs, tels que légiférer sur le statut des médias, c'est-à-dire l'ouverture des médias à tous les courants politiques et ceci doit se faire par la voie constitutionnelle. Ils peuvent utiliser les voies légales pour apporter ce changement, c'est-à-dire présenter des listes électorales communes, par exemple, pour avoir plus de poids, être présents dans le paysage médiatique et rendre les actions pragmatiques. Et tant d'autres objectifs communs. Cependant, l'urgence est de se rencontrer, sans condition (un parti politique n'a pas le droit d'exiger des participants des conditions sine quoi non pour rejoindre ce regroupement) pour débattre ensemble et déterminer les voies à utiliser pour réaliser ses objectifs. L'opposition tunisienne travaille dans ce sens. Finalement, chacun porte en lui une source de lumière pour éclairer l'obscurité dans notre cher pays. Et la nouvelle génération est capable de réfléchir sur son avenir si on leur en donne la possibilité. A cette occasion, dans le cadre du jumelage avec la ville d'Oran et la ville de Bordeaux, au cinéma Utopia, le Capc musée d'art contemporain et le musée d'Aquitaine accueilleront du 4 au 6 juin prochain, l'événement Jeune Algérie, création contemporaine algérienne, organisé par l'association point de fuit et avec soutien de la mairie de Bordeaux et l'ambassade de France à Alger.

 

El-Watan du 21/05/09.

J'ai changé les prénoms pour garder l'anonymat de mes interlocuteurs.