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Le dollar, toujours et encore

par Akram Belkaïd, Paris

Il va falloir s’habituer à ce que l’on parle régulièrement du dollar et de sa santé défaillante. A chaque accès de faiblesse, et c’est le cas actuellement, puisque l’euro vient de repasser au-dessus de la barre de 1,40 dollar, les interrogations à propos des conséquences d’un effondrement de la devise américaine repartent de plus belle. Il y a encore un an, se demander si les Etats-Unis garderont pour toujours leur capacité d’attirer l’épargne et les excédents budgétaires du monde entier relevait de l’exercice gratuit de prospective. C’était pour l’art de réfléchir, d’explorer des scénarios peu vraisemblables.

 

Le poids du déficit

 

Mais nous vivons une période troublée où les vérités d’hier peuvent être brutalement remises en cause. Oui, les Etats-Unis demeurent la première économie du monde. Mais tout change si vite... En 2009, le déficit budgétaire américain va dépasser les 2.000 milliards de dollars, soit moins du huitième du produit intérieur brut (PIB). Un chiffre affolant : 2.000 milliards de dollars, c’est quarante années d’exportation d’hydrocarbures pour l’Algérie ! Et encore, cette évaluation fait le pari que tout va bien se passer sur le front militaire, qu’il s’agisse de l’Irak ou de l’Afghanistan. A ce jour, le budget de la Défense américain est de 755 milliards de dollars : un montant qui correspond à la moitié de l’ensemble des dépenses militaires dans le monde... Et il pourrait même atteindre 800 milliards de dollars en cas d’intensification des opérations militaires américaines en Afghanistan.

Et plus le déficit va augmenter et plus les risques de décrochage brutal du billet vert vont enfler. Dans le meilleur des cas, nous allons assister à une lente érosion avec, demain peut-être, un euro qui vaudra 1,8, voire deux dollars. A ce moment-là, les créanciers habituels des Etats-Unis, au rang desquels l’Algérie occupe une place modeste avec sa soixantaine de milliards de dollars placés en bons du Trésor, ne pourront plus éluder la question de la dépréciation de leurs avoirs américains. Qui donc à ce moment-là continuera de prendre le risque de prêter à un pays qui fait office de panier percé, surtout lorsqu’on sait que pour dix dollars prêtés à ce pays, au moins trois financeront son budget de la défense ?

Que se passera-t-il aussi si d’aventure une agence de notation décide de faire parler d’elle en étant la première à estimer qu’il existe un risque de défaut sur la dette américaine ? « Cela n’arrivera jamais, l’administration étasunienne veille au grain », rétorquent à ce sujet les sceptiques. Peut-être, mais ne vient-on pas de voir Standard & Poors menacer de dégrader la notation de la Grande-Bretagne qui, il y a encore un siècle, était la première puissance économique mondiale ?

 

Le tabou du budget défense

 

Mais le plus étonnant dans l’affaire, c’est que rares sont ceux qui établissent un lien entre budget de la défense et déficit budgétaire américains. C’est ce que vient de faire l’économiste Jeffrey D. Sachs. Pour le directeur de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia, les guerres américaines en Irak et en Afghanistan sont coûteuses, dangereuses et inefficaces. Pour lui, l’Amérique gagnerait à privilégier une approche autre que militaire en s’engageant notamment dans le financement du développement économique de ces deux pays. Cela rendrait service aux finances de l’Amérique et éviterait au reste de la planète de vivre avec le spectre d’un dollar moribond et d’une crise monétaire mondiale.