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Il paraît que les banques vont mieux...

par Akram Belkaïd, Paris

On reparle beaucoup en ce moment des banques américaines. Selon les dépêches et autres études qui circulent, nombre d’entre elles seraient sur le chemin de la guérison, pour ne pas dire de la rédemption. Pratiqués par les autorités de tutelle, les « stress-test », soit des protocoles destinés à éprouver la santé financière des établissements financiers en cas de crise bancaire, auraient donné des résultats encourageants. Et c’est ainsi que l’on apprend que certaines grandes banques américaines souhaitent rembourser les prêts que le Trésor américain leur a consentis. Une demande, on le comprend aisément, qui est motivée par la volonté d’échapper à la coupe du gouvernement américain et aux règles drastiques qu’il a imposées en matière de rémunération des dirigeants et de versements de bonus et de stock-options.

 

Un mieux qui tombe à pic

 

On pourrait se réjouir et estimer que ce retour en forme des banques américaines est annonciateur de la fin de la crise financière. Cela signifierait que l’on est sorti de la zone rouge et que l’on peut se remettre à espérer que le secteur bancaire va enfin se remettre à financer l’économie. Il y a peut-être de cela et nous n’allons pas bouder notre plaisir. Il y a longtemps que l’on attend de bonnes nouvelles sur le front de l’économie et l’information, selon laquelle, les banques n’ont plus de raison de constituer des motifs majeurs d’inquiétude en est bien une.

 Il reste que beaucoup de doutes entourent cette quasi-sortie de convalescence. Pour comprendre cela, il faut rappeler que, début avril, le Congrès américain, objet d’une intense campagne de lobbying, a décidé de modifier certaines normes comptables. Depuis, les banques américaines ont désormais la faculté de ne plus valoriser leurs actifs à leurs valeurs de marché. Il s’agit d’une disposition qui permettait d’évaluer, à n’importe quel moment, tout élément du bilan comme si la banque s’apprêtait à le vendre (et non pas en fonction de son coût d’acquisition). Le problème, c’est qu’avec la crise, nombre de ces actifs ne valent plus un cent, c’est le cas notamment de tous les produits dérivés liés aux subprimes. En permettant aux banques de valoriser ces actifs, dont certains étaient qualifiés hier encore de « pourris », à leur valeur d’achat ou de cession à long terme, les autorités américaines ont donc réalisé un tour de passe-passe qui rend quelque peu artificielle cette bonne santé retrouvée des banques. Et du coup, nombre d’observateurs ne se privent pas d’affirmer que cette manoeuvre n’a qu’un seul but : celui de permettre aux banques d’offrir un lifting à leurs bilans.

 

Pressions sur l’Europe

 

Dans le même temps, la pression s’est reportée sur les banques européennes. Ces dernières seraient aussi soumises par la Banque centrale européenne à des « stress test ». Et, là aussi, on affirme du côté de Francfort, siège de la BCE, mais aussi à Bruxelles, que tout va bien et que ces tests ont été passés avec succès. Seul bémol : aucun autre détail n’a été dévoilé ce qui, on s’en doute, avive les polémiques. Pour s’en sortir, les autorités européennes ont laissé entendre qu’elles ne pouvaient imiter leurs homologues américaines parce que ces dernières ont la possibilité de rendre public de bons résultats de leurs « stress-test » justement en raison de normes comptables différentes (et plus indulgentes) par rapport à ce qui existe en Europe. Au final, on continuera à être très prudent par rapport aux communiqués triomphalistes qui parviennent en provenance du front des banques, qu’elles soient américaines ou européennes, car il plane encore sur elles (et leurs comptes) comme un lourd parfum de suspicion...