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G20 : régulation vs relance

par Akram Belkaïd, Paris

Evacuons d’emblée le cliché principal qui entoure le sommet du Groupe des vingt pays industrialisés et émergents (G20) qui doit se tenir demain à Londres. Il ne s’agit pas, comme on le lit et entend ici et là, de « réformer le capitalisme ». Cette rencontre est avant tout destinée à trouver une parade commune à la crise et à en tirer les premières leçons pour éviter qu’elle ne se reproduise à l’avenir. Ce n’est d’ailleurs pas en un jour que l’on pourrait prétendre réformer le capitalisme (les rencontres de Bretton Woods en 1944 avaient duré plusieurs semaines), même si un travail préparatoire d’envergure a d’ores et déjà été accompli.

 

Forte relance ou régulation plus ferme ?

 

Il ne faut donc pas s’attendre à une révolution. Ceux qui espèrent un retournement soudain de convictions, avec un retour plus affirmé d’idées sociales-démocrates, voire socialistes, risquent d’en avoir pour leurs frais. L’idée sous-jacente de ce sommet est d’abord et avant tout le sauvetage organisé de la mondialisation. De Washington à Paris, en passant par Londres et Pékin, on sait en effet que plus la crise dure et plus les opinions publiques seront enclines à réclamer le retour aux protectionnismes d’antan, d’où la nécessité pour le G20 de réagir en faisant renouer l’économie mondiale avec la croissance.

Problème : les Etats-Unis et l’Europe divergent quant à la méthode à adopter. Pour les premiers, tout passe par les plans de relance. Il s’agit, pour l’administration Obama, d’injecter le maximum de fonds dans les circuits économiques pour doper l’activité et la consommation. En un mot, pour Washington, il faut dépenser plus pour contrer la crise. Ce n’est pas l’avis des Européens pour qui l’essentiel est de réguler au plus vite les marchés financiers coupables d’avoir entraîné l’économie réelle dans le gouffre avec leurs excès. De plus, les Européens estiment qu’ils ont besoin d’une relance budgétaire moins importante car, selon eux, il existe chez eux des « amortisseurs » sociaux qui compensent bien mieux les effets de la crise qu’aux Etats-Unis où les chômeurs sont plus démunis.

Cette divergence de vues est-elle susceptible de faire déboucher le Sommet sur un échec ? Personne ne peut exclure cette possibilité. Pour autant, les Etats-Unis ont concédé un geste majeur. Contre toute attente, le secrétaire d’Etat au Trésor, Timothy Geithner, a annoncé en fin de semaine dernière un train de mesures impensables il y a encore un an. Washington va en effet mettre sous contrôle les fonds spéculatifs, les firmes de capital-investissement mais aussi les marchés dérivés. De fait, la Réserve fédérale devrait se voir confier le rôle de régulateur systémique, dont la mission serait d’empêcher que ne se reproduise un scénario identique à celui qui a vu la dérive des subprimes conduire à une crise du crédit bancaire.

 

Une question de leadership

 

Les Etats-Unis ont ainsi accepté une concession majeure qui a pris de surprise les Européens. Mais tout n’est pas encore réglé, car se pose la question de la régulation à l’échelle planétaire. Pour l’heure, on voit mal les Etats-Unis accepter de mettre leur système financier sous supervision ou tutelle mondiale ou, plus exactement, multilatérale. Ils sont peut-être d’accord pour qu’il soit plus régulé et plus transparent, à condition que cela se fasse sous leur égide.

Les Européens pensaient profiter de cette crise — et de la « culpabilité » américaine — pour faire admettre à l’administration Obama que seule une régulation mondiale sera efficace. Il est fort possible que l’initiative de Geithner les prenne de court.