Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La gouvernance et la mondialisation en crise

par Mustapha Bensahli (*)

Certains experts ont toujours soutenu, du moins sur le plan théorique, qu'il existe potentiellement des capacités à même de faire tourner à plein régime le cercle de valeurs universelles porteur de progrès, ce au niveau même de la planète entière, en utilisant à dessein des instruments de gestion appropriés, comme la gouvernance à fort impact.

Or, jusqu'ici la gouvernance, malgré l'idée qu'elle évoque en visant à introduire des mécanismes de gestion modernes et plus souples de coordination et d'intégration, dans la perspective de rechercher la qualité de service répondant directement à une nécessité sociétale, ses effets réputés pourtant initialement vertueux, ne s'avèrent pas encore totalement probants.

En témoigne s'il en était besoin, la crise financière et économique qui sévit actuellement dans le monde, avec ses ondes de choc sur d'autres crises plus anciennes et plus persistantes, comme par exemple la crise de l'énergie et des matières premières avec en filigrane la crise écologique annoncée, la crise alimentaire créant de graves malaises sur le plan social particulièrement dans les pays réputés économiquement faibles.

Aussi, est-il intéressant d'essayer de comprendre les tenants et les aboutissants de ces différents dysfonctionnements qui apparaissent ici ou là et qui tendent à perturber le développement qui est le gage du progrès.



L'influence de la gouvernance sur la mondialisation :



Il n'est pas fortuit qu'en si peu partout dans le monde, la gouvernance est à plus d'un titre montée en puissance et en coïncidence, la mondialisation a connu, somme toute, une ampleur inégalée suscitant dans son cycle historique une croissance exceptionnelle par son ampleur, sauf que dans sa durée l'assurance reste à prouver.

C'est ainsi que la gouvernance est intervenue au niveau mondial, régional et local, suivant une stratégique concourant à la formation de normes collectives qui servent d'orientations à l'action collective des Etats et même sur l'action normalisatrice d'opérateurs privés, s'inscrivant au total dans une relation dialectique entre le centre et la périphérie, ainsi qu'au niveau des rapports Etat et citoyens

Cette gouvernance qui se veut ainsi « fédérative » s'exerçant au niveau mondial passe aussi par le canal d'organisations régionales et la coopération intergouvernementale avec l'assistance d'institutions multilatérales spécialisées, comme le FMI ou la Banque mondiale.

D'après ce qu'il résulte des échos propagés, la gouvernance a fait ces dernières décennies un saut qualitatif, en investissant de plus en plus différentes échelles territoriales qui constituent le champ de prédilection de la mondialisation.

En effet, la gouvernance en intervenant concurremment avec la « mondialisation » devient une matrice remarquablement édifiante sur l'ensemble des variables économiques, politiques, sociales, sociétales et culturelles qui régissent la vie collective mondiale.

A la faveur du statut de la mondialisation, il s'en est suivi une intégration croissante des économies dans le monde entier, en trouvant ses points d'appui précisément sous l'empire du libéralisme préconisant économiquement moins d'Etat et plus d'intervention du privé pour provoquer la dynamique du développement.

Depuis la fin du XIXème siècle, les effets conjugués des avancées dans l'innovation de la science, du progrès de la technologie grâce à la puissance informatique et l'apparition des réseaux électroniques, ont permis à la mondialisation en tant que processus de globalisation incontournable de franchir une étape décisive en termes de recomposition en profondeur de toute la structure économique à l'échelle de la planète.

D'ailleurs, depuis les années 80, il s'est opéré un changement notable dans les courants d'échanges et des flux de biens manufacturés et financiers, consistant notamment en :

- l'abolition des frontières géographique et politiques,

- l'abolition ou l'abaissement des barrières tarifaires,

- la forte concurrence sur les marchés de consommation.



La mondialisation et ses retombées :



Si à la faveur de la globalisation financière et de la circulation accélérée des capitaux, la mondialisation a connu un essor conséquent, il est non moins vrai que ce processus de transformation ne s'est pas fait sans certaines retombées négatives sur le développement de certains pays (1), incitant aux délocalisations (2) et même en étant la source de la crise financière et économique (3).



1-Les retombées de la mondialisation en termes de distorsions dans le développement :

Il serait erroné de croire que l'avènement de la mondialisation ayant faciliter la globalisation de l'économie par les flux des marchandises, de capitaux, de technologie, d'information et de personnes, ne pose pas de problème particulièrement dans le contexte actuel. En bonne logique, l'intégration économique que prône la mondialisation est à nuancer, parce qu'elle agit en un véritable révélateur des inégalités et de la sorte, elle est bien loin d'être un facteur d'homogénéisation ou de convergence, alors que l'on semble le croire le contraire avec une certaine crédulité.

Ces incidents de parcours sont cycliques et la crise grave de 1929 et bien d'autres par la suite de moindre importance le confirment au besoin.

En effet, c'est selon qu'il est question de pays occidentaux développés où les conditions de maîtrise de la gestion sont confortées ou de pays en développement qui n'ont pas eu le privilège de se développer normalement, tant ils ont à faire face à des contraintes insurmontables qui leur sont imposées à leur corps défendant.

En somme, la mondialisation a évolué historiquement en deux vitesses distinctes, à savoir :

- l'une favorable manifestement à l'Occident qui a fini par s'approprier avec égoïsme et sans partage dans le passé et même en l'état actuel plus subtilement une belle part des ressources provenant notamment des pays en développement, suivant un commerce avéré intensément inégal,

- et l'autre en revanche, au détriment des pays en développement (PED) qui sont nettement perdants dans ce processus qui est allé à contre courant de leur vocation de développement, ce qui les rend dès lors encore vulnérables aux effets pervers de la crise.

La situation étant ce qu'elle est, l'essor des pays sous-développés plus que d'autres pays, n'est pas du tout épargné des nombreux obstacles majeurs qui se dressent sur le chemin.

Tout laisse croire qu'au stade actuel, la mondialisation a atteint un degré d'exaspération au point d'entraîner toute une série de sortes de distorsions, telles les délocalisations et autres phénomène du genre.



2-Les retombées immédiates de la mondialisation : les délocalisations

La mondialisation en se traduisant par la libéralisation des échanges, tout en poussant les industriels à améliorer leur compétitivité, à partir de profits tirés des conditions de production avantageuses, a abouti à un déploiement des investissements sur toute l'étendue de la planète, c'est ce qu'il est convenu d'appeler les « délocalisations ».

C'est là un phénomène qui a été amorcé au début des années 60 pour prendre une nette ampleur ces dernières années, puisque les grandes entreprises multinationales, rompues aux transactions internationales, ont tendance à se délocaliser, en disposant à cet effet de réseaux internationaux qui leur indiquent l'endroit géographique propice pour situer l'investissement, ce sans grand risque.

Bien que les délocalisations recouvrent des effets positifs notamment sur le plan de la croissance, de la compétitivité des entreprises et de manière plus générale du point de vue rééquilibrage quant au niveau de développement de certains pays, leur essor suscite tout de même à juste titre des interrogations.

En effet, si elles comportent effectivement des opportunités non négligeables pour les entreprises et pour les pays dans lesquels elles s'implantent, au demeurant elles peuvent se révéler dommageables pour d'autres pays qui se trouvent privés de l'apport en capital et technologie de ces entreprises.

L'entrée en force de nouveaux compétiteurs dans une économie globalisée, fait bien des gagnants et parfois même des perdants, de sorte que c'est devenu par la force des choses, le système du quitte ou double, tant en filigrane se profile un risque pour ces derniers, tel celui par exemple la montée du chômage, la désindustrialisation, les aléas de l'investissement, etc.

Si la mobilité des entreprises s'est effectivement accrue ces dernières décennies, c'est parce qu'elles ont cherché à optimiser leur capital et elles ont réussi à trouver cette possibilité dans les territoires qui offrent une fiscalité attractive.

Il s'ensuit en effet que beaucoup de pays développés et même en voie de développement prennent des décisions d'ordre fiscal en fonction plutôt de considérations externes.

Ils n'hésitent pas à se livrer au jeu de la concurrence fiscale et du dumping fiscal de manière à attirer au moins disant fiscal sur leur sol les capitaux étrangers et les transnationales.

Ce faisant, certains Etats ont vu diminuer la base sur laquelle s'appuie d'ordinaire leur fiscalité, alors pour d'autres Etats par l'effet de vase communiquant tendent à bénéficier de l'implantation des multinationales qui ont élargi leur espace sur lequel elles peuvent minimiser le risque de leur « fardeau » fiscal et de maximiser, du coup, leurs profits. Ces délocalisations ont profité entre autres à certains nouveaux pays émergents, comme la Chine, l'Inde et le Brésil et qui seront appelés probablement à cette cadence et grâce à leurs efforts de développement, à gagner dans les prochaines années le peloton des pays développés. Les techniques utilisées par les firmes multinationales ne s'arrêtent pas seulement à la délocalisation et pour échapper à la fiscalité, elles utilisent aussi d'autres stratagèmes entre autres la domiciliation des opérations dans les paradis fiscaux qui sont légion partout sur la planète, ou dans les zones franches qui prospèrent dans plusieurs régions. Une autre combine repose sur les manipulations comptables les plus sophistiquées, dont la plus connue, est la technique des prix de transferts fictifs entre maison mère et filiales des groupes.



La genèse de la mondialisation de la crise



La vision idéologique dominante de la mondialisation, s'est du coup altérée à l'épreuve du temps, parce la crise aux conséquences graves dont elle émane a grippé les rouages du moteur qui est tombé brutalement en panne.

En tout cas actuellement, la mondialisation ne se présente pas dans une posture favorable et le fait en est que la crise par son envergure et sa propagation sans égale, a déstabilisé les fondations même de l'ensemble des sociétés, avec de graves impacts qui se sont produits sur le plan social, jusqu'à ébranler même les fondements propres du capitalisme.

Malgré le niveau d'incertitude et d'inquiétude qu'elle présente, la crise financière et économique ne résultant aucunement d'une génération spontanée, est plutôt le produit mal calculé d'un long processus qui a atteint un seuil de concentration très critique.

A l'instar de la crise de 1929, cette crise recèle deux aspects d'après ses causes systémiques, c'est-à-dire à la fois structurelles et conjoncturelles.



Causes structurelles de la crise



Si la crise a pris de telles proportions, c'est parce qu'elle est par définition de nature structurelle en premier lieu, dans la mesure où la mondialisation est mue fondamentalement par une logique qui a gagné toujours du terrain conquis et qui consiste à rechercher toujours le profit à outrance et à court terme.

Toute chose égale par ailleurs, comme à la veille de la crise de 1929, la répartition de la richesse ne s'est pas faite dans les normes espérées, si bien que la majorité de la population dans le monde se trouve confrontée à des problèmes lourds de pouvoir d'achat et de chômage.

Ce qui accroit davantage le malaise social et une bonne partie de la perte de confiance dans le système économique, c'est justement la dérive des hautes rémunérations sous forme de bonus ou de stock-options qui contiennent le germe de l'absence de moralisation du capitalisme.

Si les dispositifs de prévention des risques ont failli jusque là, c'est qu'une trop grande liberté est laissée aux mécanismes de l'économie de marché qui continuent à fonctionner suivant les intérêts propres des tenants de cette politique libérale, sans qu'un système de veille sérieux même à distance soit assorti de la part de l'Etat pour contrôler la régulation

En réalité tout concourt à faire ressortir que la gouvernance n'a pas été appréhendée dans un prisme de redimensionnement des outils de régulation à l'échelle mondiale, pour les calibrer au niveau national, ce qui a fait fortement peser des incertitudes sur l'économie mondiale.

D'ailleurs, comme pour la grande dépression des années 1930, il s'en est suivi fatalement une réaction négative de la part des consommateurs qui ralentissent leurs dépenses et de la part des entrepreneurs qui se montrent prudent pour investir.



Causes conjoncturelles de la crise :



La crise financière est la face émergée représentée par des exigences fortes de rentabilité se basant sur les multiples manipulations financières, ce qui a mis du coup en péril par contagion l'économie réelle.

La crise est donc inhérente à la nébuleuse du système financier international et sa singularité réside dans le fait qu'elle est survenue sans qu'elle puisse être anticipée à temps.

Même les experts les plus avisés en ce domaine n'ont pu la voir venir, si bien que l'amplitude qu'elle a prise en un temps record, les rends perplexes dans leur conviction.

C'est dire que l'économie ne peut pas être décelée dans son évolution à partir simplement de modèles mathématiques et même à partir d'indicateurs qui se veulent prévisibles, parce qu'elle n'est pas l'apanage d'une science exacte. Il est intéressant de comprendre et d'appréhender autant que possible les mécanismes du nouveau système financier qui a joué un rôle d'accentuation et d'accélérateur de la crise.

En effet, tout le hiatus de celle-ci réside dans la suprématie des marchés financiers globalisés dans le cadre de l'économie libérale qui a permis dans ses fondamentaux, la manipulation virtuelle voire vicieuse des valeurs financières profitant de l'absence de régulation contrôlée.

Cette situation a été boostée sans désemparé par les grands groupes financiers et économiques qui ont organisé tout un système de réseaux qui se croisent et s'entrecroisent quasiment dans des limites indéterminées au gré de leurs propres intérêts.

En tout cas, ces réseaux, en se complexifiant dans la démesure, deviennent à la longue difficilement maîtrisables, si bien que par la force des choses, à un certain moment les leviers de commande en se perdant en conjectures échappent des mains de leurs décideurs qui en désespoir de cause commettent des erreurs graves d'aiguillages des opérations dont ils ont la responsabilité.

Devant l'excès de l'affluence des réseaux financiers, les digues qui les retenaient jusque là, n'ont pu résister aux imprudences manifestes et ont ainsi cédé au déferlement des puissants courants, au point de placer le secteur financier qui a ainsi failli, au bord de l'effondrement.

En bénéficiant manifestement de la mansuétude de l'Etat à défaut de régulation de sa part, une telle situation incontrôlable n'a pu que produire des effets d'emballement pervers charriant maintenant au grand jour dans leur mouvance une énorme déstabilisation de l'outil industriel productif, ce qui n'a pas manqué d'affecter durement le tissu économique.

C'est dire que les responsables politiques n'ont pas assumé comme il leur incombe normalement leurs prérogatives régaliennes pour maîtriser les fluctuations financières qui se situent au haut niveau de l'Etat.

Tout indique que la crise résulte de dérives incontrôlées d'un libéralisme financier qui a été principalement la cause de tous les excès, suite à l'alliance objective ou tacite entre le pouvoir qui ne s'est pas impliqué dans la régulation et le monde de la finance qui s'est trouvé livré à lui-même.

Parmi les causes conjoncturelles, il convient de citer par ailleurs les dispositifs réglementaires de réajustement automatique - comme l'introduction des nouvelles normes de comptabilité mark to market, qui sont responsables en partie de l'aggravation des mauvais bilans.

Jusqu'alors, les banques américaines ont calculé la valeur de leurs actifs en fonction de leur maturité, précisément suivant leur valeur historique, alors que dorénavant, le calcul se fait à la valeur du jour de l'arrêt de la comptabilité, c'est à dire la valeur de marché - (mark to market) dans les banques.

C'est pourquoi, ces nouvelles pratiques comptables ont contribué à accentuer la crise au lieu d'aider à la contenir, ce à telle enseigne que l'Union européenne signale que ces normes appellent des réserves quant leur bien fondé.

En Algérie, il est possible d'en tirer un enseignement utile pour ne pas tomber dans les mêmes errements.

Force est de constater que dans les domaines examinés, régulation, action publique, inégalités, l'efficacité économique, le credo libéral manifestement débordé, a conduit l'économie mondiale pratiquement dans l'impasse.



Les éléments constitutifs de la genèse de la crise :



Consécutivement aux pertes de valeurs de l'immobilier et de ses crédits, la crise financière a pour épicentre les Etats-Unis et elle s'est propagée a grande allure en Grande-Bre tagne, Espagne, Irlande, Australie, Islande mais aussi les ex-pays socialistes ayant intégré l'Europe.

Dans l'ensemble, par plusieurs canaux, la crise a commencé en touches successives pour finir par ratisser large en ciblant quasiment tous les pays qui ont épousé des politiques économiques libérales.

Tous les concours financiers massifs des banques centrales au profit des banques primaires exposées, n'ont pas réussi à atténuer la crise, tant la méfiance s'est instaurée entre les banques, au point que les prêts ne suffisent plus et les crédits se trouvent de ce chef rationnés.

D'une manière générale, les éléments constitutifs de la genèse de la crise mondiale résident en substance dans :

- le partage des gains de productivité qui favorise davantage le capital au détriment du travail, ce qui aboutit virtuellement à une situation conflictuelle,

- l'abandon de l'étalon-or pour lui substituer le dollar, provoquant dès lors la fragilisation de celui-ci et la flottaison générale des monnaies,

- la rentabilité effrénée incitant à la prise de risque pour des gains rapides, ceci au désavantage des investissements à long terme,

- la prolifération informatique en amont qui a contribué à une sous-estimation des risques de la crise par le jeu de la concentration bancaire et de la connexité des risques, au point que les grands établissements ont pensé que leur puissance pouvait les mettre à l'abri de toute faillite, mais les faits qui sont têtus en ont décidé autrement,

- et l'hégémonie du capital financier sur les entreprises, en privilégiant les actionnaires et en transformant les statuts des managers en actionnaires par le biais de stock-options, de sorte que les bonus deviennent l'essentiel de la rémunération des dirigeants de grandes entreprises, passant en priorité bien avant l'investissement ou l'intérêt légitime des salariés.

Si les exigences de rentabilité ont creusé effectivement les inégalités entre revenus salariaux et les revenus de capitaux, la fiscalité n'a pas été étrangère au renforcement de cette distorsion, ce depuis les premiers temps de la mondialisation et à l'évidence, ce qui n'est pas du tout prometteur.

Ainsi, pour prendre le cas des pays de l'Union européenne, le poids des taxes sur le capital a fortement baissé dans le passé, chutant de 50% à 35% voire moindre des recettes fiscales totales, tandis que la part des taxes sur le travail a augmenté de 35% à 40%, voire plus, afin d'équilibrer les recettes fiscales des Etats.

La situation a de quoi heurter l'entendement, puisque aux Etats-Unis, nonobstant le fait que le budget américain s'est enfoncé dans un déficit abyssal avec l'administration Bush, dans le même temps contre toute attente le Congrès a voté des coupes fiscales importantes évaluées à plusieurs dizaines de milliards de dollars, toujours en faveur des détenteurs de capitaux importants.

Par exemple, en mai 2006 la Chambre des représentants et le Sénat les mesures ont voté des mesures se traduisant par la réduction à 15 % de la taxation des gains en capital et des dividendes.

En France, pour les mêmes préoccupations, il a été prévu initialement l'exonération des distributions des bénéfices, ce au détriment des investissements, étant précisé que ce dispositif a été complété part la mise en place le bouclier fiscal qui fixe pour l'ensemble des impôts et taxes et pour l'ensemble des revenus cumulés, le seuil d'imposition à 50%.

En tout cas, suivant les indicateurs et surtout suivant l'actuelle volatilité par contagion des différentes bourses, le front économique ne s'annonce pas pour l'instant sous de meilleurs auspices, si bien que les agents économiques se montrent extrêmement prudents pour prendre des engagements d'investissement et de production à plus ou moins long terme.



La gouvernance et les opportunités de la crise mondiale



Certes, pour tenter de résorber radicalement la crise, des dispositions importantes sont prises consistant dans un premier stade à amortir le choc de la bulle immobilière, en renflouant financièrement les établissements bancaires en difficulté, pour contrer efficacement autant que possible la récession économique.

Dans ce cadre, le plan de relance économique adopté déjà par le Congrès américain et promulgué le 17 février de cette année, a prévu un montant de 787 milliards de dollars.

En France, il a été adopté un plan de relance de 26 milliards d'euros et dans ces cas de figure, c'est l'Etat qui s'engage à assurer des investissements dans l'infrastructure, entre autres, dans le cadre d'une politique de « grands travaux ».

Une telle démarche laisse espérer une reprise à cour terme de la croissance permettant la création d'emplois au moment précisément où le chômage bat son plein.

Mais, toute la question cruciale qui se pose est de savoir si à la suite ces montants colossaux ainsi injectés dans ces conditions, il est possible d'escompter une résorption de la crise ou si celle-ci, comme il est craindre, va-t-elle s'installer dans la durée ?

Il est évident que l'important programme qui a été lancé ne va pas avoir d'effets immédiats et sans aucun doute il va prendre un certain temps, tant il est vrai que les crédits publics et les financements privés ne peuvent se faire dans la précipitation.

Il s'agit de même de consacrer suffisamment de temps à la relance de l'outil de production, en acquérant les moyens indispensables à la construction d'infrastructures, comme aussi de préparer et de signer les contrats de réalisation, de planifier les projets correspondants, de recruter le personnel d'encadrement et d'exécution, d'organiser les capacités managériales, etc.

Selon le FMI et avec la Banque Mondiale les chances d'une amélioration de la situation économique dans les mois à venir, ou même au cours de cette année, restent relativement hypothétiques et ils tablent même prochainement sur une récession mondiale.

C'est pourquoi, ces organisations en prévision, ont préconisés des mesures «rapides, massives, durables, diversifiées, prévoyantes, collectives et solides».

L'avenir pourrait être davantage incertain si les pays interviennent en ordre dispersé, d'où la nécessité pour ceux qui ont un impact sur l'économie, de réfléchir en urgence sur la base du logiciel de la gouvernance, à la refondation du capitalisme qui n'apparait plus désormais comme un dogme longtemps considéré comme tel.

Au stade actuel, tous les espoirs sont placés sur le sommet du G-20 qui se tiendra le 2 avril prochain à Londres appelé à mettre en place un plan de relance qui se veut coordonné au plan international pour tenter de surmonter la crise économique mondiale.

Déjà, d'après les éléments avant coureurs, le consensus n'est pas acquis d'emblée, tant il apparait que les Américains et Européens dont l'influence est respectivement prépondérante en l'occurrence, sont partagés sur le niveau du déficit budgétaire à observer pour la relance économique.

Compte tenu de la récente expérience qui a montré que les mécanismes du marché, lorsqu'ils sont livrés à eux-mêmes, peuvent être à l'origine la crise économique et financière,

les Etats ne peuvent désormais rester neutres, en vouant comme par le passé et sans restriction leur confiance au marché qui s'est avéré par essence entaché d'excès.

Ces Etats ne peuvent se défausser sous prétexte de ne pas contrarier l'éthique de l'économie libérale et de pas rompre les méthodes de l'orthodoxie financière, car les circonstances graves actuelles leurs imposent d'intervenir en ordre de marche et de jouer un rôle qui se veut efficace dans la résolution de la crise.

Il existe à cet effet comme référence, la théorie économique keynésienne qui a fait ses preuves durant la grande dépression en ce qu'elle impliquait une responsabilité mutuelle et après qu'elle ait perdu depuis de sa portée, elle se trouve à présent réhabilitée dans ses orientations pour aider à surmonter la crise.

Il se peut que la crise grave actuelle offre une opportunité exceptionnelle pour redéfinir la gouvernance à l'effet de réfléchir aux solutions appropriées aux graves dysfonctionnements relevés avec la perspective d'ouvrir la voie au retour de la confiance, maître mot effectivement de toute sortie de crise.

Dans la logique de la gouvernance, il serait question de mobiliser l'ensemble de la planète dans la prise en charge de cette crise mondiale, il apparaît nécessaire en refondant le capitalisme, d'étendre ce genre de formatage dans un nouveau logiciel touchant les grandes organisations internationales que sont les Nations Unis, le FMI ou la Banque Mondiale. Quant à la stratégie montée pour mettre un terme à la crise financière et économique, tout un train de mesures consistant est déjà pris.

Il suffit de citer à cet égard notamment dans le volet fiscal, le Congrès américain a pris une mesure drastique consistant à imposer désormais à concurrence de 90% les bonus et les stock-options.

Or, ce qui n'est pas le cas de la France qui maintient contre vent et marée, le paquet fiscal tendant à favoriser les titulaires de très hauts revenus au moment où un certain sacrifice de leur part devient justifié dans le contexte difficile actuel.

Dans cet ordre d'idées, il est rappelé que Roosevelt du temps où il était président des USA, il bouleversa profondément et durablement les règles établies antérieurement.

En effet, dès son arrivée à la Maison Blanche, le taux marginal de l'impôt sur les revenus qui était de 25 %, il l'a fait passer à 63 % pour atteindre 91 % en 1941. Pendant un demi-siècle, les Etats-Unis ont vécu avec un taux marginal d'imposition sur les très hauts revenus proches de 80 %.

Cette fiscalité dissuasive sur les très hauts revenus a conduit à une forte réduction des inégalités avant impôts et a fortiori cette situation a été généralisée dans presque tous les pays industrialisés dans l'après-guerre.

Puisque il est question de prendre des mesures pour améliorer la situation, il serait en tout cas mal venu de confier à ceux-là mêmes qui sont à l'origine de cette crise financière la mission de continuer à assumer des responsabilités dans la même gestion.

En bonne règle, ils ne peuvent, comme au paravent, continuer à gérer, en considérant leur présence comme incontournable, alors que il a été prouvé, qu'ils ne perdent pas de vue la possibilité de se sucrer au passage comme ils l'ont fait dans le passé.

Pour sortir de la crise, l'économie globale a tout intérêt à s'émanciper de la domination des acteurs financiers qui ont fait tant de torts à l'économie et qui ont été sans conteste à l'origine de la crise.

En vue de réduire sensiblement la teneur de cette crise qui a pris une grande ampleur, il serait peut-être temps de réviser fondamentalement le système fiscal.

Il suffit de faire en sorte globalement de ménager au possible le secteur de production qui est par excellence le fait générateur de la valeur ajoutée et d'axer de préférence la taxation sur les revenus qui constituent par définition des «rentes» qui jusqu'ici ont été favorisés au détriment des revenus de travail gagnés.

 

Cas de l'Algérie en période de crise mondiale



D'après les Autorités, le pays reste pour l'instant à l'abri des effets pervers de la crise économique et financière et certains signes précurseurs sont susceptibles d'aller dans ce sens.

Par exemple si le secteur bancaire en a été épargné, le motif réside dans le fait qu'il accuse un retard dans la modernisation et par conséquent, il est déconnecté du système financier international.

Le Gouverneur de la banque d'Algérie étaye cette assertion par cette déclaration : « la gestion prudente des réserves de change et la stabilisation du taux effectif réel du dinar ».

Le ministre des finances en abondant de le même sens, affirme que « le désendettement intérieur et extérieur et la constitution de fonds de réserve assure la protection de notre économie ».

Mais, cet argumentaire aussi pertinent soit-il de leur part respectif, n'est totalement convainquant, en raison de la profonde morosité qui caractérise le contexte actuel, ce qui ne peut susciter une garantie suffisante pour considérer que la crise financière et économique n'est plus désormais menaçante.

Le cas de la chute du cours de pétrole, avec ce qu'elle entraine consécutivement comme diminution de recettes, conseille à juste titre d'être prudent en la circonstance et d'attendre de voir avec perspicacité les choses évoluer sur la base d'un bon tableau de bord.

En tout cas, l'Algérie ne peut à elle seule être maîtresse de la situation, parce qu'elle reste tributaire de certains évènements impondérables provenant surtout de l'extérieur.

Pour preuve, la dépendance du pétrole à raison de 95% environ, accrédite fortement l'idée qu'il ne faut se fier à un grand optimisme, d'autant la SONOTRACH se positionne dans cette ligne, en se montrant circonspecte, puisqu'elle a différé pour un temps encore certains investissements importants.

Quant aux investissements étrangers, ils se montrent un peu fébriles surtout à la suite des dernières mesures prises par le Gouvernement visant à filtrer les transferts tout en les assimilant ainsi à de la distribution de bénéfices pour les imposer en tant que telle suivant le droit commun à 15%.

Tout ce concours de circonstance met en évidence qu'il ne faudrait pas baisser la garde et qu'il y a intérêt à continuer à scruter minutieusement les horizons.

Tout en tenant compte des liens transversaux, les entreprises sont directement impliquées dans l'effectivité d'une réelle mise à niveau, puisqu'elles prennent une place grandeur nature dans la trame du tissu économique.

En vérité, elles constituent un bastion solide pouvant faire barrage à l'agression de la crise, pour peu, bien entendu, qu'elles décident avec l'aide de l'Etat d'observer un système d'organisation porteur qui obéit à bon escient à des règles managériales procédant de la gouvernance, pour atteindre l'objectif de l'efficience en matière de développement.

D'ailleurs, l'entreprise a la réputation d'être le microcosme interactif agissant dans le monde des affaires en termes de compétitivité des coûts de transaction, tout en privilégiant la logique de résultat sur la logique des moyens pour créer la valeur ajoutée, ce qui contribue au niveau macroéconomique à la croissance économique.

C'est ce qui explique que la gouvernance est devenue en Algérie un moyen performant d'encadrement qui par son importance retient fortement l'attention et à cet effet de nombreux séminaires et colloques sont organisés à ce sujet pour la maîtriser pleinement dans la réalité de ses mécanismes.

D'ailleurs, à l'instar de nombreux pays qui ont inauguré cette expérience, il a été est mis en _uvre en Algérie « une charte de bonne gouvernance » initiée par le forum des chefs d'entreprise de l'entreprise -FCE- et le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise - CARE-.

Le but visé, en l'occurrence, est d'établir « des relations de transparence » qui garantissent aussi bien le fonctionnement à l'intérieur de l'entreprise que l'amélioration de son environnement comprenant bien entendu, comme partenaires notamment les banques et l'administration fiscale.

C'est un document conçu sur la base des bonnes pratiques de gouvernance s'appuyant essentiellement sur un ensemble de principes et de valeurs qui s'inspirent des standards internationaux

Ceux-ci y sont énoncés non sous forme de loi, mais de préférence sous forme de modèle d'éthique, en vue d'introduire plus de rigueur et de transparence dans la gestion, dans son administration et dans son contrôle pour assurer la pérennité des entreprises.

Il est possible de considérer que c'est là un outil de travail qui peut servir utilement les entreprises à devenir compétitives pour faire face à la rude concurrence extérieure et surtout pour résister en l'état actuel au fort poids de la crise économique.

Comme l'enjeu en est fondamental pour l'ensemble des sociétés, il faut espérer que la crise qui sévit actuellement avec dureté, ne tarde pas à laisser place à une situation plus prometteuse en termes d'amélioration, pourvu que tous les moyens à l'échelle internationale et nationale soient mis en oeuvre d'une manière appropriée.




(*) Ex-Expert International en fiscalité