Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La violence scolaire : la rue dans l'école ?

par Oukaci Lounis


II) L'ENVIRONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES A DIFFICULTÉ :



Afin de vérifier cette corrélation : (Environnement/Ecole) mais surtout d'en évaluer la nature, il nous fallait être au fait de la situation réelle, et non simplement nous en remettre aux représentations issues du fantasme collectif généralement admises :

*/ Il existe une corrélation évidente entre la situation géographique de l'établissement, et les incidents de violence que l'on y trouve :

Dans cet esprit, il nous a fallu constater le niveau de détérioration de certains de nos quartiers, touchés de plein fouet par la misère sociale la plus complète : taux de chômage exorbitant, vétusté avancée des logements, familles nombreuses rassemblées dans des lieux exigus... de tels constats ont été faits depuis longtemps déjà, et ce problème complexe est l'absence d'une politique de la ville. Loin de nous toute idée d'un misérabilisme exagéré. Néanmoins, il n'est pas possible de passer sous silence la situation de ces quartiers.

Les spécialistes s'accordent tous sur un même constat : le degré très important de misère sociale qui touche ces quartiers. Signalons tout d'abord que la plupart de ces quartiers ne sont pas, à proprement parler, ce que l'on qualifie de « cité », mais peuvent présenter, d'un point de vue architectural notamment, des formes bien différentes. Cependant, ils ont tous comme point commun de rassembler dans des secteurs limités des familles souvent issues de l'exode rural, et caractérisées par un taux d'inactivité très élevé.



III) LE DEGRÉ DE PERMÉABILITÉ DE L'ÉCOLE A LA VIOLENCE EXTÉRIEURE :



Tous les facteurs sont présents dans les quartiers difficiles pour que les violences liées à la délinquance urbaine, aux conflits entre bandes ou encore à la résurgence des communautarismes en tout genre, se répercutent dans l'enceinte des établissements scolaire.

La corrélation étant admise (Environnement/Ecole), nous avons cherché à savoir quel était le degré de pénétration de ces violences dans l'établissement ?

De l'avis général des personnes auditionnées, celui- ci apparaît comme très important. Rompant définitivement avec l'image de l'école sanctuaire, apparaît alors une vision de l'école comme miroir, comme reflet total des évènements se déroulant dans le quartier. Une perméabilité totale qui prend plusieurs formes. Face à ce qui apparaît comme une perméabilité totale de l'établissement scolaire à son environnement, nous ne pouvons céder à la simple tentation d'une école renfermée sur elle- même, d'une l'école sanctuaire. Son rôle n'est-il pas de préparer nos enfants à la citoyenneté et à l'exercice de la raison critique par l'apprentissage des savoirs et des valeurs ? Si maintenir le conflit extérieur hors de l'enceinte de l'établissement constitue une impérieuse nécessité pour que l'école républicaine puisse continuer à exercer sa tâche, elle n'en constitue pas moins un acteur local indissociable de son environnement. Facteur de cohésion sociale, parfois dernier service public et représentant de l'Etat dans certains quartiers, elle ne peut, même si elle a besoin d'une dissociation certaine de son environnement à cause de ce qu'elle représente, se couper de ce dernier.

C'est pourquoi, en tant qu'acteur inséré dans le quartier, elle doit travailler en coordination avec les autres acteurs du quartier, qu'ils soient institutionnels, associatifs ou privés. Elle doit s'insérer dans la réalisation et l'application des politiques de la ville.

La violence scolaire est d'abord la résultante de la violence du quartier, de cette délinquance qui touche un grand nombre de nos concitoyens dans leur droit à l'intégrité physique. L'école, et par-delà l'Education nationale, ne peut se permettre de rester un simple vecteur de transmission des savoirs. Elle doit participer par son action à la redéfinition de nos quartiers les plus en difficulté.



III-1) PROPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LA VIOLENCE SCOLAIRE:



Certaines mesures sont susceptibles d'être prises très rapidement car elles demandent peu de moyens pour être mises en place. Notre démarche a été, dans la perspective de la présentation de ce panel de solutions, de ne pas nous arrêter à une dichotomie manichéenne entre la question de la prévention ou de la sanction. Une solution adaptée au problème de violence scolaire ne pourra s'envisager que comme une juxtaposition de mesures tantôt préventives, tantôt répressives.



A - EXPLIQUER AUX ENFANTS LES OBJECTIFS DE L'ÉCOLE :



Elaboration d'une charte de l'école : feuille de route ou guide de l'élève. Dans cette charte, on mentionnera clairement que tout manquement aux normes citées fera l'objet de sanctions immédiates.

Une échelle des sanctions doit être élaborée avec les enseignants, en collaboration avec l'association des parents d'élèves et les psychologues. Faire signer aux élèves et aux parents un engagement de respect du règlement intérieur sous réserve de sanctions en cas de transgression.

Bannir tout laxisme, ne rien laisser passer, faute de quoi la situation risquera de devenir ingérable.

 

B- SUIVRE LES ÉLÈVES TOUT AU LONG DE LEUR SCOLARITÉ :



Evaluer chaque année et créer un livret comportemental qui suivra l'élève durant toute sa scolarité. Ce livret doit être établi par le psychologue clinicien et le psychologue scolaire. Et nous tenons à ce que le livret médical de l'élève soit établi par le médecin et non l'enseignant. Exiger de l'enseignant le dépistage des maladies relève de l'absurde.



C - PRIVILÉGIER LES LIEUX D'EXPRESSION CONFIDENTIELS :



Création de cellule d'écoute dans tous les établissements scolaires, à ce sujet, nous tenons à ouvrir une parenthèse au sujet du recrutement de 10.000 agents de sécurité pour veiller sur les écoliers, collégiens et lycéens. C'est invraisemblable, ce qu'il faudrait faire c'est recruter le double (20.000) entre psychologues et psychologues scolaires. Ces derniers prendront en charge ces milliers d'enfants qui présentent autant de facteurs traumatisants hérités par la mauvaise prise en charge familiale et l'influence de la rue. Il n'existe aucun foyer où l'amertume n'est de mise. L'angoisse mine tous les visages. La rue est devenue morose et dangereuse. Où aller ? Dans ce pays, l'on dirait qu'en plus de la fuite des capitaux, des cerveaux, la harga des milliers de jeunes, la joie aussi a décidé de quitter le pays.

Le rôle des adultes : face à ces tensions, l'école apparaît encore comme un endroit protégé. Les abords des établissements sont, en revanche, un lieu intermédiaire où des conflits peuvent se nouer ou se prolonger. Nous insistons sur «l'importance du trottoir». Nous tenons à ce que la police soit présente devant l'école, tous les matins, à l'arrivée des élèves ; le soir aussi, pour superviser la sortie.

Dans leur collège, les directeurs devront agir de même : «Ils doivent être très vigilants afin d'empêcher que des disputes apaisées pendant la récréation ne se prolongent à l'extérieur de l'établissement». La présence des services de sécurités aux entrées et sorties a également pour effet de dissuader des jeunes venus de l'extérieur de semer le trouble aux abords du collège.

Pour nous, la présence d'un adulte permet souvent de désamorcer les conflits : «Les élèves manifestent encore une certaine reconnaissance à notre égard, sinon du respect. Nous sommes écoutés. L'important est qu'ils sachent que je suis là et que l'on peut toujours s'expliquer».



D- VALORISER LES EFFORTS DES ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ PLUS QUE LES RÉSULTATS :



Promouvoir d'autres types de sanctions, tels les travaux d'intérêt général. Réintégration des enfants en difficulté scolaire par les travaux d'intérêt général. Leur permettre à travers le travail d'intérêt général à se sentir utile, à avoir une bonne appréciation de soi, à attirer le respect des autres et pouvoir, enfin, se réintégrer.



E- UNE SANCTION IMMÉDIATE ET PROPORTIONNÉE :



Mettre en place, avant la saisine du conseil de discipline, une « commission éducative » qui engagerait avec l'élève (en présence de la famille) un « contrat pédagogique ».

Modifier les textes pour que le conseil de discipline reste l'affaire des enseignants, des parents, des élèves et des élus en excluant toutes interventions extérieures en leur sein, y compris celles d'avocats.



F- METTRE EN PLACE DES FOUILLES INOPINÉES :



Avec la collaboration des services de sécurité, et là nous tenons à ce que la police et la Gendarmerie nationale - en tant qu'institution républicaine - investissent les lieux d'une manière directe. La raison est double. Premièrement, ce corps, de part son expérience, peut endiguer les facteurs de la violence et collaborer pédagogiquement à la sensibilisation des enfants et les jeunes scolarisées quant au danger des fléaux qui entourent les institutions éducatives. Deuxièmement, ils présentent une force de persuasion, de sécurité et surtout, à travers ce service de sécurité, l'ETAT pourra recréer cette confiance perdue.



G- CONCEVOIR UNE COMMUNICATION CITOYENNE CONTRE LA VIOLENCE SCOLAIRE :



Inculquer et Eduquer à la culture de paix.

Les résultats globaux de la réconciliation nationale sont très loin des besoins attendus, les réticences se font sentir à tous les niveaux, un fossé se crée entre la société et l'Etat.

Il importe donc de faire le point, d'oeuvrer pour lever les obstacles et multiplier et diversifier les décisions conformes à la volonté de paix et aux intérêts des populations.

Poursuivre nos efforts pour l'introduction, dans le système éducatif, l'éducation à la culture de la paix et de la non violence intégrant la refonte des programmes et des manuels, la formation initiale et continue des personnels enseignants.

Réfléchir à des actions de formation débordant le cadre scolaire et en partenariat avec les universités intégrant la médiation et la gestion des conflits.

- Solliciter les assemblées élues pour intégrer dans leurs projets des activités en direction des jeunes mais aussi des autres catégories.

- Faire monter en puissance la volonté de paix des populations.

 - Réussir à convaincre les médias de leur rôle dans la résolution de la violence et des conflits et dans la construction d'une Nation de paix.

- Multiplier les partenariats avec d'autres associations.

- Montrer plus fortement qu'il n'y a pas de développement durable ni d'avenir pour les Algériens sans un changement fondamental des mentalités et des politiques guerrières.

- Participer activement à la campagne des élections tant locales que nationales.



H- L'ÉLOIGNEMENT DES ÉLÉMENTS LES PLUS PERTURBATEURS



H/1 - détecter très tôt les problèmes :

Le rôle que devrait jouer le psychologue clinicien à l'intérieur et à l'extérieur de l'école :

-  Aperçu de l'étude : la présente étude avait pour objet d'examiner le lien entre cinq formes de mauvais traitements (violence physique, exploitation sexuelle, négligence, exposition à la violence conjugale et violence psychologique) et les comportements à risque chez les adolescents. Nous nous attendions à ce que les adolescents ayant subi des mauvais traitements soient plus susceptibles que les autres d'avoir des comportements à risque. Au total, 200 adolescents ont participé à cette enquête. Ces adolescents ont rempli des questionnaires sur les mauvais traitements dont ils avaient été victimes, leur niveau actuel d'adaptation comportementale et sociale, leurs comportements à risque, leurs antécédents familiaux et leur milieu familial. 61 pour 100 des répondants ont déclaré avoir déjà été victimes de mauvais traitements. Les deux tiers de ceux-ci avaient subi plusieurs formes de mauvais traitements. On a constaté l'existence de relations significatives entre les antécédents de mauvais traitements et les comportements à risque. En particulier, les mauvais traitements sont associés à un plus grand risque de fugue et de consommation de cigarettes, d'alcool et de drogue. Ils sont également associés à des problèmes d'adaptation comportementale et à des idées suicidaires plus fréquentes parmi les adolescents. La relation est plus forte chez les adolescents qui ont été victimes de plusieurs formes de mauvais traitements que chez ceux qui n'ont été exposés qu'à une seule forme de mauvais traitements.

Enfin, les adolescents qui avaient subi des mauvais traitements étaient plus nombreux à signaler des antécédents familiaux de maladie mentale, de toxicomanie et d'infractions criminelles.

 

- Formes de mauvais traitements: l'expression « mauvais traitements » désigne de nombreux comportements qui diffèrent quant à leur nature, à leur intensité et à leur durée. Cinq formes de mauvais traitements ont été retenues pour la présente étude et nous les décrivons brièvement ci-dessous.

 

- Violence physique: on a utilisé deux définitions de la violence physique faite aux enfants. Dans la première définition, on considère qu'un enfant a été victime de violence physique, s'il a reçu un coup de pied ou un coup de poing, s'il a été mordu, battu, brûlé ou ébouillanté, s'il a été menacé au moyen d'un couteau ou d'une arme à feu, ou s'il a été attaqué avec un couteau ou une arme à feu. A cette définition, on a ajouté le critère « frappé avec un objet ».

 

- Négligence: la négligence psychologique et la négligence physique sont considérées comme des actes d'omission. La négligence a été définie comme un acte d'omission découlant souvent de l'ignorance ou de l'indifférence des parents. Ainsi, l'enfant ne reçoit pas de stimulation ni de soutien psychologique positif. Les parents donnent peut-être les soins physiques nécessaires à leur enfant, mais ils le laissent dans son lit pendant de longues périodes de temps, le caressent ou lui parlent rarement, ou ne lui témoignent pas d'encouragement ni de compliments. De même, ont établi qu'un enfant était négligé si ses besoins en matière de surveillance, d'alimentation ou de soins médicaux n'étaient pas comblés. La fréquence des cas de négligence est difficile à déterminer, puisque la négligence est souvent englobée dans les cas de violence physique ou de violence psychologique.



- Exposition à la violence conjugale: la violence conjugale a été définie comme étant tout acte d'agression commis par un homme envers une femme avec laquelle il a une relation intime. L'agression envers la femme peut être verbale ou physique.

Violence psychologique : la violence psychologique est habituellement considérée comme un acte de commission. On peut donner comme exemples d'actes de violence psychologique le rejet, l'intimidation, l'isolement, l'exploitation, l'humiliation, la corruption et l'absence de réponses affectives.

 

- Exploitation sexuelle: par exploitation sexuelle, on entend généralement l'exploitation sexuelle des enfants et cette forme de violence peut comprendre des comportements comme l'agression sexuelle, les attouchements sexuels, l'incitation à des attouchements, les actes d'exhibitionnisme ou les formes d'exploitation comme la prostitution ou la pornographie.

 

- Conséquences des mauvais traitements: on ne croit pas que les mauvais traitements entraînent un retard général de développement chez les enfants qui en sont victimes, mais plutôt des problèmes dans des domaines précis et à des stades précis du développement. Ainsi, les mauvais traitements ont été associés à un grand éventail de difficultés d'adaptation. Les enfants victimes de mauvais traitements ont des rapports beaucoup plus agressifs avec leurs parents ou leurs pairs que les enfants qui proviennent de milieux non violents.

Les enfants victimes de mauvais traitements ont également été décrits comme présentant un plus grand nombre de symptômes d'intériorisation. Les enseignants de ces enfants les décrivent comme étant plus agressifs et ayant besoin de plus de discipline que les autres.

 

- Mauvais traitements et délinquance: le sujet principal de notre étude est la relation entre les mauvais traitements subis durant l'enfance et les comportements délinquants ou à risque durant l'adolescence. Diverses études montrent qu'il existe une relation entre ces deux phénomènes. Ainsi, les adolescents qui ont été victimes de mauvais traitements pendant l'enfance sont en général plus susceptibles de commettre des actes de délinquance. En moyenne, les adultes qui auraient subi de la violence et de la négligence dans leur enfance auraient commencé plus jeunes à commettre des infractions et ils en auraient commis un plus grand nombre.

Le fait d'avoir subi des mauvais traitements pendant l'enfance aurait aussi un effet sur la nature des infractions commises plus tard. Ainsi, les adolescents qui auraient subi des mauvais traitements pendant leur enfance risqueraient davantage que les autres de commettre des crimes violents, comme des agressions.

 

- Fonctionnement de la famille: dans les familles violentes, on retrouve souvent aussi des problèmes fonctionnels autres que les comportements violents. Il faut donc tenir compte aussi bien des autres aspects du fonctionnement de la famille que des facteurs liés à la violence lorsqu'on étudie les comportements à risque chez les adolescents. Ainsi, parmi les familles qui donnent du soutien affectif et psychologique à leurs enfants, qui leur offrent des modèles de rôle traditionnels, qui exercent un certain contrôle social sur leur comportement et où il existe un attachement étroit entre parents et enfants, les taux de délinquance ont tendance à être moins élevés que dans les autres familles.

D'après la théorie de l'attachement, les enfants qui ont établi des liens solides avec un parent se créent une « image » du parent type. Ils le voient comme une personne réceptive et accessible et ils se voient eux-mêmes comme dignes d'être aimés. Les enfants victimes de mauvais traitements auraient plus de difficulté à établir des liens solides avec les principales personnes qui s'occupent d'eux et à se forger un modèle positif d'eux-mêmes. Les enfants qui ont un attachement précaire à leurs parents seraient moins capables que les autres de nouer des liens avec leurs semblables ou avec d'autres adultes. Quand l'attachement est précaire, l'enfant ne peut pas intégrer les valeurs parentales et sociétales liées à l'obéissance et au travail, et il manque de contrôle intérieur. Le modèle parental de résolution des conflits est un autre facteur important qui influence les enfants : ceux-ci ont tendance à utiliser des méthodes semblables à celles de leurs parents lorsqu'ils se trouvent eux-mêmes en situation de conflit. Si les enfants sont exposés à des comportements agressifs fréquents à la maison, ils ont alors davantage l'occasion d'observer et d'imiter ces comportements. Ils placent les réactions agressives à la tête de leur répertoire et ils en viennent à considérer ces réactions comme efficaces.



- Mesure des mauvais traitements: la définition des diverses formes de mauvais traitements et l'obtention de renseignements valides constituent deux difficultés particulières qu'on rencontre dans la recherche sur les mauvais traitements à l'égard des enfants. Ces difficultés tiennent au fait que les mauvais traitements peuvent se produire sur une longue période de temps et qu'ils peuvent prendre différentes formes. Des erreurs de mesure peuvent provenir des diverses sources d'information en raison d'effets réactifs, d'un biais ou d'une distorsion dans les réponses, de réponses non spécifiques et de la pression sociale.

Malgré ces difficultés, on constate que l'évaluation des mauvais traitements au moyen d'une mesure globale était généralement aussi efficace que les mesures de la fréquence, de la gravité, de la durée et du nombre des différentes formes de mauvais traitements. De plus, les résultats qu'ils ont obtenus montrent un effet de seuil : tout acte de violence assez grave pour être porté à l'attention d'un organisme de protection de l'enfance entraîne chez l'enfant un risque de développer plus tard un comportement délinquant. Une fois ce seuil dépassé, les autres incidents de violence ou même les cas plus graves de violence n'entraînent pas de hausse considérable du risque de délinquance.

 

- Victimisation multiple: on sait que les enfants peuvent être victimes de plus d'une forme de mauvais traitements. Ainsi, le chevauchement des cas d'exposition à la violence conjugale et de violence physique. Peu de chercheurs ont examiné directement le lien entre la victimisation multiple durant l'enfance et les comportements à risque à l'adolescence. On croit que le fait d'avoir été exposé à plus d'une forme de mauvais traitements augmente les probabilités d'un comportement à risque.

 

- Résumé et recommandations de la recherche: il a été établi qu'il existe une relation entre les mauvais traitements reçus pendant l'enfance et la délinquance à l'adolescence. Toutefois, les conséquences propres à chaque forme de mauvais traitements ou à la victimisation multiple sont moins claires. On a aussi laissé entendre qu'en plus des facteurs liés aux mauvais traitements, d'autres facteurs liés au fonctionnement de la famille auraient un lien avec l'adaptation des adolescents.

A la lumière des considérations formulées ci-dessus, la présente étude avait pour objet d'examiner les questions suivantes :

1) Les conséquences des mauvais traitements sur le fonctionnement personnel des adolescents : nous nous attendions à ce que les adolescents qui avaient été victimes de mauvais traitements aient davantage de problèmes de comportement (intériorisation et extériorisation) ainsi que des lacunes sur le plan des compétences sociales.

2) La relation entre les antécédents de mauvais traitements et les comportements à risque chez les adolescents : nous nous attendions à ce que les adolescents qui avaient été victimes de mauvais traitements aient davantage de comportements à risque que les autres.

3) La relation entre certaines formes de mauvais traitements (p. ex. la violence physique) et certains comportements à risque (p. ex. la consommation de drogue) : vu le nombre limité de travaux effectués à ce jour dans ce domaine, nous n'avions fait aucune prévision quant à la relation entre ces variables.

4) Les conséquences de la victimisation multiple sur l'adoption de comportements à risque : nous avions prévu que les adolescents qui avaient été victimes de plus d'une forme de mauvais traitements auraient davantage de comportements à risque que ceux qui n'avaient pas d'antécédents de mauvais traitements ou qui n'avaient subi qu'une seule forme de mauvais traitements.

5) La relation entre les mauvais traitements et les facteurs liés au fonctionnement de la famille : nous nous attendions à ce que les familles violentes soient caractérisées par des modes de fonctionnement moins sains (p. ex. plus hauts niveaux de conflit, plus faibles niveaux d'organisation) que ceux qu'utilisent les familles non violentes. De plus, nous prévoyions qu'un plus grand nombre de familles violentes auraient des antécédents de maladie mentale, de toxicomanie, de mauvais traitements et d'infractions criminelles.

 

- Résultats de l'enquête proprement dite: avant de commenter les divers résultats de notre recherche, rappelons au lecteur qu'en raison de la conception de l'étude, il ne nous est pas possible d'établir s'il existe une relation de cause à effet entre les mauvais traitements subis durant l'enfance et l'adoption ultérieure de comportements à risque. La relation d'antécédents de mauvais traitements et de divers comportements à risque a toutefois des conséquences sur la pratique clinique, la recherche scientifique et l'établissement de politiques dans le domaine du travail auprès des adolescents.

 

- Mauvais traitements: il est frappant de constater que des adolescents déclarent avoir subi des mauvais traitements. La violence psychologique et la violence physique sont les formes de mauvais traitements dont les jeunes ont été le plus souvent victimes, suivies de la négligence, de l'exploitation sexuelle et de l'exposition à la violence conjugale. On a constaté une forte relation entre les diverses formes de mauvais traitements déclarés par les adolescents. Ainsi, une plus grande proportion d'adolescents a subi plus d'une forme de mauvais traitements. En effet, les deux tiers des adolescents qui ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements avaient subi plusieurs formes de mauvais traitements. De plus, les adolescents qui avaient été victimes de plusieurs formes de mauvais traitements étaient plus susceptibles d'adopter des comportements à risque et d'avoir des problèmes cliniquement significatifs de fonctionnement individuel que ceux qui n'avaient signalé qu'une seule forme de mauvais traitements.

Ces résultats donnent à penser que les antécédents de mauvais traitements augmentent les probabilités qu'un adolescent adopte des comportements à risque et que l'exposition à plus d'une forme de mauvais traitements augmente encore davantage les probabilités. De plus, si on sait qu'un adolescent est victime d'une forme de mauvais traitements, il serait important de faire une évaluation pour dépister les autres formes de mauvais traitements dont il pourrait également être victime.

 

- Antécédents familiaux: les caractéristiques de la famille des adolescents qui avaient subi des mauvais traitements différaient sur plusieurs points de celles de la famille non violente. Comparativement aux autres adolescents, les adolescents qui ont été victimes de mauvais traitements étaient plus susceptibles d'avoir des antécédents familiaux (touchant un parent, un frère ou une soeur) de maladie mentale, de toxicomanie, de mauvais traitements ou d'infraction criminelle. De plus, ces adolescents ont défini leur milieu familial comme étant caractérisé par un faible degré de cohésion, un niveau élevé de conflits, un faible niveau d'indépendance et d'organisation. Les relations de ces jeunes avec leurs parents se sont aussi avérées être un point faible dans leur estime de soi. Les divers aspects de la vie familiale constituent une importante source d'information qui permet de comprendre le fonctionnement des adolescents. La participation de la cellule familiale reste un élément important pour la détection et l'intervention.

 

- Adaptation des adolescents: les mauvais traitements déclarés par les adolescents étaient associés à plusieurs problèmes d'adaptation. Les adolescents qui avaient subi des mauvais traitements ont été plus nombreux à déclarer des problèmes liés à l'intériorisation (p. ex. anxiété, dépression) et à l'extériorisation (p. ex. agressivité, délinquance), et des problèmes d'estime de soi par rapport à leur personnalité générale et aux relations avec leurs parents.

 

- Comportements à risque: les adolescents qui avaient subi des mauvais traitements étaient également plus nombreux que les autres à avoir adopté certains comportements à risque. Plus précisément, ils avaient plus souvent commis des fugues, été accusés d'une infraction criminelle, eu des idées suicidaires et consommé des cigarettes, de l'alcool ou de la drogue. Bien que les antécédents de mauvais traitements aient été associés à de plus grandes probabilités de consommer des substances intoxicantes, la relation était plus forte pour la consommation de drogue et de cigarettes et un peu plus faible pour la consommation d'alcool. Cette différence peut s'expliquer par le fait que les expériences de consommation d'alcool ont tendance à être généralisées parmi les adolescents, qu'ils aient ou non été victimes de mauvais traitements; la consommation d'alcool constitue donc une question importante à elle seule.

La prévalence des idées suicidaires parmi les adolescents ayant subi des mauvais traitements est particulièrement troublante.

On a trouvé une forte relation entre les divers comportements à risque examinés dans l'étude. Lorsqu'un adolescent déclarait avoir un comportement à risque, il déclarait souvent aussi d'autres comportements à risque. Mentionnons encore une fois que lorsque l'on travaille auprès d'adolescents dont on sait qu'ils ont un comportement à risque, on devrait chercher à détecter les autres comportements à risque qu'ils pourraient avoir.

 

- Limite de l'étude: la présente étude comporte plusieurs limites dont il faut tenir compte, car elles ont des conséquences sur l'interprétation des résultats. Premièrement, la taille de l'échantillon était trop petite pour permettre des analyses en profondeur au sein des divers groupes. Ainsi, il n'a pas été possible d'effectuer des analyses complètes comparant les adolescents victimes de plusieurs formes de mauvais traitements avec ceux qui n'avaient été victimes que d'une seule forme de mauvais traitements. Deuxièmement, les informations sur les antécédents de mauvais traitements ont été recueillies exclusivement par auto déclaration. Les renseignements obtenus de cette façon peuvent être biaisés. Ainsi, dans la présente étude, aucun répondant de sexe masculin n'a déclaré avoir été victime d'exploitation sexuelle. Cependant, les renseignements qui ont été donnés ne reflètent probablement pas toute l'ampleur des problèmes, ce qui rend les résultats de l'étude encore plus frappants.

Troisièmement, les comportements à risque, les antécédents familiaux et le fonctionnement individuel ont également été mesurés exclusivement à partir des réponses des adolescents. Il serait utile de consulter des sources d'information indépendantes comme les rapports de police, les dossiers scolaires, etc. pour mieux comprendre les questions liées aux mauvais traitements.

 

- Recommandations de la recherche: nous suggérons les recommandations suivantes pour les recherches ultérieures qui porteront sur les conséquences des mauvais traitements sur les comportements à risque des adolescents.

1. En raison de la façon dont nous avons choisi l'échantillon dans la présente étude, il ne nous est pas possible d'établir des taux normatifs pour la prévalence des antécédents de mauvais traitements ou des comportements à risque. Il faudrait pour les travaux ultérieurs obtenir un vaste échantillon normatif d'adolescents pour évaluer avec une plus grande précision la prévalence de ces problèmes.

2. Bien qu'on ait déterminé que les mauvais traitements subis dans l'enfance sont probablement liés à l'adoption de comportements à risque à l'adolescence, une étude longitudinale permettrait d'établir cette relation avec plus de précision.

3. Dans le cadre de la présente étude, nous avons obtenu des cotes globales pour cinq différentes formes de mauvais traitements. Nous avons eu recours à cette méthode en partie pour que les questionnaires puissent être administrés en milieu scolaire. Pour en savoir davantage sur la nature, l'intensité et la durée des mauvais traitements, il faudrait élaborer un questionnaire plus détaillé. On pourrait demander aux jeunes qui ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements de remplir ce questionnaire. Ainsi, dans des travaux ultérieurs, on pourrait faire la distinction entre les mauvais traitements infligés par des membres de la famille immédiate et ceux qui ont été infligés par d'autres personnes.

4. On a décelé des différences entre les sexes dans la prévalence des diverses formes de mauvais traitements déclarées. Dans des travaux ultérieurs avec notre ensemble de données ou avec d'autres échantillons, il faudrait examiner les différentes tendances dans les comportements à risque selon le sexe et par rapport à diverses formes de mauvais traitements.

5. Il serait important de vérifier si les comportements à risque déclarés correspondent aux comportements réels. Par exemple, si un adolescent a déclaré participer à des activités criminelles, on pourrait examiner son casier judiciaire. Ce genre de preuves permettrait de mieux comprendre les comportements à risque des adolescents. On estime cependant qu'il est probable que les comportements à risque déclarés dans le cadre de la présente étude constituent une sous-estimation de la réalité.

6. Dans la présente étude, nous avons trouvé des relations significatives entre les comportements à risque des adolescents et certaines variables relatives à la famille comme la présence de maladie mentale, de consommation de drogue, d'un comportement criminel et de mauvais traitements. Dans des travaux ultérieurs, il faudrait tenir compte d'autres variables que les antécédents de mauvais traitements qui peuvent aussi causer des problèmes d'adaptation à l'adolescence et augmenter les probabilités que les jeunes adoptent des comportements à risque.

7. Dans la présente étude, nous n'avons pas trouvé une forte corrélation entre les antécédents de mauvais traitements et la fréquentation scolaire ou les projets d'étude, peut-être parce que tous les participants fréquentaient encore l'école et que ceux qui risquaient davantage de décrocher l'avaient probablement déjà fait. Pour mesurer plus efficacement la relation entre les mauvais traitements et le décrochage scolaire, il faudrait inclure dans l'échantillon des adolescents ayant déjà quitté l'école. Un autre facteur qui peut expliquer la faible relation entre les deux phénomènes est le type d'information qui a été recueillie sur la fréquentation scolaire et sur le risque de décrochage. Même les adolescents qui ont déclaré avoir des difficultés à l'école n'ont pas parlé de projet de quitter l'école prématurément.

L'importance de la présence du psychologue dans l'institution éducative : les conclusions de la présente étude montrent qu'il serait nécessaire de mettre en place des programmes de prévention et d'intervention précoce. Tout effort orienté vers la prévention ou le dépistage précoce de la violence à l'égard des enfants et des jeunes peut avoir un effet direct sur la prévention des comportements à risque ou sur l'adoption de ces comportements à l'adolescence. De même, les interventions précoces auprès d'adolescents qui ont des comportements à risque assez marqués peuvent aider à enrayer l'évolution de ces comportements avant qu'ils ne deviennent solidement établis.

Les interventions auprès des adolescents qui ont des comportements à risque sont également d'une grande importance. Ces jeunes ont habituellement plusieurs problèmes et ils risquent de continuer à adopter des comportements déviants. Les intervenants doivent être particulièrement sensibles à la relation des comportements à risque et ils devraient procéder à une évaluation pour dépister les autres comportements à risque lorsque l'un d'entre eux est présent.

La présente étude montre l'importance de considérer les mauvais traitements ainsi que les antécédents familiaux de comportements à risque et de problèmes d'adaptation comme des facteurs importants de la manifestation de comportements à risque à l'adolescence. Les programmes, qui viseront les enfants et les jeunes à risque élevé et leur famille sur une période de temps suffisante, pourront aider à diminuer les facteurs de stress qui sont présents dans leur vie et à favoriser des relations interpersonnelles saines.

 

i- LES CLASSES ET ATELIERS RELAIS :



Le travail en groupe : approche par compétences : nous nous adressons aux enseignants qui sont directement impliqués dans la relation éducative scolaire et qui remettent en question l'idée, selon laquelle, les apprentissages sont directement issus de la confrontation d'un système cognitif isolé (celui de l'élève) et d'un savoir « savant » (exposé par l'enseignant ou construit à partir d'un travail individuel de l'élève). Dans cette perspective, nous poursuivons deux objectifs coordonnés.

Le premier est de rappeler quels sont les fondements théoriques de pratiques d'enseignement de type socioconstructiviste, et plus précisément, d'un dispositif de travail en groupe à l'école. Pour ce faire, seront rappelées succinctement les élaborations fondamentales relatives à la compréhension des mécanismes psychosociaux susceptibles d'expliquer l'accroissement des connaissances, et plus généralement le développement des compétences intellectuelles subséquentes à un travail en contexte interactif. Le second, plus pragmatique, est de montrer à l'aide d'exemples, attestant d'effets positifs sur la cognition individuelle des participants, comment on peut analyser les médiations cognitivo-langagières accomplies au sein d'un travail en groupe d'élèves d'âge préscolaire ou scolaire et pourquoi on peut considérer que ce sont ces dernières qui jouent un rôle constructeur.

Ce travail s'adresse donc en priorité aux enseignants qui, par souci que chaque élève entende le savoir à n'acquérir, par crainte de ne pas avoir les moyens de contrôler l'activité cognitive de chaque élève, par manque d'expérience ou tout simplement par ignorance des développements récents d'une approche socio-constructiviste de l'apprentissage et de l'enseignement, n'organisent pas de travail de groupe en classe et préfèrent enseigner de manière « frontale » et/ou en organisant des séquences de résolution individuelle de situations-problème. Mais il s'adresse aussi aux nombreux enseignants pour lesquels, le travail en groupe et les débats en classe constituent des pratiques innovantes (même si elles sont très anciennes !), qui trouvent de l'intérêt à mettre en place ces types de dispositifs (pour les élèves, bien sûr, mais aussi pour eux-mêmes) et qui désirent poursuivre leur réflexion quant aux mécanismes psychologiques impliqués. Il peut enfin apporter une aide aux formateurs d'enseignants, qui considèrent que l'apport des thèses socio-constructivistes de l'apprentissage et de l'enseignement représente une avancée en matière de connaissance des processus d'apprentissage et du développement cognitif, et qui souhaitent disposer d'exemples concrets, pour illustrer en la matière leurs dispositifs de formation initiale et/ou continue des professeurs des premier et second degrés.

Nous dirons que le travail en groupe peut s'avérer intéressant à tous les niveaux de l'enseignement, qu'il soit organisé pour faire acquérir un contenu disciplinaire spécifique dans les trois cycles: l'école primaire, le cycle moyen et le cycle secondaire.

A suivre