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L'exercice de la médecine, de la chirurgie dentaire et de la pharmacie en Algérie: Inadéquation entre la législation et la réalité sur le terrain

par Driss Reffas *

Le médecin, le chirurgien dentiste ou le pharmacien, est un citoyen qui exerce une activité à risques au sein d'une profession organisée. En tant que citoyen, il répond de ses actes devant la société.

Le médecin, le chirurgien dentiste ou le pharmacien, est un citoyen qui exerce une activité à risques au sein d'une profession organisée. En tant que citoyen, il répond de ses actes devant la société.

La pratique de la médecine et de la chirurgie dentaire ou de la pharmacie en Algérie, est régie par la loi 85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé appelée communément «code de la santé», modifiée et complétée par la loi 90-17 du 31 juillet 1990 et, par le décret exécutif N° 92-276 du 06 juillet 1992 portant code de déontologie médicale.

Cela veut dire tout simplement, qu'une personne titulaire d'un diplôme de médecin, de chirurgien dentiste ou de pharmacien, ne peut en aucun cas, ni consulter, ni prescrire, ni délivrer de certificat ou émettre un avis d'expertise s'il n'est pas autorisé à exercer.

Le code de déontologie médicale est l'ensemble des principes, des règles et usages que tout médecin, chirurgien dentiste et pharmacien doit observer ou dont il s'inspire dans l'exercice de sa profession.

Cela veut qu'en s'inscrivant auprès de sa section ordinale compétente, le praticien s'engage à respecter les règles déontologiques lesquelles sont teintées de morale, de droit et d'aspects purement professionnels.

Malheureusement, il est navrant de constater que les professions médicales dont les actes constituent un ensemble de démarches scientifiques effectuées dans tous les domaines de la santé en vue de formuler un diagnostic, suivi si nécessaire, dans le seul intérêt de la santé du patient, de la mise en oeuvre d'une thérapeutique préventive ou curative, médicale et/ou chirurgicale se trouvent confrontées à des conditions mettant le praticien dans la situation inconfortable de pratique médicale non autorisée réprimée par la loi.

Le code de la santé dans son article 199(loi 90-17 du 31 juillet 1990) stipule:» Pour être autorisé à exercer, le médecin, le chirurgien dentiste ou pharmacien remplissant les conditions prévues aux articles 197 et 198, doit s'inscrire auprès du conseil régional compétent» L'article se résume à ce que la pratique médicale est subordonnée à une autorisation de Monsieur le Ministre de la santé, sous la condition d'être titulaire de l'un des diplômes algériens cités, être de nationalité Algérienne et impérativement inscrit au tableau de l'ordre. De ce fait, l'inscription est une condition sine qua none dans l'autorisation d'exercice d'une fonction médicale, telle que définie dans l'article 204 du code de déontologie médicale (décret exécutif 92/276 du 06 juillet 1992 du chef du gouvernement de la république Algérienne Démocratique et populaire): «Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien dentiste, de pharmacien en Algérie s'il n'est pas inscrit au tableau, sous peine d'encourir les sanctions prévues par la loi.

Cette disposition ne s'applique pas toutefois aux médecins, chirurgiens dentistes, aux pharmaciens en activité dans les services de la santé militaire».

En conséquence, il est clairement certifié que tout praticien non inscrit au tableau de sa section ordinale régionale, n'est pas autorisé à exercer, et peut être poursuivi pour exercice illégal de la médecine, de la chirurgie dentaire ou de la pharmacie (article 243 du code pénal). il a fallu attendre encore 2 ans, après la loi 90-17 pour qu'apparaisse le décret exécutif n° 92-276 du 6 juillet 1992 portant Code de déontologie. Ainsi, et après les élections supervisées par le ministère de la santé, les différentes sections ordinales régionales et nationales ont été installées.

A ce jour, des praticiens médicaux déjà en exercice avant la promulgation du décret exécutif portant code de déontologie, n'ont jamais été inquiétés malgré l'article 268 bis de la loi 90-17 du 31 juillet 1990 qui formule:»Les médecins, chirurgiens dentistes et pharmaciens exerçant à la date de publication de la présente loi, sont tenus de s'inscrire auprès des conseils régionaux de déontologie médicale, dés leur constitution».

Il est vrai que ces praticiens ont été autorisés a exercer tel que stipulé dans les articles 197 et 198 de la loi 85-05 et ce, bien avant la promulgation du décret exécutif portant code de déontologie.

Aujourd'hui, cette autorisation demeure caduque tant que le praticien ne s'est pas inscrit auprès de la de la section ordinale de sa région. Un praticien médical de santé publique ou privé, non inscrit au tableau de l'ordre de sa région est, dans un concept purement réglementaire, automatiquement non inscrit au niveau des listes des praticiens autorisés à prescrire auprès des caisses de sécurité sociale. Malencontreusement, dans notre pays, les caisses (CNAS, CASNOS,) honorent tout les actes (remboursement des frais médicaux, congés de maladies, expertises, etc.) sans se soucier de la validité de l'acte médical. Faut-il encore savoir, si le corps médical recruté en qualité de praticien conseil au niveau de ces caisses est autorisé à exercer. Dans le cas contraire, toutes les décisions prises en défaveur des assurés sont nulles et non avenues et peuvent faire cas de jurisprudence.

Dans le même ordre d'idées, on pe ut citer des cas similaires:

1-Dans le cadre du contrat préemploi (CPE) mis en place par le gouvernement pour l'insertion des jeunes diplômés dans le monde du travail, une affectation est délivrée au médecin, chirurgien dentiste ou pharmacien, recensé au niveau de l'agence nationale de l'emploi (ANEM) et après signature d'un contrat, selon les besoins des établissements de santé par la direction de la santé, sans exiger au préalable l'inscription obligatoire au niveau du tableau de l'ordre de la section ordinale régionale.

2-Le recrutement effectué au niveau des écoles, des établissements, des direction générales de wilaya, des caisses de contrôles des assurances, des CMS, des cités universitaires, relevant du ministère de l'intérieur, de la sécurité sociale, des finances, de la justice, de l'enseignement supérieur, échappe généralement aux directions de santé, et de fait ces praticiens ne figurent pas sur les tableaux des différentes sections ordinales régionales. Dans les trois cas de figure, la responsabilité civile incombe aux employeurs, quoique les assurances ne prennent en charge que les praticiens qui sont autorisés à exercer et la responsabilité pénale est partagée entre le praticien et l'employeur.

En conclusion, il existe dans notre pays un dysfonctionnement entre les textes qui régissent la pratique autorisée des professions médicales, et l'administration censée contrôler la pratique médicale au niveau des structures de santé publique, privées et parapubliques. En plus, ce qui est étonnant et incompréhensible, c'est l'ignorance des textes (code de la santé et code de déontologie) par le praticien qui sont pourtant normalement inclus dans le module de médecine légale durant son cursus de formation. Aujourd'hui, et à l'instar de la communauté internationale, il est fortement souhaitable, et ce dans l'intérêt de la protection de la pratique médicale dans notre pays que :

1- d'une part, le ministère de la Santé de la population et de la réforme hospitalière, n'autorise aucun praticien à exercer sans qu'il soit, au préalable, inscrit au tableau de l'ordre de sa profession et,

2- d'autre part, le praticien (médecin, chirurgien dentiste et pharmacien) endosse l'entière responsabilité (civile, pénale ou disciplinaire) s'il exerce, ou est autorisé à exercer, sans être au préalable inscrit au tableau de l'ordre de sa profession.

C'est là la conception d'une république moderne, c'est-à-dire une république qui respecte les lois et textes rédigés par ses institutions.




* Conseiller régional et national de la section ordinale des Chirurgiens dentistes.