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Agriculture : L'effacement des dettes est-il suffisant ?

par Amine L.

Les mesures annoncées, samedi dernier par le président Abdelaziz Bouteflika, à Biskra, ont été différemment accueillies dans les milieux agraires. Tour d'horizon des réactions du monde agricole.

L'agriculture revient régulièrement sur le devant de la scène au gré des échéances électorales. Et des publications des bilans des importations alimentaires. Encensée par certains et mise au banc des accusés par d'autres, la politique agricole appliquée depuis dix ans serait pour les uns «en bonne voie», pour les autres «pas assez efficiente». Premier à réagir : M.Hassani, ingénieur agronome et membre de la chambre d'agriculture relève dans le discours du président «un aveu que les modes d'exploitation sont souvent archaïques.» D'où son «appel aux investisseurs à s'engager dans la production agricole nationale pour apporter le savoir-faire et la technologie.» Pour notre interlocuteur, «tout effort devra se conjuguer avec le développement des technologies d'irrigation plus économes.» Ce dernier réclame «l'indispensable remise à niveau pour accompagner la mise en oeuvre de ces programmes de développement du secteur.» Pour M.Hassani, «des actions de sensibilisation doivent être menées en vue d'inciter les agriculteurs à moderniser leurs techniques de production avec pour objectif ultime l'amélioration de la productivité.» C'est en somme un plaidoyer afin d'«aider les agriculteurs et éleveurs à maîtriser au mieux les nouvelles techniques de production, à travers notamment l'organisation de sessions de formation assurées par des équipes techniques et des chercheurs.» Un cadre de la Direction des services agricoles que nous avons interrogé, se félicite de la mobilisation de 200 milliards de dinars annuels au profit du secteur. La plus grosse facture du secteur est constituée des subventions du lait et des céréales.

L'Etat qui débourse chaque année près de 190 milliards de dinars, continuera à dépenser presque autant (200 milliards de dinars par an). Les autres subventions du secteur agricole ont consommé 350 milliards de dinars en dix ans. Après l'effacement de 14 milliards de dinars de dettes en 2002, l'Etat épongera encore les dettes contractées par les agriculteurs et les éleveurs, soit 41 milliards de dinars.

Bouteflika s'est dit décidé à ouvrir davantage les vannes financières pour extirper le pays de la dépendance alimentaire des importations. Le pays est un grand débouché des exportations agricoles des pays céréaliers et laitiers. La facture alimentaire à l'importation a explosé : de moins de 3 milliards de dollars en 2003 elle est passée à près de 8 milliards de dollars en 2008. Un état de fait qui contraste avec la croissance moyenne annuelle de 6% depuis 2000, année du lancement d'un plan national de développement agricole et rural (PNDAR). Le ministère de tutelle se félicite «d'avoir étendu d'un demi million d'hectares la superficie agricole utile, de faire planter autant d'hectares en arboriculture, d'avoir doublé les surfaces irriguées avec, à la clef, un million d'emplois directs et indirects créés.» Pour le reste, les décisions du président concernent le maintien, voire le relèvement des subventions dans tous les segments agricoles et l'octroi d'aides en nature aux agriculteurs.

Une rallonge financière destinée à doper les subventions. Un enseignant à l'institut d'agronomie d'Alger voit dans les annonces du Président «une politique à deux instruments : un dopage financier sans précédent et un soutien en amont et en aval aux productions.

Les objectifs étaient clairs : rendre à notre pays son indépendance alimentaire en offrant des prix raisonnables aux consommateurs, moderniser notre agriculture en assurant des revenus équitables aux paysans.» Et cet enseignant d'enchaîner : «Nous ne devons pas être naïfs. Toutes les régions du monde se défendent et se protègent à coup de subventions. Il n'y a donc pas de fatalité en un recours systématique aux subventions.

C'est ce principe de souveraineté alimentaire qui justifie une protection pour notre secteur agricole. Il faut maintenant importer le savoir-faire agricole.» Un membre de l'office professionnel des céréales trouve que les annonces du président «vont dans le bon sens.» «Ce qu'il faut désormais, dit-il, c'est huiler les rouages de l'administration qui sont lourds. Cela vaut tant pour les perspectives budgétaires que pour l'avenirde l'agriculture.» Le secteur a également bénéficié d'une loi sur l'orientation agricole visant à asseoir les bases garantissant la sécurité alimentaire du pays. Le texte vise à définir les voies et moyens de protection, de promotion, et de régulation du secteur agricole ainsi que d'organisation de la profession, clarifiant également le mode d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat éligibles au régime exclusif de la concession.

Cette législation sera renforcée bientôt par un texte relatif aux conditions d'octroi des concessions des terres agricoles publiques, en veillant à valoriser ce patrimoine, mais aussi et surtout à préserver les droits des travailleurs de la terre.

En outre, 2008 a vu la mise en place de nouvelles mesures de soutien à l'agriculture, dont notamment la création d'un crédit sans intérêts «Rfig» au bénéfice des exploitations agricoles et des éleveurs.

Dans la foulée, des contrats de performances ont été également signés entre d'une part, les agriculteurs et les éleveurs s'engageant pour une amélioration de leurs productions, et d'autre part l'Etat qui s'engage ainsi à les soutenir dans cet effort. Il faut dire que le chantiers sont énormes : de l'aveu même du président : «L'exode rural n'a pas été ralenti, ni encore moins inversé, près de 80% de notre population sont concentrés dans les agglomérations urbaines.»