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Energie Entraves américaines sur le développement énergétique mondial

par Y. Mérabet *

Les Etats-Unis ont, dans leur ligne de mire, l'Iran, ils multiplient des pressions économiques et des menaces pour empêcher les compagnies pétrolières occidentales de participer au développement des ressources d'hydrocarbures (exploration et exploitation) dans ce pays.

Les gisements de gaz en Iran, estimés les plus grands du monde, seront développés pour approvisionner l'Asie en gaz naturel. Les réserves iraniennes avérées de gaz se montent à plus de 28.000 milliards de mètres cubes (2ième place mondiale après la Russie). La production nationale s'est élevée à 105 milliards de mètres cubes et la consommation intérieure à 105,1 milliards de mètres cubes en 2006-07.

L'anglo-néerlandais Royal Dutch Shell et l'espagnol Repsol renoncent leur retrait du projet d'aménagement du plus grand gisement gazier du monde, South Pars, en Iran. Revenant sur l'accord signé l'an passé avec Téhéran, elles ont annoncé qu'elles ne participeraient pas à la phase 13 de South Pars, un gisement situé dans les eaux iraniennes. Le groupe Total devait communiquer ses intentions à Téhéran fin 2008. le suspense persiste encore entre les deux compagnies très alléchées par cet part du lion pour l'Union européenne en quête d'énergie potentielle. Les compagnies énergétiques ne nous avaient pas habitués à une telle inconstance.

Ni Shell, ni Repsol n'arrivent plus à expliquer leur retrait officieux et aucune précision, pourtant elles étaient en pleine course serrée avec la compagnie chinoise CNOOC et le russe Gazprom. C'est sans doute sous la pression des Américains et des incertitudes géopolitiques que ces compagnies ont 'craqué'.

Il est en effet difficile pour ces compagnies pétrolières de motiver leur décision de renoncer à participer au développement de cet eldorado gazier, d'une superficie de 1.300 kilomètres carrés.

Le ministère iranien du Pétrole a annoncé que le russe Gazprom, le chinois Sinopec et la Société nationale indienne de pétrole étaient prêts à occuper la place des sociétés occidentales au cas où ces dernières renoncent à la signature des contrats.

Résultat, Shell et Repsol ont décidé de ne pas entrer dans le projet de valorisation de la phase 13 dont le coût général est estimé à 10 milliards de dollars, expliquant leur retrait par les incertitudes stratégiques et les dépenses accrues.

Le journal britannique explique toutefois le retrait des sociétés européennes par le refus de Téhéran d'arrêter l'enrichissement de l'uranium et par d'éventuelles mesures contre l'Iran.

Cette décision a été prise sur fond des pressions croissantes exercées par Washington sur la vieille Europe qui ne s'adapte plus au nouveau marché mondial de l'énergie, qui croit encore à la suprématie économique américaine. Le marché mondial est demandeur, les prix du pétrole et du gaz s'envoleront bientôt et les acteurs du secteur se livrent une concurrence acharnée pour avoir accès aux gisements.

Sans doute un motif politique prévaut, le 'bluff américain' à l'appui, Téhéran veut se doter de l'arme nucléaire et menace Israël, les Etats-Unis sont parvenus à faire adopter par le Conseil de sécurité des Nations Unies trois séries de sanctions visant l'Iran, toujours par le bluff.

Mais, même avec l'aide de la Grande-Bretagne et de la France, Washington n'a pas, à ce jour, obtenu de la communauté internationale que les sanctions soient étendues au domaine de l'énergie.

L'enjeu est de taille : l'exploitation des hydrocarbures représente, avec 70 milliards de dollars, 80 pour cent du revenu annuel en devises étrangères de l'Iran.

L'administration du Président Bush, qui ne répugne pas à l'unilatéralisme, a mis en place son propre boycott.

Elle s'emploie à le faire respecter y compris par les entreprises européennes en exerçante toute la gamme des pressions politiques, diplomatiques et économiques.

Les banques, particulièrement visées, ont été ainsi informées que financer des projets pétroliers en Iran pouvait leur interdire l'accès au marché financier américain.

Cependant, d'un point de vue technique, un alignement sur ce boycott de l'Iran fait peser un risque de tension sur l'approvisionnement en énergie de l'Europe, qui vient de marquer son point par la crise russo-ukrainienne.

Les clients pour les hydrocarbures iraniens ne manquent pas. Téhéran a d'ailleurs prévenu que Gazprom pour la Russie, Sinopec pour la Chine, l'INOC pour l'Inde et SKS pour la Malaisie, étaient sur les rangs pour prendre la place des compagnies européennes dans South Pars.

L'Iran, l'Inde et le Pakistan viennent également de relancer le projet de gazoduc reliant les trois pays, en souffrance depuis plusieurs années en raison de l'obstruction des Etats-Unis.

La signature formelle pour ce gazoduc est prévue pour le début de l'année en cours. L'accord a été annoncé par le président iranien, Mahmud Ahmadinejad, lors de sa dernière visite à Islamabad et à New Delhi.

Malgré ses mauvaises interventions, Washington n'a pu empêcher le Pakistan et l'Inde, ses deux principaux alliés stratégiques dans le sous-continent asiatique, de se mettre d'accord avec Téhéran sur un projet d'un montant de 7,6 milliards de dollars qui « désenclave » l'Iran.

L'Iran moderne, y compris depuis la révolution islamique, regardait vers l'ouest et l'Occident.

Il n'est pas de l'intérêt des pays européens de contraindre Téhéran à regarder vers l'est et l'Asie, où ses voisins immédiats lui offrent accès à la technologie, débouchés pour ses hydrocarbures et des marchés pour ses besoins en produits manufacturés.

Dans ce Proche-Orient où se trouvent une grande partie des ressources mondiales connues de pétrole et de gaz, les Etats-Unis ont conquis l'Arabie Saoudite et ses richesses pétrolières, mais aussi celles de l'Irak.

Les compagnies américaines verrouillent les gisements pétroliers de l'Irak, à la faveur de l'occupation militaire qui va rester longtemps.

Si les sanctions imposées par Washington contraignent l'Iran à se tourner vers l'Asie, que pourra-t-il bien rester à l'Europe pour assurer son indépendance énergétique ?

La Suisse, qui refuse la solidarité de l'Union européenne, est passée outre. Aux termes d'un contrat d'un montant de 27 milliards d'euros signé fin avril, l'Iran lui fournira pendant 25 ans du gaz à la compagnie suisse Elektrizitäts-Gesellschaft Laufenburg (EGL). Pour le petit pays suisse qu'il est, a été menacé par les Etats-Unis de lui retirer le rôle de représentant des intérêts américains à Cuba et en Iran, qu'elle assure depuis que Washington a rompu ses relations diplomatiques avec ces deux pays.

Total avait obtenu, comme Shell et Repsol, une option sur le développement de South Pars. La compagnie pétrolière française essaie de tergiverser mais l'Iran entend la contraindre à se prononcer, elle est point dans l'inquiétude, les débouchés n'y manquent pas. La réponse de la France donnera une bonne idée de son indépendance vis-à-vis de Washington, ainsi que de la volonté et des capacités de Paris à suivre une politique indépendante.

L'Afrique, marginalisée par les Etats-Unis et l'Union européenne, reste un nouveau eldorado pour les investisseurs iraniens et russes, les deux puissances énergétiques dans le monde.

L'Iran comme la Russie souhaitent prendre part à la construction du gazoduc transsaharien,

« Transsaharian Gas Pipeline » (TSGP), reliant Nigeria, Algérie, Europe. « Il est bien évident que cela nous intéresse », a déclaré le P-DG du géant gazier russe, Alexeï Miller, en marge de la visite de Poutine en Libye. Miller estime que la compagnie russe dispose de « capacités suffisantes pour mener un tel projet ». Les délégations iraniennes sillonnent les capitales africaines pour mesurer leurs investissements sur ce mégaprojet. Les déclarations du P-DG de Gazprom interviennent quelques jours après l'annonce par le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, que la signature du «Mémorandum of understanding (MOU) pour la réalisation du TSGP aura lieu en mai prochain entre l'Algérie et le Nigeria.

L'imposante et déterminée délégation iranienne, lors de la dernière conférence de l'Opep du 16 décembre 2008 à Oran, avait suggéré de bonnes intentions pour investir dans la pétrochimie en Algérie et en Afrique, dans le cadre du NEPAD.

Dans un entretien accordé à l'agence américaine d'informations financières Dow Jones Newswires, le ministre algérien, M. Chakib Khelil, a précisé que l'échéance de l'acheminement du gaz vers l'Europe, à travers ce gazoduc, a été fixée à 2015. Le Niger, qui sera également parcouru par le TSGP, a approuvé officiellement de se joindre à ce projet.

Entre 20 à 30 milliards de m³ de gaz naturel seront exportés du Nigeria vers l'Europe via l'Algérie à travers ce gazoduc, de 48 à 56 pouces, et d'une longueur totale de 4.128 km, dont 1.037 km sur le territoire nigérian, 841 km sur le sol nigérien et 2.310 km pour parcourir l'Algérie jusqu'à la côte méditerranéenne.

L'étude de faisabilité du TSGP, commandée en mai 2005 et livrée plus d'un an après, a été réalisée par le cabinet britannique de conseil énergétique, Penspen IPA, pour un coût de 2,04 millions. L'étude a démontré la faisabilité et la viabilité technico-économique du projet. Selon l'étude, pour assurer la rentabilité du gazoduc transsaharien, le prix du gaz devrait se situer aux alentours de 4,15 dollars le m³ (un chiffre exagéré). Le coût de la construction du pipeline est estimé initialement à 10 milliards de dollars et 3 milliards de dollars les infrastructures nécessaires devant être installées, notamment pour la collecte du gaz (Le Quotidien d'Oran du 12/09/2007 'Le gazoduc transméditerranéen, un projet fabuleux du NEPAD).

Des mesures doivent être prises par les Etats membres de l'OPEP pour casser la monopolisation de l'industrie pétro-gazière et pétrochimique détenue en Algérie par les firmes du cartel européen (allemands, italiens et britanniques). La formation de cartels européens dans les pays de l'OPEP semble avoir été encouragée par les gouvernements eux-mêmes. L'objectif visé par les firmes européennes de la cartellisation était la maximisation des prix à l'exportation et l'espionnage au profit des juifs et des Américains.

La coopération 'Sud-Sud' ou 'donnant-donnant', avec les pays amis, doit être privilégiée du 'BAOSEM', passage obligé de la corruption et de la soumission 'tout le monde' , sinon à quoi servira les accords stratégiques signés entre les chefs d'Etats, s'ils ne sont pas exécutés au niveau ministériel.




* Association Algérienne des Relations Internationales