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Louiza Hanoune au Quotidien d'Oran : «Nous voulons une réforme à la vénézuélienne»

par Entretien Réalisé Par Z. Mehdaoui

Offensive, défendant comme à son accoutumée les positions de son parti, la porte-parole du Parti des travailleurs explique, dans cet entretien, qu'elle dit avoir accordé par «exception», les raisons de son choix pour les prochaines élections, et reste convaincue que la «neutralité» devant cette échéance ne rend pas service à l'Algérie.

Le Quotidien d'Oran : Vous avez annoncé votre candidature. Qu'est-ce qui vous a poussé à participer alors que des partis de l'opposition soutiennent que les jeux sont faits et, par conséquent, il est inutile de prendre part à ce scrutin ?

Louiza Hanoune : Chaque parti est libre de participer ou de ne pas participer. Nous respectons tous les points de vue. Il nous est arrivé de boycotter et même activement en 1991, parce que nous considérions que les élections de décembre 1991 sentaient la guerre et le sang, hélas le temps nous a donné raison. Nous n'avons pas participé en 1995 et nous avons participé en 1997, mais pour ce qui est des élections locales nous nous sommes retirés parce que nos listes ont été censurées à 90 % à l'époque par le ministère de l'Intérieur. C'est-à-dire à chaque fois, notre décision est le produit d'une discussion politique de fond à l'intérieur des instances de direction et dans les structures de base du parti. Est-ce que notre participation va aider la nation à faire face à des enjeux qui se posent au moment du scrutin ?

Depuis que la crise est ouverte, à chaque fois, la souveraineté du pays, la question de la paix, l'intégrité de la nation sont des questions nationales déterminantes et qui motivent notre décision.

Bien évidement, il y a toujours l'intérêt du parti. Est-ce que cela va aider le parti à se construire, à s'exprimer, à soumettre aux Algériennes et aux Algériens des positions ? Les élections présidentielles de 2004 n'étaient pas vraiment pour nous des élections. C'était une bataille pour que notre pays ne sombre pas dans la guerre civile. En 2004, il était difficile d'imaginer un programme politique et économique normal alors que le spectre de la guerre civile était plus que présent. D'ailleurs, l'Etat était secoué violemment et nous l'avons échappé belle. Les séquelles sont d'ailleurs toujours perceptibles et notre pays n'est pas sorti totalement de la crise. Nous avons ouvert le débat. Bien sûr, nous avons réunis les conditions, c'est une tradition chez nous. Nous réunissons les conditions technico-politiques et nous ouvrons les discussions.

Est-ce que nous avons le droit aujourd'hui, en tenant compte de la situation d'observer une certaine neutralité, d'être neutre de ne pas être présent, d'abord parce que la menace est toujours là et notre pays est toujours convoité et n'est pas totalement sorti de la crise ?

Deuxièmement et justement à cause de ça, il y a un bicéphalisme qui est palpable tous les jours à travers les décisions notamment économiques. Il y a un bicéphalisme au plus haut niveau de l'Etat que même la révision de la Constitution n'a pas résorbé malheureusement jusqu'à maintenant. Nous enregistrons des déclarations ou des déclarations politiques négatives qui vont à l'encontre de l'intérêt de la nation. Nous avons posé la question et l'option d'un boycott actif a été d'emblée écartée, tenant compte de la situation que traverse notre pays. D'ailleurs, les attentats qui recommencent à l'approche du scrutin, c'est encore une fois la démonstration que nous ne sommes pas encore sortis de l'ornière et que nous sommes vraiment ciblés.

Maintenant, est-ce que nous pouvons être neutre ? Non, dès lors que cela concerne le sort de la nation. La campagne de collecte des signatures a été une sorte de sondage pour nous. Nous écoutions les citoyens, qu'est-ce qu'ils disent ? Est-ce qu'ils ont complètement abandonné le terrain de la politique ? Bien sûr, il y a ceux qui sont démoralisés, nous l'avons enregistré. Il y a aussi ceux qui ont des craintes et qui pensent qu'il y aura fraude. Nous pensons effectivement que les craintes sont fondées. La nature du scrutin a déterminé notre décision de participer ou de ne pas participer. Puisqu'on n'a jamais cru qu'en l'absence de paix on pouvait organiser des élections libres et démocratiques. D'abord, il y a toute la tradition du parti unique, je dirais même du colonialisme. Ces traditions sont restées chez certains et par la suite, nous avons plongé dans la crise et depuis l'année 1997, aucun scrutin ne s'est déroulé dans des conditions normales. Donc, nous savons que cette fois-ci, il pourrait y avoir des améliorations et des avancées, mais nous ne pouvons pas prétendre que ce sera un scrutin dans les conditions de paix, de démocratie et de clarté totale. Les citoyens le savent, ils expriment des craintes mais ils disent que nous sommes là, que nous ne laisserons pas faire et que nous voulons un changement. Cette question de changement est revenue comme un leitmotiv. Les jeunes que nous avons réussi à convaincre, parce que nous avons sillonné le pays, dans les quartiers pauvres, dans les usines, dans les universités, partout et dans les coins les plus reculés. C'est vrai que nous avons découvert des situations terribles, inimaginables dans notre pays en 2009 avec les moyens dont nous disposons. Certes, il y a eu la guerre, il y a eu le terrorisme mais cela ne justifie pas. C'est-à-dire que nous sommes encore loin d'avoir résorber tous les dégâts engendrés par la tragédie nationale. Nous sommes loin d'avoir reconstruit notre pays bien que des choses aient été faites. Oui mais ça reste très en deçà.

Et en définitive, dans le parti, nous ne soutenons ni l'option de l'abstention et encore moins l'option du boycott actif. Donc c'est sur le terrain de la démocratie que cela s'est tranché et qu'aujourd'hui nous devons être présents parce que maintenant il faut absolument restituer la parole au peuple. La souveraineté populaire est l'immunité de la souveraineté nationale. Tout notre programme revient à la parole au peuple parce que depuis l'indépendance, le déficit en matière de démocratie, au lieu de nous permettre d'avancer dans l'indépendance nationale, c'est-à-dire dans l'établissement de la plénitude de la souveraineté nationale, nous avons commencé à régresser à partir des années 1980 et après, nous avons carrément plongé dans la crise parce qu'il n'y a pas de démocratie, il n'y a pas d'institutions élues, le suffrage universel n'est pas respecté. Aujourd'hui, à notre avis, ça ne peut plus continuer. Il n'y a plus rien qui justifie cela. Le taux d'abstention qui a caractérisé les différents scrutins, et qui a culminé en 2007 au moment des législatives, est pour nous un signal d'alarme que les citoyens ont tiré massivement, dans le calme. C'est une tendance nationale très très forte et cela veut dire qu'il y a un début de démoralisation, ce qui est extrêmement dangereux. Il vaut mieux sortir manifester, y compris qu'il y est des conflits ouverts, ce qui veut dire qu'on se bat, qu'il y a encore de l'espoir et qu'on veut résoudre les problèmes, on s'adresse à l'Etat et on reconnaît encore l'Etat. Mais quand on baisse les bras, c'est la décomposition. Ca veut dire on cherche d'autres solutions, celle du banditisme ou alors la tragédie des Harraga. C'est-à-dire des solutions sans issues et c'est l'impasse. Nous avons conclu qu'il nous fallait être présents et avec force. D'abord pour poser une véritable réforme globale. Une réforme politique, c'est-à-dire restituer la parole au peuple pour qu'il choisisse ses représentants à tous les niveaux. On ne peut pas prétendre à la démocratie, même si le président ou la présidente est élue démocratiquement, dès lors qu'il n'y a pas une assemblée populaire légitime, il n'y a pas la démocratie à tous les niveaux. Nous pensons aujourd'hui qu'il faut rompre avec tout, restituer la parole au peuple après la présidentielle pour qu'il élise une véritable assemblée détentrice de tous les pouvoirs, qui pourrait rédiger une Constitution consacrant la démocratie qui détermine la propriété de la collectivité nationale, tous les secteurs qui sont inaliénables, tous les droits sociaux, politiques dans la clarté la plus totale pour qu'on marque un tournant. Pour nous, depuis le début de la crise, nous pensons que le couronnement de tout processus de paix doit consister en la restitution de la parole au peuple pour qu'il définisse lui-même la forme et le contenu des institutions dont il a besoin et pour l'exercice de sa souveraineté. Nous pensons maintenant qu'il est temps. Il est temps parce qu'il s'agit de sauver notre pays de la débâcle mondiale, de le sauver de tout ce saccage qui résulte de la crise capitaliste dont l'échec est établi mais aussi l'échec des politiques économiques qui ont été imposées à notre pays.

Nous pensons qu'il y a toutes ces hésitations, ces contradictions qui nous ont empêchés d'avancer résolument vers la sortie de crise. Qu'il s'agisse du dossier de la paix parce que les contradictions s'expriment, essentiellement dans ce dossier, dans la charte pour la paix et la réconciliation nationale du fait que l'Etat repose sur une sorte d'équilibre précaire entre les forces en présence. Ce n'est pas visible à l'oeil nu mais c'est visible dans les décisions, dans les entraves, dans les déclarations à demi-mot, y compris dans la révision de la Constitution. C'était clair et ce n'était pas tout à fait l'objectif qui avait été annoncé au point de départ. Pour nous, il faut résoudre ces contradictions, libérer l'Etat de ces contradictions, libérer le dossier de la paix de ce bicéphalisme. Pour l'option économique, protéger notre pays en prenant des mesures urgentes pour rapatrier nos fonds, pour préserver nos entreprises, pour renationaliser, c'est-à-dire pour faire ce que font les pays et les Etats sérieux. Nous voulons une réforme à la vénézuélienne pour que l'Etat se réapproprie ses richesses, pour qu'on construise une véritable industrie, qu'on s'oriente vers une vraie réforme agraire sans oublier de relancer le pouvoir d'achat en augmentant le pouvoir d'achat, les retraites en décrétant l'échelle mobile des salaires et toute une série de mesures sociales. C'est-à-dire, nous voulons marquer un tournant parce que nous avons l'espoir que ce scrutin se déroule enfin dans la sérénité. Je ne dis pas dans la démocratie, je dis dans la sérénité. Parce que les pratiques frauduleuses chez certains ce n'est pas en un mois ou à l'occasion d'un scrutin que l'on peut les résoudre.

Le Q. O. : A ce sujet, est-ce que vous pensez que les conditions sont réunies pour des élections transparentes ?

L. H. : J'ai écrit au président de la République sur mandat du comité central le 22 janvier, pour lui exposer une série de préoccupations. D'abord, concernant la protection de notre pays contre les impacts d'une extrême violence induits par la crise économique mondiale qui affecte tous les continents et aucun pays n'en sort indemne. Nous, c'est la chute des prix du baril du pétrole, mais ce sont aussi toutes les entreprises dont le complexe El-Hadjar qui, avec Arcelor-Mittal, annonce diverses mesures. Plusieurs entreprises algériennes qui ont été cédées à des multinationales et qui, maintenant, ne peuvent plus investir et qui sont en train de réduire leurs dépenses, notamment la masse salariale. Nous pensons qu'il faut créer une richesse durable, renouvelable. Donc cela n'a rien avoir avec le président. Quel que soit le président élu, nous on milite pour que ce pays reste intègre.

Deuxièmement, sur les conditions à même de permettre que le scrutin se déroule dans des conditions de transparence, de sérénité. Je disais qu'on marque un « tournant », qu'il y ait un débat qualitatif. Des mesures sociales et des mesures politiques.

Concernant les mesures politiques, nous avons essentiellement demandé la révision de la loi électorale. D'ailleurs, le projet de révision est au niveau du gouvernement depuis plusieurs mois. Parmi les mesures que nous proposons il y a la présence des observateurs des candidats au niveau des commissions administratives locales (Communes et de wilayas), car pour l'essentiel c'est là-bas que se fait la fraude. Le Premier ministre, qui avait annoncé son accord dimanche dernier, a fait savoir que le gouvernement est d'accord pour que les représentants des candidats puissent être présents dans les commissions de wilayas. Cela reste insuffisant car c'est au niveau des commissions communales que les choses sont en réalité tranchées. Ce sont des personnes qui sont choisies et désignées par le wali et quand les résultats arrivent au niveau de la commission de wilaya les jeux sont déjà faits. Est-ce que c'est un oubli ? Nous attendons la réponse. J'ai appelé et nous avons bon espoir, parce qu'il y a eu déjà un geste. Ce geste c'est la commission de surveillance des élections et nous avions plus que des réserves. C'est un facteur de décomposition à cause de l'argent. On participe à cette commission. Les représentants, ce qu'ils appellent les partis légaux et aussi des candidats, c'est-à-dire tout le monde quoi. Il y a beaucoup d'argent et il y a des gens qui vendent leurs places de représentants au niveau de ces commissions. Il y a un trafic monstre. Vous savez, il y a des gens qui apparaissent à chaque scrutin juste pour ramasser l'argent. On me dit que c'est la dernière fois et que maintenant c'est fait. Il faut quand même qu'il y ait un certain nombre de mesures. Il faut remettre de l'ordre. C'est une décomposition terrifiante. Ca ne donne pas d'assurances et de gages aux citoyens de telles pratiques. Concernant les observateurs étrangers, nous avons exprimé notre position et elle n'a pas changé d'un iota. Nous ne sommes pas d'accord même si ces observateurs sont Africains et Arabes. Nous avons tout le respect pour les peuples arabes et africains mais là n'est pas le propos.

Pour nous, c'est une question de souveraineté. Il y a aussi l'ONU, mais on sait maintenant à quoi elle sert et qui décide dedans. Pour nous, il vaut mieux donner des gages au peuple algérien, aux candidats algériens que des gages à l'extérieur. On sait que c'est le produit des pressions qui ont été exercés dans le passé et que c'est pour nous prémunir d'éventuelles pressions. Ce n'est pas une garantie. Nous, nous mettons l'accent sur les dispositions qui doivent être prises concernant l'intérieur, le contrôle par les partis... etc.

D'ailleurs, vous avez une commission de surveillance des élections et dans les pays démocratiques ça n'existe pas parce que la loi est claire, les garde-fous sont clairs et il ne peut pas y avoir de dérapage. Nous, c'est encore une fois la démonstration que nous ne sommes pas encore sortis de la crise et que nous n'avons pas encore jeté les bases de l'exercice de la démocratie véritable. Il reste qu'il y a quand même des avancées. La situation sécuritaire s'améliore mais ce n'est pas encore la paix.

Sur le plan social, il y a plusieurs mesures qui ont été prises et qui ont été annoncées et que nous on a inscrit dans la lettre que j'ai adressée au président de la République. Avant d'en arriver là, par exemple sur la question des Harraga, nous avons exprimé notre indignation que la majorité du Parlement, avec les deux Chambres, a voté pour la pénalisation de l'acte de « Harga », c'est-à-dire l'immigration clandestine.

D'un côté, on reconnaît que c'est une deuxième tragédie nationale et de l'autre, la réponse c'est la répression. Dans cette lettre, je peux vous donner une copie, nous n'acceptons pas aussi la répression à l'encontre des mouvements de grève. Encore aujourd'hui dans le secteur de la Santé, une grève légale, un mouvement de protestation qui s'adresse à l'Etat est un signe de bonne santé. Au contraire, si on ne s'adressait pas à l'Etat à qui va-t-on s'adresser. A l'ONU, à un président étranger, à qui ? Ou alors, il ne reste plus que la violence, le terrain de la décomposition. C'est pour cela, nous exprimons nos craintes et que rien ne peut justifier cela. La décision était prise pour ce qui est des salaires impayés, ce qui est une victoire mais il faut qu'on règle le problème à la racine. Les travailleurs souffrent depuis des années, leurs entreprises sont déstructurées parce que le ministre de l'Industrie veut liquider ces entreprises. Et en réalité, depuis 2001, il y a eu plus de 30 milliards de Dinars qui ont été versés comme ça, sous forme d'arriérés de salaires alors que si on les avait versés sous forme d'aides à ces entreprises, elles auraient relancer leur production et amélioré leur situation. Cela veut dire que maintenant, il faut penser comment assainir la situation de ces entreprises et appeler à de vraies solutions. Il me semble que les principaux responsables reconnaissent qu'il y a eu des mesures qui ont été prises et que la privatisation a échoué, le partenariat assimilé au pillage c'est terminé. Qu'il y ait des garde-fous, que l'Etat doit être majoritaire et qu'on doit corriger un maximum de décisions qui étaient réellement néfastes et donc à partir de là il faut chercher des solutions. Les questions sociales telles que les salaires impayés, cette misère intolérable. Il y a de l'argent, mais ce n'est pas la majorité qui en bénéficie, c'est toujours une minorité de nouveaux riches.



Donc, il y a eu cette décision d'augmenter et de tripler l'indemnité forfaitaire de solidarité, même si cela reste complètement insuffisant. 3.000 DA, c'est insignifiant. Oui mais ça reste un geste et ce sont des gestes qui démontrent qu'on peut prendre des décisions quand il y a la volonté. La non privatisation d'Algérie Télécom, la non privatisation de l'ENMTP, la non privatisation de la SNVI, tout comme l'interdiction d'importation des médicaments dont l'équivalent est produit chez nous. Ce sont autant d'annonces et de décisions très importantes pour l'économie nationale et qui, encore une fois, démontrent que rien n'est irréversible, rien n'est inéluctable et qu'on peut dégager les solutions qui sont conformes aux intérêts de la nation à la construction d'une économie nationale.

A la veille d'une échéance électorale qui est quand même un examen politique et c'est l'une des raisons principales qui nous a amenés à participer. Cela veut dire qu'il y aura tout de même des tentatives ici et là, mais ces facteurs là sont des facteurs d'apaisement, des signaux assez forts, pas suffisants encore, en direction des travailleurs et de la jeunesse. Nous attendons et nous insistons sur la nécessité que soient abrogées la pénalisation et la criminalisation de l'acte de « Harga » et d'autres mesures, je dirais transitoires. Nous voulons des mesures qui ramènent la sérénité, qui rétablissent l'espoir, qui ramènent le calme et qui permettent aux Algériens de réfléchir politiquement et de choisir entre les différents programmes. Nous, nous ne décidons pas de participer en fonction de qui va être le candidat ou qui ne le sera pas. Notre position, elle, est déterminée par les besoins de la nation, par notre programme, par notre vison politique et économique. Nous pensons qu'aujourd'hui, il faut qu'il y ait cette rupture et restituer la parole au peuple. Il faut qu'on marque clairement qu'il y a un changement dans ce pays.



Le Q. O. : Certains soutiennent que la porte-parole du PT a un pied dans l'opposition, un autre au pouvoir, et n'arrive pas à se décider où mettre exactement les deux pieds. Que répondez-vous à cela ?

L. H. : Nous sommes un parti indépendant. Nous avons beaucoup à dire sur le nouveau concept de l'opposition. Ce concept a tellement été galvaudé qu'il a changé de contenu. Je veux dire qu'au temps de la clandestinité, dans les années 1990, il était aisé de se réclamer de l'opposition parce que c'était la lutte contre le parti unique, le système du parti unique. Même si la pensée unique, dans une certaine forme, continue d'être présente par la fraude, par l'hégémonisme, mais nous ne sommes plus dans la même situation. De plus, ce concept était galvaudé par les institutions internationales elles-mêmes. Aujourd'hui, tout le monde voit que des grandes puissances, comme en Irak, en Afghanistan et comme dans différents pays, une grande puissance, notamment l'administration américaine, quand elle veut agresser un pays elle lui fabrique une opposition, qu'elle finance, qu'elle manipule, qu'elle utilise, qu'elle instrumentalise. Nous ne sommes pas de ce type d'opposition.

Nous sommes un parti indépendant et nous voulons prendre le pouvoir. Nous nous battons pour devenir le parti majoritaire qui gouverne ce pays sur la base de notre politique. Nous sommes en train d'évoluer et de progresser. Au fur et à mesure, mais dans un mouvement, je dirai, linéaire naturel. A chaque scrutin, à chaque campagne politique nous réaffirmons le parti. La campagne de collecte de signatures est une réaffirmation du parti. Nous avons des centaines d'adhésions dans chaque wilaya. Cela veut dire que chez nous, ce n'est pas simplement une campagne de collecte de signatures. C'est une discussion de politique de fond, pour enregistrer, pour écouter les propositions, les cris, la détresse, tout.

Même ceux qui n'ont pas signé pour nous, nous avons discuté avec eux parce que nous respectons leurs points de vue. C'est parce que nous sommes indépendants et que pour nous, rien ne peut être supérieur aux intérêts de la nation. Chaque fois qu'il y a une décision que nous jugeons positive, nous l'approuvons tout simplement. Mais je crois que ces derniers temps c'est plutôt le contraire. En tout cas, sur l'orientation économique mais pas simplement. Nous avons été les premiers à poser la question de la paix et le temps nous a donné raison. A un moment c'était un sujet tabou. J'ai été censurée en 1997 durant la campagne électorale, du premier jour au dernier jour. A cause du mot paix, la guerre civile, c'est-à-dire des mots de la tragédie. Mais aujourd'hui, ça y est, tout a intégré cela, c'est même devenu une loi, la charte pour la paix et la réconciliation nationale etc., et j'allais dire qu'il y a un consensus sur la nécessité de sortir notre pays définitivement de la crise car c'est la condition pour tout.

Pour que cessent les pressions extérieures, pour préserver notre pays, pour construire une économie viable, pour qu'il y ait l'instauration de la démocratie.

Tamazight langue nationale, le président de la République était le premier à dire que cela était impossible sans referendum et il y avait beaucoup de gens qui disaient que c'était impossible. Il n'y avait que nous qui y croyons. Tamazight langue nationale, il n'y avait que nous. Nous avions quatre députés, nous avions fait une motion là-dessus et cela s'est concrétisé le 8 avril 2002.

Cela concerne aussi des décisions partielles concernant les droits des femmes. Nous, nous sommes pour l'abrogation de ce code puisqu'en réalité ce n'est pas un code de la famille parce qu'il y a encore de la discrimination. Nous avons voté pour le Code de la nationalité parce qu'il consacre l'égalité mais nous n'avons pas voté pour la révision du Code de la famille parce qu'elle est insignifiante, contradictoire et que nous pensons que c'est une aberration pour notre pays, de régresser comme ça d'autant plus que c'est vraiment en contradiction avec le mouvement de la société.

Sur les questions économiques, je crois que ce n'est pas le temps qui nous a donné raison. Les décisions officielles, les corrections apportées par le gouvernement, par le chef de l'Etat sur l'orientation économique mais aussi les développements mondiaux nous donnent parfaitement raison. Les choix qui ont été imposés à notre pays, c'était le suicide. C'était de s'abîmer dans le chaos pour que règne le pillage étranger et pour que s'épanouisse une maffia locale qui s'est enrichie à l'ombre de la tragédie nationale, ceux qui se sont accaparées des biens publics etc. et nous, nous voulons mettre un terme à cela.

Nous sommes un parti indépendant et voyez-vous nous avons combattu au lendemain des élections de 2004 car elles étaient porteuses des germes de la guerre civile et notre pays l'a échappé belle. Immédiatement après les pressions extérieures ont abouti à la dénationalisation des hydrocarbures, à l'instauration du système des concessions dans l'eau, au programme de privatisation désastreux, un véritable saccage, aux accords d'association avec l'Union européenne qui est un accord de désertification totale de notre industrie et de notre agriculture, et les responsables l'avouent dans leurs chiffres, dans leurs documents et tous les experts le disent. C'est-à-dire, cette année-là, c'était l'année du rouleau compresseur.

Eh bien, nous avons voté contre la dénationalisation des hydrocarbures, nous avons mené campagne et une année plus tard le temps nous avait donné raison, les hydrocarbures ont été renationalisées mais pas seulement ça. Aujourd'hui, il y a beaucoup de corrections, alors je crois qu'il faut plutôt se féliciter que le gouvernement, que le chef de l'Etat prenne des décisions pour corriger les orientations qui desservent notre pays, qui le liquident même, qui le détruisent et qui hypothèquent toutes les chances d'un véritable développement économique national et local.

Quant à nous, nous sommes très, très à l'aise et encore j'ai écouté les déclarations du chef de l'Etat qui annonce qu'il y aura une augmentation du SMIG lors de la prochaine tripartite et qu'il y aura des investissements publics. Je lui dirais tout simplement qu'il a le pouvoir de décision. Il est encore président de la République, pourquoi ne le fait-il pas maintenant ? Qu'il le fasse maintenant, parce que nous cherchons des solutions nationales, algériennes aux problèmes.

Nous, nous voulons que notre pays s'en sorte pour qu'enfin on puisse débattre sur le terrain de l'idéologie. C'est-à-dire, nous sommes un parti socialiste, nous voulons débattre de ça et nous voulons que chacun s'assume. Celui qui est capitaliste, qu'il le dise, celui qui est centriste qu'il le dise, celui qui est socialiste qu'il s'affirme. Nous, nous n'avons pas à cacher notre identité mais à cause de la situation de notre pays, à chaque fois nous sommes obligés de définir d'autres priorités. Une fois c'est la paix, une fois c'est la sauvegarde de la nation etc. A chaque fois, à chaque scrutin, il y a une bombe, ou quelquefois des bombes qu'on nous pose et qui risquent de faire éclater le cadre national.

C'est la raison pour laquelle cette fois-ci, nos espoirs sont très, très forts. Nous espérons que ça se passera dans d'autres conditions, au moins qu'il y ait la sérénité. Maintenant, comment jeter les bases d'une véritable démocratie et nous, nous avons énormément de propositions puisque nous pensons qu'il faut maintenant restituer la parole au peuple pour qu'il ait le droit de révoquer de l'élu local jusqu'au président de la République.

Celui qui pense être représentatif, il ne doit pas avoir peur des urnes. Il ne doit pas avoir peur de la parole du peuple. Qu'il le sanctionne ou qu'il le reconduise, comme cela se fait au Venezuela, en Bolivie ou en Equateur. Le dernier à avoir convoqué des élections en assemblée constituante c'est le président c'est Raphaël Correra, le nouveau président de l'Equateur. Il l'a convoqué parce que le parlement avait été réactionnaire et avait tout donné aux multinationales. Un président qui veut corriger l'orientation économique de son pays, qui veut affirmer la souveraineté de son pays, a besoin de s'appuyer sur des institutions élues. Il a besoin de s'appuyer sur une vraie assemblée qui tient tête aux pressions extérieures et qui organise la mobilisation populaire.

Le Q. O. : Comment évaluez-vous les deux mandats présidentielles ?

L. H. : Je ne le ferai pas. C'est à lui de présenter son bilan. Parce que il doit le faire du point de vue de la démocratie. Mais s'il ne le fait pas, dans la campagne électorale j'aborderai le bilan de son mandat. Aujourd'hui je ne le fais pas parce que je n'ai pas de préjugés. Je n'ai pas encore de préjugés. C'est comme pour tout le reste. Il a encore le temps s'il veut décider, il décide. Mais il y a du positif et il y a du négatif. Parce que, par exemple, nous pensons que le peuple algérien a absolument besoin de savoir ce qui s'est passé en 2005. Pourquoi il y a eu une dénationalisation ? Pourquoi ? Parce qu'il a dit une phrase que nous, nous n'avons pas oublié.

«Nahnou irak Benisba li ghairina, Allah la trabah li yeouratna» (Nous sommes l'Irak pour certains, maudits soient ceux qui veulent nous enfoncer).

Qui ? Et tant d'autres choses. Le peuple algérien a le droit de savoir et nous voulons savoir.

Maintenant, les chiffres, les bilans qui ont été donnés par certains ministres, pour nous ils sont irrecevables et nous pouvons faire la démonstration.

Nous lui demandons de respecter l'intelligence du peuple algérien. D'abord, qu'il s'adresse à lui et qu'il fasse son bilan tel qu'il est et qu'il s'explique sur les raisons qui n'ont pas permis qu'on fasse ça ou les raisons qui nous ont amenés à faire ça au lieu de ça etc.

Maintenant, c'est une autre période qui s'ouvre et nous devons définir les priorités.

Pour nous, il est inacceptable de balancer des chiffres comme ça. C'est inacceptable de dire qu'on va créer tant de millions d'emplois, qu'on a fait ça et ça alors que c'est la détresse et que les jeunes meurent, se suicident. Deux suicides par semaine à Tizi Ouzou. Les gens risquent leur vie en mer. Il y a plus d'un millier de cadavres dans les morgues européennes, notamment en Espagne et en Italie etc. C'est un véritable désastre. Alors, on ne peut pas nous dire que... il y a des réalisations, c'est vrai. Les grands chantiers sur l'orientation économique en dehors de la dernière période, mais on en discutera quand le moment viendra.

La dernière période, oui on a corrigé un certain nombre de choses à commencer par les hydrocarbures. Sans ça, ça aurait été la catastrophe, Si on n'avait pas renationaliser on n'aurait pas le sou pour faire quoi que ce soit. Mais il faut quand même qu'on sache. Car nous, on ne comprend pas. Quelqu'un qui a dénationaliser et après il vient comme si de rien n'était, l'autre il a fermé toutes les entreprises mais le président dit une chose et après il est dit son contraire. Non, ça donne le tournis. Il y a beaucoup d'opacité encore. Mais lui, il peut s'adresser aux Algériens.

C'est le baba de la démocratie. Moi je n'ai pas de bilan à présenter.

Par contre, pour ce qui est des élections législatives depuis 1997, c'est moi qui présente le bilan des députés et du groupe parlementaire et partout. Parce que je me dois de le faire. Les Algériens nous ont élus sur la base d'un programme, d'engagements électoraux et donc à chaque fois, je leur explique. Voilà ce que vous avez donné comme mandat, voilà ce qu'on a fait, voilà ce qu'on a obtenu ou n'avons pas obtenu pour les raisons suivantes.

Parce que nous sommes minoritaires, parce qu'il y a ça, il y a cela, etc.

C'est une exigence de la démocratie. Donc c'est à lui de faire son bilan ou si les partis qui le soutiennent le feront, à ce moment-là, c'est sujet à débat.