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Safy Boutella au Quotidien d'Oran : Trente ans en partitions

par Entretien Réalisé par un de Nos Correspondants A Paris: M. Amina

Safy Boutella : «Je serais très honoré et fier d'amener «mon son de cloche» au 2ème festival panafricain».

L'écrin du Théâtre de verdure d'Alger semble toujours vibrer au son de la musique de Safy Boutella, une année et demi après le double-concert qu'il avait donné en juillet 2007 pour célébrer 30 années d'un parcours artistique hors du commun. Et comme il ne fait pas les choses à moitié, le musicien/compositeur, diplômé de Berklee College of Music de Boston, revient sur cette carrière fascinante, à plus d'un titre, dans un coffret de 15 CD assortis d'un DVD.

Compositeur prolifique, avec 70 musiques de films sans compter les très nombreux spectacles, Safy Boutella s'est « énormément inspiré de la richesse » de la musique traditionnelle de son pays, de « ses rythmes et de tous ses éléments relatifs à la transe ». De ''Kutché'', album qu'il signe avec Cheb Khaled en 1987 et qui l'a révélé, à ''Zarbout'' (Toupie), un spectacle grandiose présenté en juillet 2007 à Alger, en passant par ''Majnoun'', ''Watani'', ''Mirca''..., ce coffret est un délice de musique captivante, dont le style reflète le tempérament et la passion débordante de cet artiste accompli pour la musique, dans toute sa diversité, y compris africaine. A ce titre, Safy Boutella souligne, dans cet entretien au Quotidien d'Oran à propos du 2ème Festival Panafricain prévu au mois de juillet prochain à Alger, véritable tremplin pour les jeunes artistes et une consécration pour les plus confirmés, qu'il « serait très honoré et fier d'y amener (son) son de cloche (...) «J'aime mon pays et j'aime l'Afrique», confie-t-il.

Des projets ? Le musicien en a plein la tête : musique d'un documentaire sur Salvador Dali, préparation d'une tournée nationale pour le début de l'été, une oeuvre sur l'Emir Abdelkader, un nouveau répertoire électro-jazz etc. ...Souhaitons bonne continuation et plein succès à l'artiste

 

Le Quotidien d'Oran: Pourquoi, et maintenant, une compilation revenant sur un parcours de trente années de musique ?

Safy Boutella: J'ai décidé de sortir ce coffret parce que je n'ai jamais pu mettre à disposition de mon public en Algérie toutes mes musiques, au fur et à mesure qu'elles sortaient, depuis 30 ans. Et cela pour des raisons de distribution et de qualité des supports de l'époque. Et en plus, il y a 10 ans, qui possédait un lecteur CD ? Vraiment pas grand monde !

Q. O.: Moderne, sophistiquée, s'inspirant de courants esthétiques variés, votre musique se nourrit également du terroir, de la tradition musicale algérienne. Est-ce une façon pour vous de revisiter ce patrimoine national aussi riche que varié ?

S. B.: En revisitant notre patrimoine musical j'ai surtout pu le redécouvrir, l'approfondir, et m'en servir tant il est en effet riche et varié. Je me suis énormément inspiré de la richesse de ses rythmes et de tous ses éléments relatifs à la transe. Notre patrimoine musical algérien me séduit beaucoup car il n'a pas ce côté trop sucré de la musique orientale. En fait, ce sont les musiques qui sentent le vent, la terre, le bois et même le bitume qui me font vibrer. Des choses profondes, graves, mais simples et vraies en fait.

 

Q. O.: Vous avez attribué à vos spectacles des noms aussi originaux que ''Mejnoun'', allusion je suppose à la folie de l'harmonie, ''Watani'', ''Zarbot'' ou ''Mirca''. Est-ce pour mieux accrocher le public, une provocation subtilement déguisée ou tout simplement, ce sont des titres qui reflètent mieux l'esprit et la lettre de vos spectacles ?

S. B.: Vous savez, le choix d'un titre, que ce soit pour un livre ou un film, est d'une importance capitale. Il doit contenir en lui tout le sens de l'oeuvre. Il doit en être la suggestion immédiate. Je crois que c'est surtout cela qui m'importe au moment de le choisir. Un titre reflète aussi une envie, la motivation de départ. Par exemple, j'ai appelé mes concerts de 2007 à Alger, ''Zarbot'' parce que ces concerts, je voulais les dédier à nos enfants, ceux qui jouent encore à la toupie dans les rues de la Casbah. Et la toupie c'est «Zarbot». Cet objet évoque pour moi la vitalité, la vivacité, cette force qui doit pousser nos enfants à voyager, apprendre, s'enrichir pour devenir épanouis et prêts. Quant à Mejnoun, c'est le rapport étroit qui me lie à la transe. L'état de possession dans lequel je me suis toujours retrouvé au moment où j'entreprends, en tant que musicien et artiste ou tout simplement en tant qu'homme. Et, à chaque fois, ce sont des mots qui sonnent bien !



Q. O.: Mais il y a également la musique du film ''Little Sénégal'', de Rachid Bouchareb, référence directe à l'Afrique, un continent dont la culture sera mise à l'honneur en Algérie à l'occasion de cette manifestation grandiose qu'est le deuxième Festival panafricain prévu du 5 au 20 juillet 2009 à Alger, quarante ans après la première édition de 1969. Êtes-vous invité à y participer ? et si oui, qu'aller vous proposer ?

S. B.: Jolie ellipse ! C'est bien sûr Rachid Bouchareb qui a trouvé ce titre, celui de son film. En ce qui concerne le Festival panafricain je n'ai eu que des contacts informels avec les responsables de la programmation. Rien de bien tangible pour l'instant. Mais je serais très honoré et fier d'amener mon son de cloche... J'aime mon pays et j'aime l'Afrique. Et d'ailleurs ma musique aussi adore mon pays et l'Afrique... J'espère vraiment que cela se fera.



Q. O.: La musique de Safy Boutella est, aux yeux de certains critiques, ''inclassable''. Ce n'est pas péjoratif, au contraire. D'autres estiment qu'elle est « furieusement singulière ». Comment qualifiez-vous votre style de musique ?

S. B.: Inclassable sûrement, surtout dans sa globalité... Car chacune est en fait assez identifiable. Kutché avec Khaled c'est du Raï moderne ; Mejnoun, de l'ethno-jazz ; mes musiques pour le cinéma sont de la musique de film ; la musique du spectacle «La Source» résulte de ma fascination pour la musique targui. Toujours est-il que cette histoire de classer une musique me dérange un peu. Disons que je ne me pose pas la question en ces termes. Ma musique émane de moi, point.



Q. O.: Un projet en chantier ?

S. B.: Oui, la musique d'un documentaire sur Salvador Dali et le cinéma (pour Canal plus cinéma), la préparation d'une tournée nationale pour le début de l'été, et des chantiers en tous genres, une oeuvre sur l'Emir Abdelkader, un nouveau répertoire électro-jazz etc.