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Les leçons de Nouriel Roubini

par Akram Belkaïd

L’Américain Nouriel Roubini est désormais l’un des plus célèbres économistes de la planète. La raison en est très simple : l’actuel président de RGE Monitor et professeur d’économie à la New York University est l’une des rares voix à avoir clairement et publiquement prédit la crise financière plusieurs mois avant qu’elle ne débute. C’est donc auréolé d’une aura de devin, pour ne pas dire de Cassandre car personne, à l’époque, n’a prêté attention à ses mises en garde, qu’il est sollicité par tout ce que la planète compte comme publications financières et économiques. Désormais son avis compte et ce sont les lecteurs en ligne du Financial Times qui viennent de profiter de ses analyses.

 

La faillite du modèle anglo-saxon

 

Quand on interroge Roubini sur ce qu’il pense être le principal enseignement de la crise financière et économique, il concentre ses critiques à l’encontre du modèle anglo-saxon de supervision et de régulation. Pour lui, ce système, qui s’est considérablement étoffé depuis le début des années 1980 - période où les Etats ont commencé à céder de leurs prérogatives au marché -, a échoué parce qu’il a largement compté sur l’autorégulation. Et, en réalité, on sait aujourd’hui qu’autorégulation ne veut dire ni plus ni moins qu’absence de régulation.

Ce point est fondamental car, actuellement, les Etats qui cherchent à reprendre la main, notamment par rapport aux banques, se voient répondre par les acteurs financiers que l’autorégulation est préférable à l’interventionnisme des pouvoirs publics. Pour Roubini, il n’y a néanmoins aucun doute : quand des acteurs de marché plaident pour l’autorégulation, c’est qu’in fine, ils souhaitent s’affranchir de toutes les règles possibles.

Et l’économiste américain enfonce même le clou en affirmant que la fameuse « discipline de marché » qui, au bout du compte, amènerait ce dernier à toujours se comporter de manière rationnelle est une construction de l’esprit qui ne résiste pas à l’analyse. Il suffit, juge-t-il, d’examiner le comportement du marché lors des périodes euphoriques de bulle - l’exubérance irrationnelle - pour se rendre compte de son incapacité à être rationnel.

Plus important encore, l’économiste remet aussi en cause l’efficacité des systèmes internes de détection des risques. On le sait, de nombreux acteurs de marché communiquent actuellement sur le fait qu’on ne les y reprendra plus, qu’ils vont renforcer leurs contrôles internes, que des machines encore plus sophistiquées empêcheront leurs traders de faire n’importe quoi.

Du vent, estime Roubini qui rappelle cette phrase célèbre de la City : « Quand l’orchestre se met à jouer, tout le monde se lève pour danser. » En clair, quand l’argent facile commence à pleuvoir, aucun système au monde n’empêchera tel ou tel acteur de marché de vouloir prendre sa part du gâteau en se lançant lui aussi dans la spéculation...

 

Les banques dans la ligne de mire

 

Les critiques de Roubini concernent aussi les banques. Ces dernières seraient déjà en défaut par rapport aux futurs critères de solvabilité, dits de « Bâle II », alors qu’ils ne sont même pas encore entrés en application. De nombreux établissements seraient en effet incapables de mobiliser les fonds propres exigés en contrepartie des prêts et crédits qu’ils ont alloués, ce qui constitue une menace pour la stabilité financière internationale. D’ailleurs, Roubini n’exclut pas aussi une nouvelle faillite bancaire dans des pays où l’Etat lui-même fait face à un assèchement de ses ressources financières. Une prévision qui pourrait concerner nombre de pays de l’Europe de l’Est où les gouvernements se débattent dans d’importantes difficultés budgétaires, ce qui amoindrit leur capacité à se porter au secours d’une banque en péril.