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Les effets de la crise d'octobre 2008 et perspectives 2013/2014, quelles leçons pour l'Algérie ?

par Abderrahmane Mebtoul *

«Seule une crise peut produire des changements. La véritable fonction de l'économiste est alors de trouver des solutions de rechange aux politiques existantes jusqu'à ce que le politiquement impossible devienne le politiquement inévitable.»
Milton Friedman -Prix Nobel Economie


L'année 2009 sera caractérisée par une forte dépression, les bourses du monde entier ayant subi des pertes sans égales depuis les années 1929/1934. L'effondrement des marchés financiers est aujourd'hui accompagné du déclin de l'économie réelle. Entre janvier et début décembre 2008 les plus grandes places financières ont perdu presque la moitié de leur capitalisation, soit plus de 35.000 milliards de dollars soit plus de deux fois le produit intérieur brut américain, touchant presque tous les pays Usa, Canada, Europe, Russie et les dirigeants asiatiques, arabes du Golfe, latino-américains disent ouvertement maintenant que la crise les atteint. Le gouvernement algérien ne devrait pas prendre à la légère la profondeur de cette crise qui est structurelle et non conjoncturelle (1).



Les effets de la crise financière d'octobre 2008 sur l'économie réelle

 

Les institutions internationales désemparées, ne maîtrisant plus les perspectives de l'économie mondiale (4 prévisions contradictoires durant l'année 2008) viennent de revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2009 à 0,5% contre 2,2% estimé en novembre 2008, le FMI anticipant une contraction de l'économie américaine de 1,6% en 2009 alors qu'il anticipait précédemment une contraction de 0,7%. Le FMI a également revu à la baisse sa prévision 2009 pour la zone euro où la contraction de l'économie devrait atteindre 2% contre un recul de 0,5% selon l'estimation de novembre 2008. Les indicateurs composites avancés de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le mois de décembre 2008 signalent un ralentissement de l'activité d'une ampleur comparable enregistrée lors des chocs pétroliers des années 70. L'indicateur composite avancé pour la zone OCDE a diminué de 1,1 point en décembre 2008, à 92,9, et est inférieur de 8,2 points à son niveau observé en décembre 2007. Pour Bloomberg, et George Soros la crise actuelle pourrait être bien pire que celle connue dans les années 1930, prévoyant une chute supplémentaire de 20% des marchés d'actions. Selon Olivier Blanchard, l'économiste en chef du Fond monétaire international, la contraction de la demande « pourrait dépasser tout ce que l'on a vu depuis la Grande Dépression des années 1930 ».Robert Shiller, professeur d'économie à l'université de Yale, et co-inventeur du Case-Shiller, l'indice immobilier de référence aux Etats-Unis pense qu'une petite stabilisation des prix des logements pourrait intervenir début 2011 et il pourrait se passer des années avant que l'économie ne se reprenne globalement horizon 2013/2014. Pour l'année 2009 en cours, Euler-Hermes SFAC (leader de l'assurance-crédit), dans son étude semestrielle, annonce une hausse de 25% de défaillances d'entreprises dans le monde en 2008, avec une accentuation pour 2009. Par ailleurs, dans une étude réalisée par Groupama Asset Management, les profits des sociétés devraient reculer de 50% pour l'année 2009. Comme conséquence, le taux de chômage au niveau mondial connaît une progression dangereuse. Alors que la zone OCDE affichait, en 2007, son plus faible taux de chômage depuis 1980 (5,6%), le marché du travail s'est brutalement retourné. Et le BIT et l'OCDE estiment que le chômage risque de toucher entre 20 et 25 millions de personnes de plus dans le monde d'ici à 2010, atteignant un record de 210 millions de personnes fin 2009. Aussi, il faut être attentif à l'évolution de l'économie mondiale et surtout américaine qui reste la locomotive de l'économie mondiale. 14.300 milliards de dollars de PIB trois fois plus que le second du classement mondial, le Japon. Ainsi, le PIB des Etats-Unis a reculé de 3,8% au quatrième trimestre 2008, du jamais vu depuis 27 ans. Le département du Commerce a indiqué début janvier 2009 que l'investissement privé, qui avait crû de 0,4% au troisième trimestre 2008 a plongé de 12,3% au quatrième, faisant perdre au pays 1,8 point de croissance. Les dépenses d'investissement dans le logement ont continué leur chute. L'investissement hors logement a, lui, plongé de 20,1%, sa plus forte baisse depuis 1980. D'une manière plus précise, le taux de chômage aux Etats-Unis atteindra 1,7 million de chômeurs supplémentaires au mois de mars 2009 (2,8 millions d'emplois ont été supprimés en 2008) et selon Levy Economics Institute, le produit intérieur brut (PIB) américain devant perdre environ 12 pour cent d'ici à 2010, le chômage atteindra les 10 pour cent, et 2,6 millions de logements ont fait l'objet d'une procédure de saisie en 2008. Pour la zone euro, le taux de chômage est passé en une année de 7,2% à 7,8% entre 2007/2008 et devrait s'accroître selon la Commission européenne de près de trois points entre 2008 et 2010 devant dépasser les 10% pour la première fois depuis dix ans. L'Espagne est la plus fragilisée, dont la croissance s'était appuyée sur beaucoup de contrats précaires dans le bâtiment ou les services, son taux de chômage, le plus haut dans l'UE, allant vers 13,4% en 2010. Lors du seul mois de novembre 2008, la production industrielle du Japon, la deuxième économie en importance dans le monde, a diminué de 8 pour cent, soit la plus importante diminution de l'histoire. La Corée du Sud (qui, avec le Brésil, connaîtra une crise inégalée en 2009), une des principales économies industrielles dans le monde, le déclin de la production industrielle en novembre 2008 a été de 14,1 pour cent par rapport à l'année 2007. Pour le cas de la France, la Commission européenne prévoit une nette récession en France en 2009, qui devrait s'accompagner d'une forte hausse du chômage et d'une explosion des déficits publics, à plus de 5,4% du PIB en 2009 et à 5,0% pour 2010. Le ralentissement économique et la crise financière ont entraîné en France une hausse des défaillances d'entreprises de plus de 10% en 2008, à des niveaux jamais vus depuis plus de quinze ans, surtout dans l'automobile, l'immobilier et en 2008 près de 57.700 entreprises ont fait l'objet d'une procédure collective, qui intervient après un dépôt de bilan lorsqu'une société n'arrive plus à régler ses dettes. La baisse en Espagne, qui est entrée en récession, a atteint près de 20% en décembre en rythme annuel 2008. L'agence nationale des statistiques a annoncé une chute de 19,6% de la production industrielle en décembre 2008 un rythme inédit jusqu'ici. Le secteur de l'automobile est particulièrement touché avec une chute de production de 48% en décembre 2008, ainsi que les biens durables avec une chute de 31,4% sur la même période. Après un premier recul de 0,2% au troisième trimestre, le PIB aurait encore baissé de 0,8% entre octobre et décembre 2008 et risque de s'accentuer en 2009. Pour l'Italie,le gouvernement a repris à son compte la prévision de l'Union Européenne d'un recul du PIB de 2% en 2008 (moins de 0,5%), en totale récession en 2009, et s'attend à une explosion de la dette publique qui devrait s'élever à 112% du PIB en 2010. Pour le cas de la Chine, 15,3% des 130 millions de ruraux qui migrent pour travailler, ont perdu leur emploi ou n'en ont pas trouvé, a affirmé le 3 février 2009 Chen Xiwen, responsable gouvernemental chargé de la planification rurale soit plus de 20 millions ont perdu leurs emplois courant 2008, du fait que plus de 670 000 petites entreprises ont fermé en 2008 et ce n'est que le début. Pour ce pays qui, par le passé, a tiré la croissance de l'économie mondiale, les prévisions sont à la fois contradictoires et pessimistes, la Banque mondiale ayant revu à la baisse le taux de croissance de la Chine en le ramenant à tout juste 7,5 pour cent, son niveau le plus bas en près de 20 ans, inférieur au niveau de référence de 8 pour cent qui est généralement considéré par les responsables chinois comme étant le minimum indispensable pour créer suffisamment d'emplois et maintenir ainsi la stabilité sociale. Selon les estimations de Macquarie Securities, l'on s'attend à ce que l'industrie du bâtiment de la Chine, qui représente un quart des investissements dans l'immobilisation fixe et qui emploie 77 millions de travailleurs, se contracte de 30 pour cent en 2009, mettant en doute la croissance même de la Chine même à 7,5%, certains experts avançant un taux de croissance inférieur à 5% en 2009. Par ailleurs le magazine économique Caijing de novembre 2008 a estimé que 2,3 millions d'emplois seront supprimés dans les industries exportatrices étant donné que la production était réduite en fonction de la baisse de la demande extérieure, la croissance des exportations chinoises ayant presque baissé de moitié en passant d'un taux annuel de 20 pour cent au début de 2008 à 11,1 pour cent au cours de ces trois derniers trimestres 2008. La Russie malgré ses réserves de pétrole et de gaz (premier producteur mondial de pétrole et de gaz) et des dévaluations successives du rouble, est entrée en récession avec un taux de croissance inférieur à 5% en 2009 contre plus de 8% les années passées. Quant aux pays du Moyen Orient, les pays du Golfe ont perdu en sous capitalisation plus de 2500 milliards de dollars dont plus de 500 milliards de dollars en pertes sèches. Un exemple frappant, des projets de construction totalisant 582 milliards de dollars ont été gelés ce début février 2009 aux Emirats arabes unis en raison de la crise. Nous ne parlerons pas des pays du tiers monde, les plus les pauvres. Selon le rapport annuel du Bureau International du Travail (BIT), la crise économique mondiale va se traduire en 2009 par une augmentation considérable du nombre de chômeurs et des personnes en situation d'emplois vulnérables, le nombre de travailleurs pauvres, gagnant moins de 2 dollars par jour pouvant atteindre 1,4 milliard de personnes, soit près de 45% de la population active mondiale ayant un emploi.



L'essence de la crise

 

Par rapport à la période contemporaine, faut-il considérer la crise de 1929 comme étant un événement unique dans l'histoire du capitalisme ou faut-il l'apparenter aux autres crises récentes, qui bouleversent les économies capitalistes, encore ne faudrait-il pas tirer des conclusions hâtives et chimériques comme c'est la fin du capitalisme, le retour à l'étatisme et au communisme ? La crise actuelle est une crise systémique du capitalisme mais enclenchée par la crise du crédit (économie de l'endettement). La crise financière s'avère profonde et n'en est qu'à ses débuts, et les premières conséquences économiques et sociales ne cessent de se faire sentir. Cette insécurité explique que l'once d'or se cote depuis fin décembre 2008 à plus de 905 dollars l'once, les craintes économiques étant si profondes que le raffermissement du dollar, qui en général joue en défaveur de l'or, n'a pas eu d'incidences. Cette crise est liée fondamentalement à la financiarisation accrue en déconnection avec la sphère réelle et la non symbiose de la dynamique économique et de la dynamique sociale oubliant que le travail est certes un prix mais créateur de valeur et vecteur de croissance à travers la consommation. C'est qu'une des raisons de la crise de 1929 est que les revenus étaient mal répartis entre salaires et profits, entre les plus riches et les autres. C'est la diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises. Entre 1980 et 2006/2007, elle est tombée de 67% à 57% en moyenne, dans les quinze pays les plus riches de l'OCDE. En effet, avec cette financiarisation croissante, nous avons deux types de détention d'actions. La détention directe (ceux qui les détiennent en propres) et la détention indirecte (ceux qui les détiennent par le biais d'un intermédiaire : organismes de gestion, sociétés d'assurances-vie, caisses de retraite, SICAV). Le fait nouveau réside dans la modification rapide et importante du type d'actions détenues par les ménages. La détention directe d'actions devient minoritaire, pendant que la détention indirecte s'est fort développée. Ce sont aujourd'hui les fonds de pension qui contrôle Wall Street gérant plus de 30% de la capitalisation boursière des USA. Ces dysfonctionnements ont été concrétisés à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes) en août 2007, crise qui s'est propagée à l'ensemble des bourses mondiales avec des pertes estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars, phénomène qui n'explique pas toute l'ampleur de la crise ( évitons de confondre l'essence et les apparences) que je résume en quatre étapes :

a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d'intérêts élevés;

b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c'est-à-dire qu'elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d'investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu'à 30% par an), et faire jouer l'effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu'à 90% des sommes nécessaires;

c- retournement du marché immobilier américain : vers la fin 2005, les taux d'intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s'essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d'honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont acheté les titres obligataires ont vu leur valeur s'effondrer;

d- crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu'elles ont dans leur bilan, mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d'où une grave crise de confiance et, depuis juillet 2007, cette situation fait chuter les bourses et paralyse le marché inter-bancaire, les banques ne se prêtant plus, ou très peu, craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge. Par ailleurs, comme durant la période 1929/1936, l'on assise au début de mouvements sociaux de plus en plus persistants face à la crise. En Islande, qui a connu par le passé une prospérité inégalée, le Gouvernement a démissionné conséquence directe de la crise économique mondiale suite à la dépréciation de la monnaie nationale et de l'effondrement du système bancaire.

La Chine risque une généralisation des émeutes sociales. En Russie, les recettes du pétrole chutent, les effets combinés de la dégradation de l'emploi et du cours du rouble provoquent des mouvements sociaux non connus depuis la crise des années 2000 au moment de l'effondrement du rouble. Les compressions de personnels au Japon ont, selon les observateurs locaux, un «impact d'une brutalité sans précédent » qui déstabilisent la société japonaise, traditionnellement confiante en sa sûreté.

Les mêmes effets commencent en Europe (cas de l'importante grève qui a réuni l'ensemble des mouvements syndicaux en France) en rappelant le cas de la Grèce qui a déjà vu de graves incidents, ainsi qu'en Irlande, en Grande Bretagne qui a connu la désindustrialisation du pays ayant reposé sa puissance sur la City et les services qui ont connu un effondrement expliquant et de la chute de la livre sterling et du bas taux d'intérêt jamais vu depuis la création de la banque d'Angleterre. Les USA ne sont pas exempts et des mouvements sociaux commencent à se manifester dans plusieurs gouvernorats les plus touchés par la crise, l'élection du nouveau président américain avec les espérances qu'il suscite, jouant transitoirement le rôle de tampon amortisseur. Tous ces mouvements sont des révélateurs de l'aggravation des malaises des sociétés et de l'inquiétude croissante vis-à-vis de l'avenir face à l'ampleur de la crise mondiale. Mais à la différence de la crise de 1929, reposant sur des Etats nations (avec des dévaluations des monnaies nationales), il existe une nette volonté de régulation des Etats et l'économie mondiale est en déflation (faible inflation, chômage croissance négative) et non en stagflation (inflation et chômage décroissance). Comme en témoigne la socialisation des pertes de certaines banques, la rapidité des interventions des banques centrales que ce soit la FED américaine, la banque centrale européenne, la banque d'Angleterre, japonaise, russe, et même chinoise et indienne de coordination pour briser le cercle vicieux du manque de confiance (prêts interbancaires bloqués) qui constitue l'élément vital de fonctionnement de l'économie mondiale.

Ainsi, les différents taux des banques centrales, la FED américaine, le taux européen (BCE), la banque d'Angleterre, le taux directeur de la banque centrale du Japon (BoJ) tendant vers zéro, posant la question des dépôts des réserves algériens à l'étranger taux d'intérêt négatif avec l'inflation), réduisant la marge de manoeuvre de toute politique monétaire future. Tout système économique et d'ailleurs politique fiable reposant sur la confiance, avec les banqueroutes répétées, le crédit interbancaire source de l'expansion de l'économie mondiale a eu tendance à s'assécher surtout au niveau des banques d'affaires. C'est cette situation qui a poussé la FED à injecter plusieurs centaines de milliards de dollars de liquidités sur les marchés et à étendre les accords de «swaps» avec ses homologues permettant aux banques centrales de se prêter réciproquement des liquidités à court terme, lorsque l'une ou l'autre en a besoin pour stabiliser le système financier de son pays et que face à la paralysie du marché, ils sont intervenus massivement en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d'euros de liquidités, comme le plan américain Paulson de 700 milliards de dollars en 2008 qui seront déboursés en plusieurs tranches, mais qui s'avèrera insuffisant puisque, selon le Wall Street Journal de la mi-janvier 2009, les autorités américaines seraient en train d'élargir leur plan de sauvetage au secteur financier en débloquant, éventuellement, 1000 à 2000 milliards de dollars de plus. Sans compter les 825 milliards de dollars prévus qui viennent d'être revus à la baisse par le Congrès le 7 février 2009 la fixant à 780 milliards que le président Barack Obama entend promulguer au plus tard le 16 févier 2009, pour le soutien à l'activité et qui pourraient s'avérer également insuffisants. Et également l'initiative européenne où les différents dirigeants, du fait de l'ampleur de la crise, commencent à avoir une vision commune comme en témoignent les 1800 milliards d'euros, soit 2300 milliards de dollars pour garantir les prêts interbancaires et les dépôts des épargnants : soit au total USA/ Europe plus de 3000 milliards de dollars, en plus des 200 milliards d' euros (Europe) pour soutenir l'activité économique, 1,5% du PIB de chaque pays remettant en cause le pacte de stabilité qui prévoyait un déficit budgétaire sur le PIB moins de 3%. Toute cette masse monétaire injectée, s'il n'y a pas reprise, pouvant conduire à une hyperinflation mondiale, (l'expérience allemande), la déflation actuelle étant transitoire. Car cette crise s'est propagée à l'ensemble de la planète d'où l'importance de la réunion du G20 tenue le 15 novembre 2008 à Washington et celle prévue à Londres le 02 avril 2009 composée des pays développés et des pays émergents (l'Algérie n'ayant pas été invitée) Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie représentant 85% du PIB mondial et 2/3 de la population mondiale.



La crise de l'économie politique et des politiques actuelles

 

Les nouvelles politiques des dépenses publiques dites néo-keynésiennes avec un rôle central à l'Etat régulateur s'avèreront-elles efficaces, le prix Nobel d'économie de 2001 Joseph Stiglitz estimant que ces actions ne sont qu'une solution à court terme, les comparant à «une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne»? Il est utile de rappeler que dans les années 1930, les mesures mises en _uvre par Roosevelt lors du New Deal n'ont pas été suivies du rétablissement de l'économie américaine. Après une brève remontée vers le milieu de cette décennie, l'économie américaine a connu un ralentissement marqué en 1937-38, aussi important que ceux qui l'avaient précédé. L'économie américaine a commencé à mieux se porter avec la production pour la guerre et après que la stabilité mondiale eut été rétablie grâce à la reconstruction de l'économie mondiale après la destruction massive de la Deuxième Guerre mondiale. Au début des années 1970, les mesures keynésiennes mises en place ont eu un impact limité pour restreindre le développement de la récession, contribuant à l'apparition de la stagflation, ce qui a aidé à créer les conditions politiques du programme du «libre marché» de Reagan et Thatcher et au Japon. Aussi, je ne rentrerai pas dans les débats stériles de peu d'utilité pour les politiques concrètes. Keynes est -il mort ou pas car la pratique des affaires et toutes les politiques gouvernementales depuis la crise de 1929 à ce jour ont combiné une politique monétaire active avec une politique de déficit budgétaire ciblée, en premier lieu les USA, la dette de l'Etat fédéral étant passée de 424 milliards en 1971 à plus de 11.000 milliards de dollars en 2007/2008.

D'ailleurs c'est cette émission sans frein de dollars combinée avec la baisse de la salarisation au sein du PIB (pouvoir d'achat), cette financiarisation accrue de l'économie en déconnection avec la sphère réelle, alors que le fondement du capitalisme repose sur l'entreprise créatrice de richesses, qui a permis aux opérateurs sur les marchés financiers d'acheter à crédit tout en n'étant pas solvables. Ces analyses sont confirmées par des études récentes dont l'OCC (Comptroller of the Currency, l'autorité de tutelle des banques US) que les banques commerciales US possédaient au 30 juin 2008, 182.100 milliards de dollars de produits dérivés dont JP Morgan Chase 43.000 milliards de dollars et Citigroup 17.500 milliards soit plus que le PIB mondial et qu'au sein de la masse monétaire mondiale les produits dérivés 75%, représentent l'essentiel, 63.000 milliards de dollars, soit 13 fois le PIB mondial. La crise étant très profonde donc structurelle, l'économie politique traversant elle même une crise, ce qui donne de l'actualité à la théorie d'un des plus grand théoricien du capitalisme à savoir Karl Marx qui n'a pas écrit le socialisme mais le Capital et au grand économiste Schumpeter sur les cycles et au sociologue Polanyi, le renouveau de l'économie politique doit donc combiner des actions structurelles en profondeur et des actions conjoncturelles dont la théorie keynésienne valable que pour le court terme. André Lévy-Lang ancien président du directoire du groupe Paribas, professeur associé émérite à Paris Dauphine fait une analyse pertinente, que je partage, dans le quotidien français les Echos le 04 février 2009, je cite «On connaît bien la thèse de Schumpeter selon laquelle la dynamique du capitalisme est due à l'esprit entrepreneurial davantage qu'aux effets mécaniques de l'accumulation du capital telle qu'elle est décrite par la théorie classique. On omet souvent de rappeler qu'il avait une vision pessimiste de cette dynamique, prévoyant qu'elle serait progressivement paralysée par les contraintes d'organisation du système, notamment par la bureaucratie. A première vue, cette analyse s'est révélée plus apte à expliquer l'échec du socialisme que la crise actuelle.

Mais si l'on remplace «bureaucratie» par «système financier» dans la thèse schumpeterienne, on redécouvre combien tout processus créateur est fragile et peut être menacé par une cellule extérieure qui le cancérise. Avec le sociologue Polanyi, la tendance irrésistible du capitalisme est que l'économie de marché colonise la société pour en faire une société de marché. Progressivement, plus rien n'échappe à la valorisation monétaire des activités humaines. L'économie sort de son lit pour inonder toutes les sphères de la vie humaine. Il en déduisait, dans une synthèse originale de la social-démocratie et des utopies autogestionnaires, que la société civile devait s'organiser pour faire retourner l'économie dans son lit et préserver ainsi de larges secteurs de toute emprise de la spéculation monétaire». Car l'objectif stratégique est de repenser l'actuel système économique mondial en intégrant le défi écologique, ce système actuel favorisant la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l'avenir de l'humanité, accélérée d'ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud, sur les 7 milliards d'âmes les 2/3 étant concentrées au sein de la zone Sud avec moins de 30% des richesses mondiales. Or, il s'agit de repenser tout le système financier mondial issu de Breeton Woods en 1945 en moralisant le capitalisme (la dernière mesure du président Barack Obama exigeant que les dirigeants des entreprises américaines recevant des fonds publics ne pourront pas toucher un salaire supérieur à 500.000 dollars par an. allant dans ce sens ) et ce en donnant un rôle accru au FMI comme garant de la régulation mondiale et éviter cette suprématie du dollar, qui ne devra plus se limiter seulement aux équilibres macro-économiques (déséquilibre des balances des paiements), tout en élargissant la représentation aux pays émergents au sein des institutions internationales. Rappelons que le dollar avait été connecté à l'or, puis nous avons assisté à sa déconnection en 1971 avec sa suprématie comme étalon d'échange international qui représente aujourd'hui en 2008, bien qu'en diminution relative environ 60% des transactions internationales en 2007/2008. Le risque à terme, en cas de méfiance en le dollar, serait son déclassement surtout des pays qui possèdent d'importantes réserves de change en dollars (dont la Chine plus de 2000 milliards de dollars fin 2008) ce qui accélèrerait sa dépréciation.

En résumé, la crise actuelle a donc des similitudes avec la crise de 1930 qui a débuté en 1927 mais n'a trouvé sa solution, qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale avec des tensions sociales (chômage), le retour au protectionnisme comme ces protestations en Grande Bretagne refusant la venue de travailleurs migrants et cette dernière mesure du sénat américain sur une clause controversée «Buy American» (achetez américain) du plan de relance économique qui ont provoqué de vives réactions de l'Union européenne et du Canada, mesure assouplie devant ces pressions,le projet ayant contenu au départ une clause protectionniste interdisant l'achat d'acier, de fer ou de produits manufacturés étrangers pour des projets financés dans le cadre de ce plan de relance, tentative protectionniste qui ne peuvent que conduire certes à régler des problèmes de court termes mais à aggraver le futur de l'économie mondiale avec le retour de régimes populistes,comme pour la période de la crise de 1929 (2). Mais à la différence de 1930, la période histoire actuelle est sans pareille, supposant de nouveaux instruments de régulation, étant dans la mondialisation avec une inter-connexion de plus en plus poussée des différents pays, supposant paradoxalement une propagation plus rapide de la crise mais également sa résolution progressive d'où l'importance d'une régulation mondiale, synchronisant la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale, en fait de repenser tout le système économique mondial. Pour le cas Algérie, il y a donc urgence de relancer la réforme globale en panne pour avoir une production et exportation hors hydrocarbures horizon 2015, car ayant perdu beaucoup de temps, ne devant pas s'attendre à des miracles à court terme, car sur la part dérisoire de 2% d'exportations hors hydrocarbures plus de 50% étant des déchets ferreux et semi ferreux. A partir de la méthode de calcul de la triangularisation du fameux tableau d'échange interindustriel, technique connue des économistes, l'on peut aisément démontrer qu'il est donc faux scientifiquement parlant, d'invoquer pour 2007/2008, un taux de croissance de 6% hors hydrocarbures puisque 80% de ces 6% sont le fait indirectement des hydrocarbures.

Aussi attention aux fausses solutions de la mentalité rentière, car il n'existe pas de proportionnalité entre l'importance des dépenses publiques (clôture 2004/2009 à plus de 200 milliards de dollars) et son impact économique et social, invoquer des réalisations physiques ayant un sens très limité sans se préoccuper des coûts et des impacts réels. Un ami, ancien officier supérieur de l'ALN puis de l'ANP a fait un diagnostic lucide: «certains responsables algériens ne veulent pas voir la dure réalité en face en affirmant que la crise mondiale ne touche pas l'Algérie: c'est comme un malade qui sachant qu'il est très malade ne veut pas voir un médecin, voulant vivre d'illusions. Le véritable patriotisme devant la gravité de la situation est de dire la vérité et éviter toute fuite en avant en se corrigeant, car la crise est mondiale. Le peuple algérien est un peuple responsable, il comprendra et se mobilisera à cet effet».


* Expert International
 

Note :

(2)- les leçons de la crise de 1929 (Q. O. -08 février 2009).

(1)-Voir contributions de Abderrahmane Mebtoul dans le quotidien d'Oran : Non monsieur le Ministre des Finances de l'Algérie, la crise est structurelle et non conjoncturelle» ( Q. O.- le 02 février 2009)